Homélie pour le 2e dimanche du carême (B)

La Transfiguration ou voir Dieu

(Homélie pour la communauté chrétienne universitaire de l’Université de Montréal)

En 1996, plusieurs d’entre vous n’étant encore qu’une pensée dans le cœur de Dieu, les frères dominicains du Canada ont mis sur pied un site internet afin de présenter leur mission. Une des originalités de ce site était d’offrir une forme d’accompagnement spirituel en ligne, une sorte de courrier de l’âme, où quatre à cinq frères répondaient à plus de trois cents demandes d’aide par année. Ce travail s’est poursuivi pendant plusieurs années. Un jour, j’ai reçu un courriel d’une maman désemparée : « J’ai un fils de 4 ans, écrit-elle, à qui j’ai raconté l’histoire de Jésus avec l’aide d’un livre pour enfant. Sa réaction fulgurante m’a prise au dépourvu. Il s’est mis à pleurer de ne pouvoir voir Dieu. Il est alors venu se réfugier dans mes bras et il est demeuré ainsi plusieurs minutes, à pleurer silencieusement. Même si nous lui disions, son père et moi, que nous ne pouvons pas plus voir Dieu que lui, mais que nous le ressentions, que la création était une preuve de sa présence, rien n’y faisait. Nous lui avons donc raconté qu’à Noël, nous ne pouvons voir le Père Noël puisqu’il doit s’occuper de tous en même temps, tout comme Dieu à tous les jours, mais que nous savions qu’il est passé par les cadeaux trouvés au matin, tout comme nous savons que Dieu existe par l’amour et la création. Je me demande ce que je peux faire de plus. Signé: Une maman bien dépourvue ».

Voilà une touchante histoire où la demande de l’enfant peut sembler déraisonnable, mais n’est-ce pas le psalmiste qui s’écrie : «C’est ta face Seigneur que je cherche, ne me cache pas ta face» (ps. 26). Et voilà que plusieurs siècles plus tard, la gloire de Jésus est dévoilée à Pierre, Jacques et Jean sur la montagne, alors que se fait entendre la voix de Dieu, en présence de Moïse et du prophète Élie. 

Frères et sœurs, voir Dieu, de mille et une manières, est en quelque sorte au cœur même de l’expérience de foi. Et le récit de la Transfiguration est comme un récit initiatique qui résume en lui-même ce que c’est que de croire en Jésus Christ et de le suivre comme si on voyait l’invisible.

Ce soir j’aimerais vous inviter à entreprendre l’ascension de cette « montagne sainte » qui se dresse devant nous, là où Jésus entraîne trois de ses apôtres. Mais situons tout d’abord notre récit. Ce récit de la Transfiguration est d’une importance capitale dans les évangiles. Trois évangélistes sur quatre en font mention et l’Apôtre Pierre en parle lui aussi dans sa deuxième lettre (1:16-18) disant avoir été avoir été, avec Jacques et Jean, témoin oculaire de la majesté de Jésus : «Cette voix, dit-il, nous, nous l’avons entendue; elle venait du Ciel, nous étions avec lui sur la montagne sainte».

L’événement de la Transfiguration survient après la première de trois annonces que fait Jésus de sa passion à venir. Les disciples en sont bouleversés. Ils ont peur. Leur confiance en Jésus est mise à l’épreuve, et c’est dans ce contexte que Jésus prend avec lui Pierre, Jacques et Jean, et les amène sur la montagne, les préparant ainsi à vivre la passion/résurrection à venir. À la manière d’une icône qu’il faut contempler longuement, la transfiguration de Jésus nous dévoile toute la grandeur du mystère dans lequel nous engage notre baptême. 

Alors, vous êtes prêts? Entreprenons donc notre montée qui se fera en trois étapes. Le versant nord, le sommet et le versant sud de la montagne. Le versant nord est celui de l’ascension. C’est le côté abrupt et aride, jouissant très peu de la lumière du soleil. C’est une montée qui se fait en quelque sorte dans l’obscurité. L’obscurité de la fragilité humaine, de nos vies aux prises avec le mal de vivre, la quête de sens et du bonheur qui nous échappent. Le versant nord c’est le lieu du doute et du combat pour nous, tout comme pour les trois apôtres qui ont entrepris cette montée. Mais ils ne sont pas seuls. Jésus monte avec eux. Il en est ainsi pour nous. Cette montée du versant nord se compare à un temps de conversion, un temps de retour vers Dieu afin de retrouver l’intimité perdue. L’enjeu, c’est le rapprochement avec le Christ, et il n’y a pas de rapprochement possible si l’on ne prend pas la pleine mesure de nos pauvretés et de notre profond besoin de Dieu. Voilà pourquoi Jésus s’engage avec nous dans cette ascension. C’est le temps de la conversion, du retournement du cœur.

