Homélie pour le 4e Dimanche de l’Avent (B)

Marie, la mère de Jésus, occupe une place centrale dans la foi de l’Église. Elle est celle qui a cru. Mais quand on dit de Marie qu’elle est celle qui a cru, l’on ne veut pas seulement dire qu’elle fait partie d’une longue lignée de témoins de la foi. L’on veut surtout affirmer que le fondement même de la foi chrétienne, qui consiste à croire que le Fils de Dieu s’est incarné, a comme point de départ la foi de Marie. Elle est celle qui a cru non seulement à la réalisation des promesses de Dieu, à sa venue en notre monde, mais elle a cru à son incarnation dans sa chair même. Marie accomplit ainsi la première et la plus grande des béatitudes, celle qui requiert une confiance absolue en Dieu, celle de la foi : « Heureuse celle qui a cru! »

C’est par la foi de Marie, par son oui, que l’on entre dans l’Alliance nouvelle que Dieu vient sceller avec l’humanité. Par son oui à Dieu, Marie devient la Mère de l’Église, c.-à-d. la mère des croyants et des croyantes, le modèle du disciple. Il y a donc là, en Marie, dans ce personnage effacé du Nouveau Testament, la présence d’un mystère extraordinaire que l’on n’aura jamais fini de contempler.

Tout d’abord, en elle on peut déjà entendre Dieu dire à son peuple, et ce, jusqu’à ce jour : « Je suis présent dans votre attente ! Vous tous qui peinez et souffrez, qui cherchez un sens à cette vie; je suis là au cœur de vos vies, avec vous. » Cette présence de Dieu en Marie devient physique. C’est le Fils de Dieu qui prend chair de notre chair, qui assume tout de notre humanité, afin d’affirmer de manière irrévocable que Dieu est engagé dans notre histoire, qu’il est avec nous dans notre lutte contre le mal, le péché et la mort. 

Mais le mystère qui se joue en Marie est bien plus que le signe d’une présence de Dieu à nos vies, à nos côtés. Regardez les récits de l’enfance dans les Évangiles. Dès que l’action de Dieu se fait sentir, les personnages se mettent en mouvement. Visitation de l’Ange à Marie, à Joseph, à Zacharie, le père de Jean-Baptiste. Visitation de Marie à Élisabeth. Visitation des bergers, des anges et des Mages à la crèche. Même les étoiles semblent se déplacer. Car plus qu’une présence à nos vies, le mystère qui se joue en Marie demande non seulement d’être reçu, mais aussi annoncé et donné au monde. 

Heureuse celle qui a cru à la Bonne Nouvelle, lui dit l’ange, car non seulement elle l’accueille en son sein, mais elle court l’annoncer avec empressement à sa cousine Élisabeth, et ainsi elle la donne au monde sans rien garder pour elle-même, s’exclamant dans son Magnificat que toutes les générations la diront bienheureuse. 

À nous aussi il revient de donner le Christ au monde aujourd’hui ! Comment cela va-t-il se faire ? Ce sera tout d’abord de croire comme Marie a cru. De poser cet acte de foi qui fait confiance en Dieu et qui croit qu’il est au cœur de toutes nos attentes. Qu’il est au cœur de tout ce que nous pouvons porter comme projets, comme épreuves, comme engagements, comme relations aux autres. De croire que Dieu est capable, non pas de nous donner tout ce que nous désirons, comme des enfants qui attendraient tout du père Noël, mais qu’il est capable de réaliser en nous toutes ses promesses de salut; qu’il est capable de nous donner de vivre de sa vie à lui dans la foi et la confiance; qu’il est capable de nous faire suivre le Christ, courageusement, sur toutes les routes de nos vies personnelles où qu’elles nous conduisent !

Donner le Christ au monde ce sera marcher avec tous les compagnons et compagnes de route que la vie nous donne; de partager leurs recherches, leurs luttes, et leurs peines, mais aussi leur bonheur de construire un monde meilleur. Car même s’ils ne partagent pas tous notre foi, beaucoup permis eux croient en l’amour, au don de soi et au partage. Et, surtout, Dieu croit en eux car il aime tous ses enfants, et sa bonne nouvelle est pour tous les hommes et toutes les femmes de bonne volonté. Il nous faut donc, nous aussi comme Marie, nous faire porteurs de cette bonne nouvelle.

