Un jour, un évêque exprima le souhait de rencontrer un groupe d’enfants, qui se préparait pour la première communion. Il les recevait l’un après l’autre et les questionnait sur ce qu’ils avaient appris dans leur cours de catéchèse. Il demanda à une fillette : « Peux-tu me parler de la Sainte Trinité ? » L’enfant commença son boniment, mais après une minute, l’évêque étant un peu sourd, s’approcha d’elle, et tendant l’oreille, lui dit : « Je m’excuse mon enfant, mais je ne comprends pas ». La petite fille lui répondit en chuchotant, sur le ton de la confidence : « Moi non plus, monseigneur, je ne comprends pas. C’est un mystère ! » Un mystère ! C’est ainsi habituellement que l’on nous présente ce qui est le cœur de notre foi, la Sainte Trinité.
Ce mystère d’un Dieu en trois personnes, bien des pères de l’Église et des mystiques ont tenté de l’expliquer en usant de métaphores de toutes sortes afin de le rendre intelligible. Saint Grégoire de Nazianze, disait de la Trinité : « Le Père est la Source, son Verbe est le fleuve, l’Esprit Saint est le courant du fleuve. » Catherine de Sienne, elle, prenait l’analogie du Buisson ardent, le Père étant le feu, le Fils étant la lumière qui se dégage du feu, et l’Esprit Saint, la chaleur du feu.
Mais l’exemple dont je garde le souvenir le plus frappant est celui de cette soirée chez mes parents. Nous étions assis au salon ensemble sur un divan. Ma mère était assise entre moi et mon père, heureuse de nous avoir tout près d’elle. Soudain, comme si elle venait de faire une grande découverte, elle s’exclama, en indiquant mon père : « Le père » ; ensuite elle se tourna vers moi et dit : « le fils », et, se pointant du doigt, elle eût un moment d’hésitation, et elle dit avec un grand sourire : « et le Saint Esprit ». Ma mère ne parlait jamais de sa foi, et je me demande encore aujourd’hui comment lui est venue une telle idée ? C’était tout à fait spontané, et je garde le souvenir que ma mère venait d’exprimer là une profonde intuition du mystère de la Trinité, qui m’interpelle encore aujourd’hui, le mystère d’une profonde communion.
Il n’est pas simple de parler de la Sainte Trinité, et pourtant, cette vérité de notre foi est fondamentale. Elle structure notre Credo, ainsi que toutes nos liturgies. Ainsi, lorsque nous prions et célébrons ensemble, nos prières sont toujours adressées au Père, par le Fils, dans le Saint Esprit. Notre foi est décidément trinitaire.
Pourtant, vous conviendrez avec moi qu’il serait tellement plus facile d’affirmer que nous croyons simplement en un Dieu, comme toutes les autres grandes religions, sans aborder ces distinctions entre le Père, et le Fils et le Saint Esprit. On éviterait ainsi beaucoup de querelles et de désaccords, et je n’aurais pas à préparer une homélie sur un tel sujet. Alors, pourquoi tenons-nous tellement à affirmer cette foi en la Sainte Trinité ?
Poser la question, c’est y répondre. Nous croyons au Dieu trinitaire parce que c’est Lui qui nous a donné de le connaître. C’est Lui qui s’est révélé à nous. Ce serait tellement plus simple si Dieu ne nous avait pas légué cette révélation de lui-même en Jésus Christ. Mais voilà, Jésus est venu, et il nous a dévoilé le vrai visage de Dieu. Il nous a donné de comprendre que si nous pouvons affirmer que Dieu est Amour, c’est justement parce qu’il est Trinité, un seul Dieu en trois personnes ! Comme c’est compliqué, me direz-vous.
Mais de la même manière que les astrophysiciens ne cessent de s’émerveiller devant l’infinie grandeur d’un univers, qui ne cesse de se complexifier et de s’étendre au fur et à mesure qu’ils le découvrent, la foi chrétienne est le résultat de cette découverte progressive du Dieu d’Abraham, d’Isaac et de Jacob, et qui atteint son point culminant, il y a deux mille ans, alors que Dieu est venu parmi nous, qu’Il a pris un visage, qu’Il s’est fait connaître de nous comme un être de communion, en qui se vit une profonde intimité, un mystère d’amour inouï entre le Dieu Père qui envoie son Fils, le Dieu Fils qui est tout donné à son Père, et qui vient nous ramener vers Lui, et le Dieu Saint Esprit qui est cet amour éternel qui uni le Père et le Fils. C’est Jean-Philippe Ferlay, dans un livre sur l’Esprit Saint, qui exprime magnifiquement cette réalité en Dieu. Il écrit :
« L’amour du Père pour son Verbe dans l’Esprit est tellement fort et généreux qu’il éclate hors de Dieu. Et voilà que le monde est créé, tout différent de Dieu et pourtant absolument lié à lui. Dieu n’a besoin de rien. Il ne crée ni par hasard ni par caprice, mais par surabondance d’amour, pour faire participer ce qui existe à sa vie et à sa joie. »
Frères et sœurs, parce que nous mettons notre foi en Jésus-Christ, nous croyons que Dieu n’est pas une invention, mais une découverte qu’un jour nous pourrons contempler face à face. C’est ce grand mystère d’amour que Jésus est venu nous révéler, nous donnant de comprendre que s’il y a communion, joie, et amour en Dieu, c’est parce qu’il y a trois Personnes en Dieu : le Père, le Fils et l’Esprit Saint. Ils sont trois et pourtant ils ne forment qu’un seul Dieu. On l’appelle la Sainte Trinité et c’est un mystère ! Bonne fête de la Sainte-Trinité !
fr. Yves Bériault, o.p.
Dominicain. Ordre des prêcheurs
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Cher Père Curé,
Vous avez le don à la fois de nous faire rire et de nous émouvoir tout en nous encourageant à persister dans une foi agissante. N’est-ce pas là une trinité tout humaine inspirée de l’Autre toute divine. En outre vous avex si bien exprimé que la Sainte Trinité stucture notre Crédo. Pour ma part, je trouve le Crédo de Nicée-Constantinople beaucoup plus explicite en regard de chacune des trois Personnes divines.
Mille mercis pour vos textes toujours aussi stimulants qu’enrichissants.
Merci beaucoup Richard. Bon été à vous aussi et au plaisir de se retrouver.