C’est seulement après un tel parcours que l’on parvient au sommet, où l’horizon est sans fin et le mystère se déploie devant nos yeux. Les disciples entrent dans la pleine lumière où ils sont témoins de la prière de Jésus. Une prière qui a ses racines dans la Loi et les Prophètes, et dont Moïse et Élie sont les représentants. Alors que la gloire de Jésus se manifeste aux disciples, l’icône devient trinitaire. Le Père s’entretient avec le Fils alors que les disciples, eux, entrent dans la nuée, symbole de l’Esprit Saint, lui qui nous fait participants de ce dialogue intime entre le Père et le Fils, et où la véritable nature de Jésus nous est dévoilée : «Celui-ci est mon Fils bien-aimé, écoutez-le!»

Enfin, voici le troisième versant de la montagne. Nous nous engageons dans la descente du mont de la Transfiguration. C’est le versant sud, celui qui est le plus ensoleillé et qui conduit à la plaine de nos engagements, de nos projets et de nos luttes. Les ténèbres ont disparu et les disciples baignent déjà dans la lumière de la résurrection, témoins éblouis de la gloire du Christ, annonçant au monde qui il est, le Fils bien-aimé du Père, Dieu lui-même.

Voilà frères et sœurs, ma description bien personnelle de cette icône de la Transfiguration. À travers cette image, je souhaite simplement vous donner le goût de Dieu et de l’aventure spirituelle qui nous est proposée dans le Christ, car il n’y a pas de plus grand bonheur. Bon carême!

fr. Yves Bériault, o.p.

Méditation pour le 1er Dimanche du Carême

Évangile de Jésus Christ selon saint Marc 1, 12-15

Jésus venait d’être baptisé.
Aussitôt l’Esprit le pousse au désert
et, dans le désert,
il resta quarante jours,
tenté par Satan.
Il vivait parmi les bêtes sauvages,
et les anges le servaient.

Après l’arrestation de Jean,
Jésus partit pour la Galilée
proclamer l’Évangile de Dieu ;
il disait :
« Les temps sont accomplis :
le règne de Dieu est tout proche.
Convertissez-vous
et croyez à l’Évangile. »

L’appel à la conversion en ce temps de carême nous concerne tous puisque le monde en dépend. La conversion nous entraîne sur des chemins non balisés et exigeants, loin des chemins battus de la tentation. Il s’agit véritablement d’un revirement sur nous-mêmes, où la quête de notre véritable identité est en jeu dans cet espace que la Bible appelle le désert.

            Ce désert qu’évoque la Bible, dans une lecture de premier niveau, est une terre de malédiction où vivent les démons et les bêtes sauvages. Mais le désert qui nous préoccupe, celui où est mené Jésus par l’Esprit Saint, est celui-là même où est conduit le Peuple de Dieu à sa sortie d’Égypte. Ce désert va devenir le lieu de l’épreuve et de la tentation, mais avant tout le lieu de la présence de Dieu. Un temps de passage et de reconnaissance où Dieu accompagne, nourrit, désaltère et conduit. Le désert est un lieu où l’on vit l’expérience de se situer devant Dieu comme seul guide. C’est le temps de la confiance et de la fidélité, c’est un retour à l’essentiel. Et c’est là que Jésus nous entraîne en ce temps de carême.

            Entrer au désert, c’est se rappeler à chaque année que l’essence même de la vie de foi se vit dans un abandon entre les mains de Dieu, dans cette attitude même du Fils, qu’est Jésus, et qui se laisse conduire par l’Esprit. Ce désert évoque aussi la tentation, la présence de forces adverses en nous qui veulent nous faire renoncer à notre vie d’enfant de Dieu. Et souvent nous tombons, nous cédons… C’est pourquoi le désert est aussi une expérience de conversion, un appel à renoncer à nos façons de faire lorsqu’elles sont un refus de l’amour de Dieu qui se traduit nécessairement par un refus de l’autre.

            Le carême est un appel à la conversion. Mais nous convertir de quoi. Tant que nous n’aurons pas saisi l’enjeu de cette conversion, nos prières, nos célébrations demeureront stériles. Si la grâce de Dieu nous est donnée, il faut coopérer à la grâce afin d’être des signes lumineux dans le monde. L’abbé Pierre, cet apôtre des pauvres, avait cette formule lumineuse : « Il y a la contagion du mal, comme il y a la contagion de l’amour. » C’est dans cette dynamique que nous entraîne l’expérience du désert, le face-à-face avec Dieu comme seul guide pour nous apprendre à aimer.

            Il est vrai que l’on se sent démuni devant ce monde qui constamment nous glisse entre les mains, comme un enfant turbulent que l’on voudrait retenir, un monde qui nous échappe constamment et qui est capable du meilleur comme du pire. Non pas que l’homme soit mauvais, mais il y a la contagion du mal, d’où la nécessité de nous tourner vers la source de tout amour, car nos actions à petite échelle ont un effet déterminant sur la réalité qui nous entoure pour le meilleur comme pour le pire.