Frères et sœurs, à quelques heures de la fête de Noël, la liturgie nous invite à contempler la mère de Jésus, l’Emmanuel, et l’accueil inconditionnel qu’elle fait du don précieux que Dieu nous offre en son Fils, son Unique. Que cette eucharistie nous ouvre le cœur et l’esprit à l’intelligence d’un aussi grand mystère, et qu’elle nous aide à grandir dans la foi, à l’exemple de Marie notre mère.

Fr. Yves Bériault, o.p. Dominicain

Homélie pour le 3e Dimanche de l’Avent (B)

Mystère d’Amour : notre Joie!

            « Soyez toujours dans la joie! » écrivait S. Paul aux Thessaloniciens. « Rendez grâce en toute circonstance : c’est la volonté de Dieu à votre égard dans le Christ Jésus. » Le 3e dimanche de l’Avent, le dimanche de la joie! Les mots nous le disent. La liturgie multiplie les invitations à nous laisser emporter dans une joie toute spirituelle : « Soyez toujours dans la joie du Seigneur; je le redis : soyez dans la joie. Le Seigneur est proche! » (Philippiens 4, 4-5) C’était l’antienne d’ouverture!

Mais, avons-nous bien raison de nous réjouir? En avons-nous le droit? Compte tenu de tout ce qui se passe dans le monde, ne nous faudrait-il pas plutôt fermer la porte à la joie? Nous interdire toute réjouissance? Tenir nos cœurs et nos pensées dans la grave et le sérieux, et laisser la tristesse envahir le champ de notre conscience, tellement il y a de quoi être fâchés et déçus à voir ainsi aller les choses? Par-delà nos inquiétudes, nos peines et malheurs personnels, il y a le malheur et les souffrances de tant de gens autour de nous! Il y a l’appauvrissement généralisé, les effets dévastateurs de la guerre en Ukraine, en Palestine et ailleurs. Les changements climatiques nous inquiètent. Nous, les croyants, nous constatons une désaffection pour le religieux et la foi dans nos familles, chez nos amis, dans la société ambiante. Nous avons perdu nos repères et nos traditions! Est-ce que tout cela n’engendre pas assez de tristesse pour nous soustraire à toute joie même spirituelle? Que nous faudra-t-il croire pour surmonter tant de raisons d’être tristes, pour retrouver l’authentique joie, le droit de célébrer et de vivre la joie de notre foi? 

D’abord, il faut nous rappeler que la joie qui nous est offerte nous vient de Dieu lui-même. Il nous a livré en ses prophètes et dans l’Évangile un message de vie, de consolation et de paix, qui est à la source de notre joie. Cette joie chrétienne, la joie de l’Évangile, elle est communion à la joie de Dieu lui-même. Une joie qui vient de source, qui n’est pas incompatible avec la tristesse et la compassion ressenties devant ceux et celles qui souffrent. 

Il en est comme de la joie de l’amitié entre deux personnes. En supposant qu’elle soit authentique et forte, nous savons qu’elle se manifeste alors même que l’épreuve touche l’une ou l’autre des personnes en cause. La communion et le partage, qui se vivent alors, viennent renforcer et augmenter la joie profonde de cette amitié. 

Ainsi en est-il pour notre joie spirituelle. Nous n’avons certes pas le droit d’être naïfs ou insensibles. Dieu dans le Christ s’est montré compatissant et d’une extrême sensibilité à nos douleurs. Il ne s’est pas tenu dans une tour d’ivoire. Il est allé partout. Nous aussi, nous avons les deux pieds dans un monde en souffrance et en désarroi. Nous souffrons en compassion active pour tous ces gens, sans perdre la joie de notre amour, la joie de notre communion avec Dieu. Nous sommes amoureusement solidaires d’une humanité que Dieu aime et qu’il veut sauver de la mort. 

Dans le processus d’achèvement de la création où nous sommes tous engagés, le témoignage de notre joie apporte un encouragement précieux, essentiel. Il ouvre à tous une fenêtre sur plus grand que nous. Dieu nous tend la main pour une réponse de foi. Il a pour tous un regard de paix qui invite à l’espérance. Il nous ouvre son cœur en appel de notre amour. Il vient sans cesse frapper à notre porte Celui qui le premier nous a aimés. Sans mérite de notre part nous sommes conviés, comme les bergers de Bethléem, à témoigner de la venue de Dieu dans notre monde. Cette présence divine, humblement, a pris chair de notre chair. Elle a tout changé de notre condition humaine. Elle nous vaut une joie réelle et profonde. Désormais nous ne sommes plus seuls. Il est avec nous, notre Créateur et notre Sauveur, la source infinie du bonheur et de la Joie. 

Jacques Marcotte, O.P.

Québec, QC