Journal de la Trappe

Il y a quelques années, à l’occasion d’une année sabbatique, j’ai fait un séjour d’un mois chez des trappistes. Je relisais ce journal aujourd’hui, en panne d’inspiration pour mon blogue, et je me suis dit, tiens! pourquoi pas partager ces réflexions avec ceux et celles qui fréquentent mes prés virtuels!Donc, dès demain, je commencerai à vous livrer ce journal, une fois par semaine.

Marie-Joseph Lagrange

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Par ailleurs, je viens de terminer la biographie critique de Marie-Joseph Lagrange, dominicain, illustre fondateur de l’École biblique de Jérusalem, et de l’introduction de la méthode historico-critique dans l’étude de la Bible dans l’Église catholique. Un grand pionner! Un livre très bien documenté, ce n’est pas un roman!, mais d’un grand intérêt pour tous ceux et celles qui s’intéresse à l’exégèse et à l’histoire des études biblique.

Je retiens cette phrase qui exprime bien la grande simplicité du P. Lagrange:

« J’aime entendre l’Évangile chanté par le diacre à l’ambon, au milieu des nuages de l’encens: les paroles pénètrent alors mon âme plus profondément que lorsque je les retrouve dans une discussion de revue. » (Revue biblique, 1892).

Voici ce que l’on a écrit à son sujet dans la Documentation catholique du 3 mai 1992:

« Les évêques se réjouiraient de voir reconnue officiellement sa sainteté. En effet, dans la vie sacerdotale et religieuse, il a su allier, avec un rare équilibre, la vigueur intellectuelle et la vie religieuse. (…) Il a donné aussi un exemple magnifique de liberté et d’humilité dans la recherche de la vérité; il a laissé enfin un témoignage héroïque d’obéissance à l’Église qui en a été constitué la gardienne… Nous pensons que son exemple mérite d’être proposé dans l’Église d’aujourd’hui. Sa béatification inciterait certainement de nombreux chrétiens à se nourrir plus largement de la Parole biblique, à la recevoir dans l’esprit de l’Église et à la faire fructifier dans l’actualité de leur existence. »

Pour en savoir plus: Montagnes, Bernard. Marie-Joseph Lagrange. Une biographie critique. Cerf, 2004.

La fête de la fidélité

Récemment j’ai participé à une messe où l’on soulignait les anniversaires de mariages des paroissiens. Il est intéressant de constater que cette fête se soit appelée la « Fête de la fidélité ». On aurait pu croire qu’une telle fête aurait porté le titre de « Fête de l’amour », et ce serait tout à fait juste. Mais j’aime beaucoup l’expression « fête de la fidélité », car elle nous renvoie à une dimension fondamentale de l’engagement d’un homme et d’une femme l’un envers l’autre.La fidélité! C’est sur ce terreau de la fidélité, sur ce sol fertile, que l’amour peut grandir, que la fleur du mariage peut prendre racine et s’épanouir. Car dans le mariage, l’amour a besoin d’un partenaire qui s’appelle la fidélité et qui lui permet de persévérer, de traverser les orages, les nuits sombres de l’épreuve.

La fidélité est l’allié de l’amour, sa nourriture, son lieu de repos. C’est cette fidélité qui vient au secours de l’amour et qui lui donne la force de pardonner quand le mariage traverse un temps difficile, qui permet au couple de se soutenir dans une épreuve commune où l’on ne voit plus très bien l’avenir.

Il est facile de tomber en amour, mais il est beaucoup plus difficile d’y demeurer. Nous savons combien la vie commune peut être exigeante, peut-être plus encore de nos jours avec le mode de vie que l’on connaît.

Le mariage est un engagement qui coûte. C’est un engagement qui demande du courage ou une certaine naïveté diront certains, car le mariage implique quand même une mise en commun de deux vies, de deux personnes qui acceptent de se lier l’une à l’autre pour toute la vie, « pour le meilleur et pour le pire », comme le veut une formule traditionnelle. Du moins voilà la vision chrétienne du mariage.