            S’il nous est difficile de nous situer dans notre vie comme ayant besoin de conversion, c’est que l’on oublie trop souvent le lien qui existe entre les drames humains internationaux, à l’échelle de la planète, et notre petit quotidien et nos façons de faire. Non pas que nous soyons méchants, mais il nous arrive trop souvent de laisser dominer le mal sur nos vies. À petite échelle, ça semble avoir bien peu de conséquences. Petites paroles désobligeantes, envie et jalousie, un malin plaisir à s’en prendre à des personnes qui nous déplaisent, un petit geste malhonnête par-ci, un refus de pardonner par-là, ou encore, encourager par nos paroles l’intolérance à l’endroit des étrangers, des réfugiés, des pas-comme-nous… Une foule de petits drames humains en puissance que l’on sème par nos paroles et nos actions et que les enfants apprennent de leurs parents. Et l’on n’a pas besoin de conversion ? 

Un incroyant disait à l’abbé Pierre : « Monsieur le curé, je ne sais pas si le bon Dieu existe, mais je suis sûr que s’il existe il est ce que vous faites. » À nous de faire de même, comme Jésus nous en donne l’exemple.

Fr. Yves Bériault, o.p. Dominicain

Homélie pour le 6e Dimanche T.O. (B)

Évangile de Jésus Christ selon saint Marc

En ce temps-là,
un lépreux vint auprès de Jésus ;
il le supplia et, tombant à ses genoux, lui dit :
« Si tu le veux, tu peux me purifier. »
Saisi de compassion, Jésus étendit la main,
le toucha et lui dit :
« Je le veux, sois purifié. »
À l’instant même, la lèpre le quitta
et il fut purifié.
Avec fermeté, Jésus le renvoya aussitôt
en lui disant :
« Attention, ne dis rien à personne,
mais va te montrer au prêtre,
et donne pour ta purification
ce que Moïse a prescrit dans la Loi :
cela sera pour les gens un témoignage. »
Une fois parti,
cet homme se mit à proclamer et à répandre la nouvelle,
de sorte que Jésus ne pouvait plus entrer ouvertement dans une ville,
mais restait à l’écart, dans des endroits déserts.
De partout cependant on venait à lui.

COMMENTAIRE

Comme le souligne le pape François, il y a tant de larmes en ce monde et personne pour les essuyer. Ce constat du pape m’a entrainé sur des chemins inattendus en méditant cet évangile, méditation qui peut surprendre. Vous voilà donc avertis ce matin.

J’ai eu l’occasion de rencontrer bien des lépreux à travers mon ministère dans différentes paroisses. Non pas des lépreux comme celui de l’évangile, mais des personnes portant une grande douleur sans être accueillies, ou se voyant comme des lépreux aux yeux du monde, ou encore lépreux aux yeux de personnes convaincues de posséder la vérité. Et c’est ainsi que des lépreux se tiennent parmi nous, avec leurs souffrances et leur expérience de rejet. Que ferait Jésus à notre place? C’est toujours ce qui doit nous animer en tant que chrétiens et chrétiennes, d’où le but de cette réflexion que je vous propose ce matin.

Ainsi, je pense à ce couple homosexuel se voyant imposer de célébrer des funérailles catholiques par la mère défunte de l’un des deux. Ils voulaient respecter ses dernières volontés, mais ne voyaient pas comment une église pourrait les accueillir. Leur souffrance et leur sentiment de rejet étaient bien réels et ils se présentaient à l’église comme en territoire ennemi, ne sachant trop s’ils seraient accueillis. Les funérailles ont quand même pu être célébrées avec beaucoup de respect et d’émotion, mais grâce à la qualité de l’accueil du personnel de la paroisse.

Je pense à une paroissienne transgenre que j’ai bien connue. Elle se venait tous les jours à la messe, une heure avant la messe! Une férue de Catherine de Sienne, et de Thérèse d’Ávila. Elle s’offrait spontanément pour servir à la messe ou pour faire les lectures. L’église était devenue une oasis de paix pour elle, elle qui vivait tellement de rejet dans son quartier et dans sa famille. Mais elle était chez elle à l’église avec ses blessures, se sachant accueillie inconditionnellement par de nombreux paroissiens. Je crois que Jésus n’aurait pas fait mieux.

Et que dire de cet homme, divorcé remarié, qui m’avait avoué qu’il tenait tellement à venir à la messe, qu’il s’assoyait derrière une colonne, afin que personne ne le voie, car, disait-il, il ne voulait pas être cause de scandale pour la communauté. Quelle souffrance et quelle détresse chez lui que de vivre cette exclusion de l’eucharistie, exclusion qu’il acceptait par fidélité aux exigences de son Église ! Question que nous avons pu aborder ensemble, et où il a retrouvé une certaine paix. Maintenant, il est auprès du Père, auprès de celui qu’il a tant aimé, lui à qui l’on avait laissé entendre qu’il n’était peut-être pas un chrétien à part entière. 

