Veuillez excuser la longue introduction avant d’en arriver au but de cet article, mais je crois humblement que la démarche proposée en vaut la peine.
Il y a quelques années les studios Walt Disney on produit un film intitulé : Les Chroniques de Narnia: L’Armoire Magique, tiré du roman de C.S. Lewis, célèbre auteur anglican du XXe siècle.
Voici une brève description de ce conte fantastique. Le commentaire qui suit dévoile un aspect important du film (avis aux cinéphiles):
Il s’agit « des exploits de quatre enfants de la famille Pevensie -Lucy, Edmund, Susan et Peter – qui, à l’époque de la Seconde guerre mondiale en Angleterre, entrent dans le royaume de Narnia par une armoire magique en jouant à cache-cache dans une maison de campagne appartenant à un vieux professeur. Là, ils découvrent un royaume enchanteur et paisible habité par des bêtes parlantes, des nains, des faunes, des centaures et des géants condamnés à vivre dans ce monde où règne l’hiver depuis longtemps depuis que Jadis, la Sorcière Blanche, a pris le pouvoir. Sous les conseils du lion Aslan, un dirigeant noble et mystique, les enfants s’engageront dans une lutte spectaculaire pour tenter de libérer Narnia de l’emprise de la Sorcière Blanche. »
Un point tournant du film est celui où le lion Aslan donne librement sa vie afin de sauver le jeune Edmund qui avait trahi les siens. La Sorcière Blanche avait le droit de réclamer la vie de Edmund, mais Aslan s’offre à sa place. Aslan sera donc immolé par la Sorcière Blanche, mais comme l’offrande du lion Aslan est un acte d’amour parfait, il va ressusciter et mener son royaume à la victoire.
C.S. Lewis a voulu présenter une allégorie de la foi chrétienne dans ses contes de Narnia, rédigés surtout à l’intention des enfants. À n’en pas douter, le lion Aslan est sûrement inspiré de ce très vieux texte d’Éphrem le Syrien, diacre, qui écrivait dans son deuxième nocturne du Vendredi Saint :
« Dans une grande douceur, Jésus est conduit à sa Passion, bénissant ses douleurs à toute heure. Il est conduit au jugement de Pilate qui siège au prétoire, à la sixième heure on le raille, jusqu’à la neuvième heure Il supporte la douleur des clous, puis sa mort met fin à sa passion, à la douzième heure. Il est déposé de la croix : on dirait un lion qui dort. »
On dirait un lion qui dort! Comme cette image est puissante et évocatrice dans cette représentation du Seigneur Jésus face à sa mort. Elle nous aide à entrer dans le secret du silence qui enveloppe le coeur de l’Église en ce samedi saint.
Cette image du « lion qui dort » ne se retrouve pas dans les évangiles, bien sûr, et pourtant n’est-ce pas cette tranquille assurance, cette imperturbable confiance qu’évoque la scène de la tempête apaisée où l’on nous présente Jésus qui dort au milieu d’une mer déchaînée (Marc 4, 35 et ss.).
« Le lion qui dort » c’est à la fois le Fils de Dieu dans sa toute-puissance invincible, et c’est aussi le Fils de l’Homme, Jésus, qui s’en remet complètement au Père et qui nous invite à cette même confiance.
Comment ne pas entendre ici le psaume 131 où la figure du psalmiste évoque celle de Jésus dans sa parfaite obéissance au Père:
« Seigneur je n’ai pas le coeur fier…
Non, mais je tiens mon âme
égale et silencieuse;
mon âme est en moi comme un enfant,
l’enfant sevré contre sa mère. »
« Pourquoi avez-vous si peur? Vous n’avez pas encore de foi? », dit Jésus à ses disciples apeurés dans la barque. Encore aujourd’hui, en cette veille de Pâques, la question nous est posée à nous aussi. Trop souvent nous avons peur en tant que chrétiens. Nous sommes inquiets, incapables de vivre notre foi dans cette assurance tranquille qui était celle du Christ. En ce Samedi saint, laissons donc monter cette prière vers lui:
« Seigneur, viens au secours de notre manque de foi. En cette veille de la fête de ta glorieuse résurrection, regarde non pas notre foi mais la foi de ton Église, et accorde-nous cette grâce pascale d’en vivre toujours, avec l’assurance du lion qui dort! »
Yves Bériault, o.p.
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