L’homme Et la femme qui s’aiment s’engagent en portant chacun dans leur cœur un grand désir de bonheur où, en se disant « oui » l’un à l’autre, ils se disent: « Tes rêves seront mes rêves, tes peines comme tes joies seront les miennes… Parce que je t’aime… Et parce que je t’aime, je te serai fidèle toute ma vie ! »

C’est ainsi que débute habituellement cette folle entreprise qui très rapidement se heurte aux difficultés du quotidien, aux limites de chacun des conjoints, aux épreuves de la vie, aux pertes de toutes sortes. Et c’est alors que le lien d’amour est mis à l’épreuve et qu’il y a un combat à mener.

Toute chose qui nous tient à cœur demande habituellement que l’on se batte pour elle, et c’est au service de ce combat et de cet amour qu’est donné la grâce du mariage, car « il est fidèle Celui qui vous a appelés! »

Le poème et la poignée de main

Citant le poète Paul Celan, Sylvie Germain écrit: « Je ne vois pas de différence entre une poignée de main et un poème ».Elle ajoute: « Les poèmes, les oeuvres d’art, sont des « poignées de main » qui se prolongent au fil du temps, longuement. Toute une vie parfois. Des poignées de main telles qu’elles inscrivent leur chaleur au plus profond de notre paume, et que le feu très claire qu’elles propagent se faufile en douceur dans notre sang, jusqu’à notre coeur où il se love.

Poignées de main à jamais vives – aussi longtemps puissent-elles demeurer dans l’oubli – et qu’un rien suffit à ramener au jour de notre mémoire, à restituer dans toute leur fraîcheur et leur actualité.

Une main qui revient, à son heure, se poser soudain sur notre épaule, nous caresser furtivement la tempe, ou nous faire juste un signe. Un petit signe de beauté, là où on la croyait anéantie, un petit signe de fraternité, là où celle-ci semblait à jamais perdue. Petit dans sa discrétion, infini dans sa générosité.

(Extrait de: Germain, Sylvie. Etty Hillesum, chemins d’éternité. Pygmalion, 1999. pp. 162-163)

La prunelle de Jésus

Trop souvent nous oublions que Jésus était Juif. Marie sa mère était Juive, ainsi que les apôtres. Tous des Juifs! Et pourtant le rapport entre les chrétiens et les Juifs a toujours été pour le moins problématique. La Shoah n’est pas survenue sans qu’il n’y ait une grande part de responsabilité de la part de l’Église, ou du moins ses membres et représentants. Non pas en tant qu’acteur direct de la Shoah, de nombreux chrétiens ont oeuvré à sauver des Juifs, mais à cause du poids de l’Histoire où sans cesse les Juifs ont été marginalisés par les autorités de l’Église et les Princes chrétiens.

Prenons par exemple le IVe Concile du Latran en 1215, présidé par Innocent III, qui rassemble 412 évêques et 800 abbés de toute la chrétienté. Pour la première fois depuis cinq siècles, un concile général vilipendait « la perfidie des juifs qui s’est implantée en pays chrétiens. » Les règles canoniques votées par l’assemblée déclaraient : « Les juifs doivent porter de façon ostensible des habits différents de ceux des chrétiens, afin d’éviter que des mariages mixtes soient contractés par erreur. Ils doivent cesser leurs pratiques abusives d’usuriers. Il leur est interdit d’exercer toutes fonctions publiques. Dans les jours où les chrétiens célèbrent la passion du Rédempteur, ils ne doivent pas sortir de leur maison, afin d’éviter toutes railleries et conflits. » (p.116)

Cet ostracisme des Juifs au cours des siècles fut clairement reconnu par l’Église en l’an 2000 lors du Jubilé et Jean-Paul II a demandé pardon au nom de l’Église en se rendant prier à Jérusalem devant le Mur occidental du Temple, anciennement appelé le Mur des Lamentations.