Il faut bien se rendre compte de l’impact de nos règles et de nos lois quand la miséricorde n’est pas au rendez-vous. C’est ce que le pape François essaie de faire comprendre depuis le début de son pontificat.

Une des rencontres les plus bouleversantes pour moi je pense, est cette infirmière se déclarant athée et que j’ai retrouvée un jour en pleurs à l’arrière de l’église me demandant si elle avait le droit de venir à la messe, même si elle n’avait pas la foi. Non pas qu’elle ne voulait pas croire, mais elle s’en disait incapable. Mais cela lui faisait tellement de bien, disait-elle, de se tenir sous la voûte de l’église, écoutant les chants, goûtant le silence… Elle avait œuvré auprès des prostitués et des drogués d’un quartier mal famé pendant des années; elle avait ensuite été en mission au Nicaragua pendant la révolution sandiniste, et au Rwanda pendant le génocide. Pourtant elle doutait qu’elle ait le droit de se tenir dans une église! Comme le souligne le pape François, il y a tant de larmes en ce monde et personne pour les essuyer. 

Je garde aussi un souvenir douloureux de mon enfance, alors que je n’avais que huit ou neuf ans. C’était un dimanche et la rumeur avait vite circulé dans mon petit quartier tout neuf de banlieue que des témoins de Jéhovah faisaient du porte-à-porte. C’était du jamais vu à cette époque des années cinquante. De bons pères de famille, quatre ou cinq, sans doute encouragés par le curé, s’étaient rapidement mobilisés afin de chasser ces intrus à coups de pied. J’ignorais tout des témoins de Jéhovah et j’avais peur. Pourtant, en les voyant entourés par ces hommes en colère et hostiles, je me souviens aussi avoir éprouvé un sentiment indéfinissable de honte. Sentiment que je n’ai jamais oublié en lien avec cette scène de violence pour le jeune enfant que j’étais. 

Vous comprendrez, sans doute, que nous devons nous méfier quand la foi se définit essentiellement en fonction d’un système de croyances absolues et rigides. Ne disait-on pas de Jésus qu’il faisait bon accueil aux pécheurs, qu’il frayait avec les publicains et les prostituées! Notre appel à nous, frères et sœurs, c’est d’être tout simplement les témoins d’une compassion et d’un amour qui nous dépassent.

Voyez l’évangile de Marc en ce dimanche qui nous rappelle le geste audacieux de Jésus à l’endroit d’un lépreux, lépreux qu’il osa toucher en le guérissant, ce qui allait à l’encontre de tout ce que prescrivait la loi juive. Remarquez que Jésus ne demande pas un certificat de bonne conduite au lépreux, il le guérit tout simplement. À nous de faire de même. Comme l’exprimait un théologien dominicain,  la doctrine ne saurait verrouiller la miséricorde.  (fr. Garrigues). Non pas que nous soyons d’accord avec toutes les valeurs que met de l’avant notre société, mais l’intolérance et l’exclusion ne font pas parties de notre ADN évangélique.

Je crois que le pape François nous en donne un bel exemple à travers son ministère de pasteur et de frère dans la foi. Comme lui, nous avons pour mission non seulement d’annoncer Jésus-Christ à notre monde, mais nous sommes appelés aussi à élargir sans cesse notre compréhension de l’évangile du Christ, car c’est une Parole vivante qu’on ne peut ni enfermer ni aseptiser, car l’Esprit Saint nous précède toujours dans notre rencontre de l’autre. 

Dès l’annonce officielle de son programme au début de son pontificat, le pape François faisait cet acte de foi : « Je préfère une Église accidentée, blessée et sale pour être sortie par les chemins, plutôt qu’une Église malade de la fermeture et du confort qui consiste à s’accrocher à ses propres sécurités. ». 

Voilà un pape qui, en ses propres mots, nous invite à « l’intranquillité ». Ce n’est qu’à ce prix, frères et sœurs, que l’évangile pourra véritablement prendre racine en nos vies. Que ce soit là notre joie!

fr. Yves Bériault, o.p. Dominicain

Samedi de la 4e semaine. Méditation

Évangile de Jésus Christ selon saint Marc 6, 30-34

En ce temps-là,
    les Apôtres se réunirent auprès de Jésus,
et lui annoncèrent tout ce qu’ils avaient fait et enseigné.
    Il leur dit :
« Venez à l’écart dans un endroit désert,
et reposez-vous un peu. »
De fait, ceux qui arrivaient et ceux qui partaient étaient nombreux,
et l’on n’avait même pas le temps de manger.
    Alors, ils partirent en barque
pour un endroit désert, à l’écart.
    Les gens les virent s’éloigner,
et beaucoup comprirent leur intention.
Alors, à pied, de toutes les villes,
ils coururent là-bas
et arrivèrent avant eux.
    En débarquant, Jésus vit une grande foule.
Il fut saisi de compassion envers eux,
parce qu’ils étaient comme des brebis sans berger.
Alors, il se mit à les enseigner longuement.

MÉDITATION

Bien que l’évangéliste Marc souligne à grands traits la figure imposante de Jésus au tout début de son évangile,, alors que les cieux se déchirent lors de son baptême, et que lui-même commence son ministère en chassant les démons, en prêchant avec autorité, l’évangile ce matin nous dévoile un des fils conducteur qui soutient tout le ministère de Jésus, et j’ai nommé sa compassion. 

D’ailleurs, cette réalité au cœur de sa mission s’affirme progressivement dans l’évangile de Marc, dès les tout premiers chapitres. Il suffit de faire la lecture des six premiers chapitres, qui nous conduisent à l’évangile de ce matin, pour être à même de le constater. 

Chronologiquement, nous voyons Jésus prendre un repas avec les publicains et les pécheurs, et ainsi se faire proche des exclus. Après les premières scènes de l’évangile, où il chasse les démons, c’est lui qui peu à peu va au-devant de ceux qui sont malades, tel l’homme à la main desséchée et la belle-mère de l’apôtre Pierre.

Ses interactions avec ceux et celles qu’il guérit se font de plus en plus personnelles, plus intimes je dirais, telle cette femme qui a des pertes de sang depuis plus de douze ans, et avec qui Jésus engage un dialogue tout empreint de tendresse et de compréhension; de même avec Jaïre, le chef de synagogue, et sa fille qu’il guérit, et pour qui il est plein d’attention après sa guérison en demandant qu’on la fasse manger; ou encore à la multiplication des pains, où Jésus ne peut demeurer insensible à cette foule qui a faim. 

Jésus affirmera même devant sa famille que ceux et celles qui écoutent sa parole sont véritablement pour lui des frères, des sœurs et des mères. On est loin d’un personnage qui serait indifférent à ceux qui l’approchent. Jésus établit ici un nouveau mode de relations qui dépasse de loin les convenances habituelles. Il s’agit véritablement d’une communion d’amour que seule l’analogie avec les liens familiaux peut évoquer.

Ce Jésus, Marc nous le dévoile peu à peu comme un tendre en quelque sorte, un homme attentif et sensible, éminemment proche de tous ceux et celles qu’il côtoie. Et cette réalité est plus qu’évidente ce matin dans l’évangile, alors que Marc nous fait entrer dans la vie intérieure de Jésus, lui qui devant les foules qui accourent vers lui, est « saisi de compassion envers elles, nous dit l’évangéliste, parce qu’elles étaient comme des brebis sans berger. Alors, nous dit Marc, malgré la fatigue et le repos bien mérité, il se mit à les enseigner longuement. »

La décision de Jésus est sans équivoque ici devant cette foule qui se presse autour de lui et des apôtres. Le sort en est jeté. De ces foules, il sera le bon pasteur, celui qui conduit les brebis vers les frais pâturages, leur annonçant combien elles sont aimées de Dieu. À travers son style en apparence anecdotique, l’évangéliste Marc, nous place ici au cœur même de la mission de Jésus. Il est prêt à tout donner de lui-même.

Et voici que deux mille ans plus tard, frères et soeurs, nous sommes rassemblés dans cette église, comme cette foule autour de Jésus dans l’évangile, ou plus exactement comme ces soixante-douze disciples revenant de mission. Car nous revenons de mission chaque matin lorsque nous nous rassemblons pour l’eucharistie. Nous venons déposer ici nos fardeaux à ses pieds, lui confiant tout ce qui nous importe, tout ce qui nous tient à cœur, prêts à repartir après avoir été rassasiés. 

Car la mission de Jésus, c’est aussi la nôtre désormais, puisque cet amour dont il a témoigné vient de Dieu, et nous a été confié. Jésus nous a laissé en héritage la garde et la responsabilité du prochain, appelés nous aussi à nous laisser saisir de compassion, de cette compassion sans borne qui vient de Dieu, et qui est capable de tout pardonner, de tout guérir, comme en témoigne l’évangile.