Mais il y eut aussi des hommes et des femmes pour s’indigner au fil des siècles du traitement fait aux Juifs. C’est Bernard de Clairvaux qui disait : « toucher aux juifs, c’est toucher à la prunelle de Jésus; car ils sont ses os et sa chair. »

Saint Bernard écrira deux lettres pour condamner les « pogroms » de Rhénanie en 1148. Il parcourra même ces régions pour apaiser les esprits. Il écrit alors :

« Ce peuple a reçu jadis le dépôt de la loi et des Promesses; il a eu les patriarches pour Pères; c’est de lui que le Christ, le Messie béni dans les siècles des siècles, descend selon la chair. » Il poursuit : « Les juifs ne sont-ils pas pour nous le souvenir vivant et le témoignage de la passion de Notre-Seigneur? Dispersés et humiliés […] réduits à un pénible esclavage sous les princes chrétiens […] il viendra un temps où le Seigneur abaissera sur eux un regard propice. Quand les nations païennes seront entrées dans l’Église, à son tour Israël sera sauvé ainsi que dit l’Apôtre (Rm 11, 21). »

Aussi, dans sa longue épître du De consideratione au pape Eugène III en 1150: « Aucune servitude n’est plus ignominieuse et plus pesante que celle des juifs, qui, en quelque endroit qu’ils aillent, la traînent derrière eux et en tout lieu trouvent leurs maîtres! » (Consid. I, 4) (Philbée, André. Saint Bernard. Cerf. 1990.)

Voilà le prolongement de ma réflexion pour faire suite au blogue sur la synagogue. Encore récemment j’ai entendu des chrétiens émettre des propos antisémites et j’en ai eu honte. C’est là une honte pour le Corps du Christ tout entier. Tout homme, toute femme est digne de respect et d’amour. Dieu ne fait pas de distinction entre les races et les peuples. Pourquoi en ferions-nous?

À voir : « Sophie Scholl – Les derniers jours »

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J’ai eu le bonheur de voir un film magnifique et fort émouvant sur le mouvement de la Rose Blanche en Allemagne nazi et l’un de ses membres les plus célèbre: Sophie Scholl. Il s’agit du film: « Sophie Scholl: Les derniers jours ».Je ne puis que vous recommander ce film. « Couvert de lauriers à la Berlinale 2005, Sophie Scholl y a obtenu l’Ours d’argent du meilleur réalisateur pour Marc Rothemund et celui de la meilleure actrice pour Julia Jentsch, ainsi que le Prix du Jury oecuménique. Sophie Scholl a récolté plus d’un million de spectateurs en Allemagne. »

Ce film nous permet de constater que le peuple allemand commence à regarder de plus en plus son histoire récente à travers ceux et celles qui se sont opposés au nazisme. Ce film nous raconte le combat de la jeune Sophie Scholl âgée de vingt ans et qui s’engage avec son frère et des amis dans un mouvement de résistance pacifique contre le régime nazi nommé la Rose Blanche.

Voici le synopsis du film :

En 1943, pendant que Hitler mène une guerre dévastatrice à travers l’Europe, un groupe d’étudiants forme un mouvement de résistance, La Rose Blanche, appelant à la chute du IIIème Reich. D’obédience pacifique, ces membres propagent des tracts antinazis, couvrant les murs de la ville de slogans, et invitent la jeunesse du pays à se mobiliser. Le 18 février, Hans Scholl et sa soeur Sophie – qui font partie du noyau dur du mouvement – sont aperçus par le concierge de l’université de Munich en train de jeter des centaines de tracts du haut du deuxième étage donnant sur le hall. Ils sont immédiatement appréhendés par la Gestapo et emprisonnés à Stadelheim. Durant les jours suivants, l’interrogatoire de Sophie Scholl est mené par l’agent de la Gestapo Robert Mohr…

« Le film nous offre les yeux et le coeur de Sophie pour vivre cette longue angoisse jusqu’à la condamnation. » (Mario Roy. Radio Canada)

Sophie Scholl a été nominé à l’Oscar du meilleur film étranger en 2006.

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