C’est la philosophe Simone Weil, dans son livre Attente de Dieu, qui écrivait à ce sujet :

« L’amour du prochain est l’amour qui descend de Dieu vers l’homme. Il est antérieur à celui qui monte de l’homme vers Dieu. Dieu a hâte de descendre vers les malheureux. Dès qu’une âme est disposée au consentement, fût-elle la dernière, la plus misérable, la plus difforme, Dieu se précipite en elle pour pouvoir, à travers elle, regarder, écouter les malheureux. Avec le temps seulement, elle prend connaissance de cette présence. Mais ne trouverait-elle pas de nom pour la nommer, partout où les malheureux sont aimés pour eux-mêmes, Dieu est présent. » (Simone Weil. Attente de Dieu. La Colombe, 1950, pp. 110-111) 

fr. Yves Bériault, o.p. Dominicain

Homélie pour le 5e Dimanche T.O. (B)

Évangile de Jésus Christ selon saint Marc 1, 29-39

En ce temps-là,
aussitôt sortis de la synagogue de Capharnaüm,
Jésus et ses disciples allèrent, avec Jacques et Jean,
dans la maison de Simon et d’André.
Or, la belle-mère de Simon était au lit,
elle avait de la fièvre.
Aussitôt, on parla à Jésus de la malade.
Jésus s’approcha,
la saisit par la main
et la fit lever.
La fièvre la quitta,
et elle les servait.

Le soir venu, après le coucher du soleil,
on lui amenait tous ceux qui étaient atteints d’un mal
ou possédés par des démons.
La ville entière se pressait à la porte.
Il guérit beaucoup de gens atteints de toutes sortes de maladies,
et il expulsa beaucoup de démons ;
il empêchait les démons de parler,
parce qu’ils savaient, eux, qui il était.

Le lendemain, Jésus se leva, bien avant l’aube.
Il sortit et se rendit dans un endroit désert,
et là il priait.
Simon et ceux qui étaient avec lui partirent à sa recherche.
Ils le trouvent et lui disent :
« Tout le monde te cherche. »
Jésus leur dit :
« Allons ailleurs, dans les villages voisins,
afin que là aussi je proclame l’Évangile ;
car c’est pour cela que je suis sorti. »

Et il parcourut toute la Galilée,
proclamant l’Évangile dans leurs synagogues,
et expulsant les démons.

MÉDITATION

L’évangéliste Marc nous présente une journée type dans la vie publique de Jésus. On le voit guérir les malades et chasser les démons; il se retire bien avant l’aube pour aller prier à l’écart; dès le matin, il reprend la route afin d’annoncer la bonne nouvelle du Royaume : « Allons ailleurs, dans les villages voisins, dit-il à ses disciples, afin que là aussi je proclame l’Évangile ; car c’est pour cela que je suis sorti. » Jésus est un homme POUR les autres. Sa mission est d’inaugurer la venue du Royaume. Il en est la pierre angulaire. Il nous dévoile le vrai visage de Dieu et il vient non seulement pour nous le faire connaître, mais aussi pour nous donner le goût de Dieu. 

Un de mes professeurs de théologie avait cette expression pour parler du Royaume de Dieu : « le déjà-là et le pas-encore ! » Le « pas-encore », c’est cette réalité du ciel qui nous sera dévoilée un jour, quand de nos yeux nous verrons Dieu. C’est là une promesse inouïe, vous en conviendrez. Mais est-ce suffisant pour soutenir notre espérance, pour justifier notre foi et nous dire chrétiens ? Même si cette réalité du ciel je l’anticipe plus que jamais depuis le décès de mes parents ou de personnes qui me sont très chères, je dois avouer que je ne crois pas avant tout parce que je veux aller au ciel. 

Bien sûr que je veux y aller, mais je crois surtout parce qu’il y a ce « déjà là » que Jésus est venu instaurer, ce Royaume qui est au milieu de nous et qui est cette présence et cette action de l’Esprit du ressuscité en nous. Ce « déjà-là », c’est cette vie intérieure de l’Esprit qui nous anime, c’est la joie de croire qui nous fait vivre dès maintenant! Parce que la foi ouvre sur Quelqu’un qui nous aime, une présence à nos vies qui nous donne de voir le monde avec des yeux neufs, avec ce regard que Jésus portait sur notre réalité humaine.

C’est ainsi que je comprends ce feu qui anime le cœur de l’apôtre Paul quand il affirme qu’annoncer l’Évangile, c’est une nécessité qui s’impose à lui.  Comme le disait le saint Pape Jean-Paul II : « Comment taire la joie qui nous habite ! » Saint Paul, lui qui persécutait les chrétiens, est maintenant habité par un amour qui non seulement le dépasse, mais qui l’entraîne sur les routes du monde afin de poursuivre la mission du Christ.

« Malheur à moi si je n’annonçais pas l’Évangile ! » dit-il. Cette exclamation est à entendre non pas comme une menace qui pèserait sur Paul, mais plutôt que ce serait la plus grande des tragédies si Paul, après avoir été saisi par le Christ, n’en témoignait pas à la face du monde. Il serait vraiment comme le plus malheureux des hommes s’il ne se montrait pas à la hauteur d’un tel amour. Ce serait en quelque sorte renier le Christ à nouveau. D’où le constat qui s’impose pour Paul : « Malheur à moi si je n’annonçais pas l’Évangile ! »

Quant à nous, nous ne pouvons entendre cette phrase de Paul comme de simples spectateurs, comme si nous étions au théâtre et que c’était là la tirade d’un personnage vite oublié après la messe. Il nous faut faire nôtre aussi cette affirmation de Paul et voir comment. À notre tour, nous pouvons annoncer l’évangile. Car nous ne sommes pas dans la situation de Paul qui sillonnait les routes du bassin de la Méditerranée. Après tout, nous ne sommes pas des apôtres. Mais nous sommes quand même des disciples, des amis de Jésus, et, quand on aime, on trouve les mots et les gestes pour exprimer cet amour. 

Une épouse reprochait un jour à son époux de ne pas lui dire assez souvent qu’il l’aimait. Elle lui répétait souvent : « Dis-moi-le que tu m’aimes. Dis-moi-le ! Dis-moi-le! » Ce dernier avait compris le message, et parfois, en partant le matin pour le travail, il lui laissait un billet sur la table de cuisine sur lequel était écrit en majuscule : LE. Nous n’avons peut-être pas toujours les mots justes pour dire je t’aime, mais nous ne sommes pas à court de moyens pour exprimer cet amour que Dieu a déposé en nous et qu’il nous appelle à partager. Annoncer l’évangile, c’est cela tout d’abord. C’est faire comme Paul qui se fait faible avec les plus faibles, qui pleure avec ceux qui pleurent, qui se réjouit avec ceux qui sont dans la joie. Voilà notre mission à nous aussi.

Je suis toujours émerveillé par ce qui se vit dans nos communautés chrétiennes où tous les jours l’Évangile est annoncé. À chaque fois que vous venez à cette eucharistie, l’Évangile est annoncé. Quand je vous vois braver la pluie, la neige et le verglas pour venir à la messe ou à une rencontre, je n’en doute pas, l’Évangile est annoncé. Quand je vous vois pleurer parce que vous vous souciez de vos enfants et de vos petits enfants, l’Évangile est annoncé. Quand nous avons voulu accueillir une famille syrienne et que votre générosité a tellement dépassé les attentes, que nous avons pu en accueillir deux, l’Évangile a été annoncé. Quand vous accompagnez des personnes qui ne pourraient venir seule à la messe, quand vous visitez les malades, quand vous leur apportez la communion, l’Évangile est annoncé. Quand vous vous engagez auprès de personnes dans le besoin, des personnes seules, l’Évangile est annoncé. Quand vous portez le souci quotidien de vos enfants, au point de faire vôtres leurs joies et leurs peines, l’Évangile est annoncé.

Nous le savons, les charismes, les talents sont divers dans une communauté. Et chacun de nous, sans exception, a une mission unique et toute particulière qui lui est confiée, qui est appelée à se vivre au jour le jour, comme nous voyons Jésus le faire dans l’évangile. Il visite les malades, il a le souci de chacun; il prend le temps de manger avec ses amis, il prend aussi le temps pour se reposer, pour prier, mais toujours sous le soleil de Dieu, dans cette grande intimité avec son Père, et notre Père. Chaque jour suffit sa peine, chaque journée apporte son lot de défis, et c’est ainsi que l’Évangile est annoncé aujourd’hui, tant par notre rassemblement pour l’eucharistie que par notre attention à ceux et celles qui ont besoin de notre présence, ou encore parce que nous aurons eu l’occasion ou l’audace de parler de ce qui nous fait vivre, et peut-être même parler de notre foi. Comme le disait saint François à ses frères : « Prêchez toujours l’évangile et, si c’est nécessaire, aussi par les paroles. »

Frères et sœurs, puissions-nous toujours trouver les mots et les gestes qui sauront parler de notre foi, surtout de l’amour que nous sommes appelés à avoir pour tous, tout comme Jésus en donne l’exemple aujourd’hui dans l’évangile.

Yves Bériault, o.p. Dominicain

Jésus et les foules. Méditation

Samedi. 4e semaine T.O. (Année B)

Évangile de Jésus Christ selon saint Marc 6, 30-34

En ce temps-là,
    les Apôtres se réunirent auprès de Jésus,
et lui annoncèrent tout ce qu’ils avaient fait et enseigné.
    Il leur dit :
« Venez à l’écart dans un endroit désert,
et reposez-vous un peu. »
De fait, ceux qui arrivaient et ceux qui partaient étaient nombreux,
et l’on n’avait même pas le temps de manger.
    Alors, ils partirent en barque
pour un endroit désert, à l’écart.
    Les gens les virent s’éloigner,
et beaucoup comprirent leur intention.
Alors, à pied, de toutes les villes,
ils coururent là-bas
et arrivèrent avant eux.
    En débarquant, Jésus vit une grande foule.
Il fut saisi de compassion envers eux,
parce qu’ils étaient comme des brebis sans berger.
Alors, il se mit à les enseigner longuement.

MÉDITATIONS

Bien que l’évangéliste Marc souligne à grands traits la figure imposante de Jésus au tout début de son évangile,, alors que les cieux se déchirent lors de son baptême, et que lui-même commence son ministère en chassant les démons, en prêchant avec autorité, l’évangile ce matin nous dévoile un des fils conducteur qui soutient tout le ministère de Jésus, et j’ai nommé sa compassion. 

D’ailleurs, cette réalité au cœur de sa mission s’affirme progressivement dans l’évangile de Marc, dès les tout premiers chapitres. Il suffit de faire la lecture des six premiers chapitres, qui nous conduisent à l’évangile de ce matin, pour être à même de le constater. 

Chronologiquement, nous voyons Jésus prendre un repas avec les publicains et les pécheurs, et ainsi se faire proche des exclus. Après les premières scènes de l’évangile, où il chasse les démons, c’est lui qui peu à peu va au-devant de ceux qui sont malades, tel l’homme à la main desséchée et la belle-mère de l’apôtre Pierre.

Ses interactions avec ceux et celles qu’il guérit se font de plus en plus personnelles, plus intimes je dirais, telle cette femme qui a des pertes de sang depuis plus de douze ans, et avec qui Jésus engage un dialogue tout empreint de tendresse et de compréhension; de même avec Jaïre, le chef de synagogue, et sa fille qu’il guérit, et pour qui il est plein d’attention après sa guérison en demandant qu’on la fasse manger; ou encore à la multiplication des pains, où Jésus ne peut demeurer insensible à cette foule qui a faim. 

Jésus affirmera même devant sa famille que ceux et celles qui écoutent sa parole sont véritablement pour lui des frères, des sœurs et des mères. On est loin d’un personnage qui serait indifférent à ceux qui l’approchent. Jésus établit ici un nouveau mode de relations qui dépasse de loin les convenances habituelles. Il s’agit véritablement d’une communion d’amour que seule l’analogie avec les liens familiaux peut évoquer.

Ce Jésus, Marc nous le dévoile peu à peu comme un tendre en quelque sorte, un homme attentif et sensible, éminemment proche de tous ceux et celles qu’il côtoie. Et cette réalité est plus qu’évidente ce matin dans l’évangile, alors que Marc nous fait entrer dans la vie intérieure de Jésus, lui qui devant les foules qui accourent vers lui, est « saisi de compassion envers elles, nous dit l’évangéliste, parce qu’elles étaient comme des brebis sans berger. Alors, nous dit Marc, malgré la fatigue et le repos bien mérité, il se mit à les enseigner longuement. »

La décision de Jésus est sans équivoque ici devant cette foule qui se presse autour de lui et des apôtres. Le sort en est jeté. De ces foules, il sera le bon pasteur, celui qui conduit les brebis vers les frais pâturages, leur annonçant combien elles sont aimées de Dieu. À travers son style en apparence anecdotique, l’évangéliste Marc, nous place ici au cœur même de la mission de Jésus. Il est prêt à tout donner de lui-même.

Et voici que deux mille ans plus tard, frères et soeurs, nous sommes rassemblés dans cette église, comme cette foule autour de Jésus dans l’évangile, ou plus exactement comme ces soixante-douze disciples revenant de mission. Car nous revenons de mission chaque matin lorsque nous nous rassemblons pour l’eucharistie. Nous venons déposer ici nos fardeaux à ses pieds, lui confiant tout ce qui nous importe, tout ce qui nous tient à cœur, prêts à repartir après avoir été rassasiés. 

Car la mission de Jésus, c’est aussi la nôtre désormais, puisque cet amour dont il a témoigné vient de Dieu, et nous a été confié. Jésus nous a laissé en héritage la garde et la responsabilité du prochain, appelés nous aussi à nous laisser saisir de compassion, de cette compassion sans borne qui vient de Dieu, et qui est capable de tout pardonner, de tout guérir, comme en témoigne l’évangile.

C’est la philosophe Simone Weil, dans son livre Attente de Dieu, qui écrivait à ce sujet :

« L’amour du prochain est l’amour qui descend de Dieu vers l’homme. Il est antérieur à celui qui monte de l’homme vers Dieu. Dieu a hâte de descendre vers les malheureux. Dès qu’une âme est disposée au consentement, fût-elle la dernière, la plus misérable, la plus difforme, Dieu se précipite en elle pour pouvoir, à travers elle, regarder, écouter les malheureux. Avec le temps seulement, elle prend connaissance de cette présence. Mais ne trouverait-elle pas de nom pour la nommer, partout où les malheureux sont aimés pour eux-mêmes, Dieu est présent. » (Simone Weil. Attente de Dieu. La Colombe, 1950, pp. 110-111) 

fr. Yves Bériault, o.p.