Homélie pour le premier dimanche de l’Avent (C)

Avent1

Évangile de Jésus Christ selon saint Luc 21,25-28.34-36.
En ce temps-là, Jésus parlait à ses disciples de sa venue :
« Il y aura des signes dans le soleil, la lune et les étoiles. Sur terre, les nations seront affolées et désemparées par le fracas de la mer et des flots.
Les hommes mourront de peur dans l’attente de ce qui doit arriver au monde, car les puissances des cieux seront ébranlées.
Alors, on verra le Fils de l’homme venir dans une nuée, avec puissance et grande gloire.
Quand ces événements commenceront, redressez-vous et relevez la tête, car votre rédemption approche. »
Tenez-vous sur vos gardes, de crainte que votre cœur ne s’alourdisse dans les beuveries, l’ivresse et les soucis de la vie, et que ce jour-là ne tombe sur vous à l’improviste
comme un filet ; il s’abattra, en effet, sur tous les habitants de la terre entière.
Restez éveillés et priez en tout temps : ainsi vous aurez la force d’échapper à tout ce qui doit arriver, et de vous tenir debout devant le Fils de l’homme. »

COMMENTAIRE

Karl Barth, célèbre théologien protestant, disait que le pasteur devait vivre sa vie de foi en tenant la bible dans une main et le journal dans l’autre. Ce conseil vaut pour chacun et chacune de nous, et traduit bien, il me semble, la consigne de Jésus à ses disciples quand il leur dit de veiller et prier en tout temps.

La recommandation de « prier en tout temps », on peut la représenter par cette bible à la main, signe de cette présence de Dieu au cœur de nos vies, de nos actions et de nos préoccupations, même si l’on ne pense pas toujours à Dieu. Est-ce que les personnes qui s’aiment pensent toujours l’une à l’autre ? L’on s’attache à l’être aimé, à ses enfants, à nos amis, sans toujours penser à eux. Néanmoins l’amour est là, il est dynamique, en attente, prêt à répondre. Il devrait en être de même dans notre relation avec Dieu. Il faut savoir être prêt, porter Dieu en soi comme un souffle précieux, comme une prière constante, un peu comme ce coeur qui bat en nous, mais dont est pas toujours conscient.

Quant au « restez éveillés » que demande Jésus, je le comparerais au journal tenu dans l’autre main dont parle Karl Barth. Ce journal représente pour moi le souci du prochain qui s’étend jusqu’aux extrémités de la terre, puisque rien ne nous est étranger en tant que disciples du Christ. « Rester éveillé », c’est non seulement veiller sur soi-même, mais c’est n’être indifférent à aucune douleur, aucune détresse, car toute atteinte à la dignité humaine doit nous blesser. Car si notre cœur devient insensible à la misère, c’est qu’il s’est sclérosé, ou même qu’il s’est arrêté de battre. Il faut alors guérir au plus vite.

Alors, tenez-vous sur vos gardes et restez éveillés, nous dit Jésus, le journal dans une main et la bible dans l’autre, attentifs à cette présence du Fils de l’homme qui vient au cœur de notre monde en crise. Jésus se décrit comme venant à nous au milieu des tempêtes et du fracas des mers, victorieux, puisqu’il est le Seigneur. Et c’est ainsi que Dieu accompli sa promesse de bonheur en son Fils, telle que nous l’annonçait le prophète Jérémie.

Frères et soeurs, ce premier dimanche de l’avent donne d’emblée le ton pour l’année liturgique qui commence, en nous faisant entendre la parole de Jésus qui nous invite à nous redresser, et à nous tenir debout avec lui, comme des veilleurs, confiants au milieu de cette nuit qui tire à sa fin, et où nous sommes déjà vainqueurs avec le Christ, en dépit des épreuves et des échecs inévitables.

C’est dans cette dynamique que nous devons entrer, alors que notre espérance est sans cesse mise à l’épreuve par les évènements du monde, par des actions où le frère et la soeur se dressent en ennemi, ce qui vient compliquer singulièrement notre rapport au prochain

J’ai fait une lecture des plus intéressante ces derniers jours au sujet de Christian de Chergé, prieur au monastère de Tibhirine en Algérie, assassiné avec six de ses frères en 1996. Le frère Christian était habité par cette question lancinante au sujet de la place des musulmans dans le plan du salut de Dieu. Un musulman lui avait sauvé la vie alors qu’il faisait son service militaire en Algérie, et cette action avait été déterminante quant à son choix de la vie monastique en Algérie. Il se sentait redevable à ce peuple, et au fil des années, de son monastère qu’il appelait une petite épave cistercienne en terre musulmane, il avait appris à connaître des hommes et des femmes autour de lui vraiment habités par l’amour de Dieu et du prochain.

Mais le questionnement vécu par Christian de Chergé peut s’étendre aussi à tous les hommes et toutes les femmes de bonne volonté sur cette terre, quelle que soit leur appartenance religieuse, et nous faire nous demander qu’elle est leur place dans le plan du salut de Dieu? Sont-ils aimés de Dieu? Il est facile de développer de l’antipathie pour ceux et celles qui ne sont pas comme nous, pour les étrangers, ou encore pour ceux que l’on associe aux faits et gestes des terroristes islamistes par exemple, et qui projettent l’ombrage de leur violence et de leur haine sur tous les musulmans. Il y a là un un enjeu majeur pour nous chrétiens et chrétiennes quant à notre manière de nous situer dans le monde..

Prenons le cas de personnes qui nous sont chères, des amis, nos enfants par exemple, et qui nous disent ne pas partager notre foi ou ne pas croire en Dieu. Comment les jugeons-nous? Des parents me parlent souvent de leurs enfants. Ils s’inquiètent pour eux et parfois, pour les excuser de ne pas avoir la foi ou de ne pas aller à l’église, ces mêmes parents me disent: « Vous savez, nos enfants ne sont pas mauvais, ils aiment leur famille, ils sont généreux, ils se donnent beaucoup. » Et je les crois, parce que moi aussi je suis témoin de cette réalité, tout comme vous. Alors, vos enfants et vos amis, sont-ils aimés de Dieu? Le sont-ils tout autant que nous?

Le journal dans une main, c’est savoir porter un regard sur le monde comme le ferait Jésus lui-même. N’est-ce pas saint Paul, dans la deuxième lecture, qui fait cette prière en faveur des Thessaloniciens, lorsqu’il dit : « Que le seigneur vous donne entre vous et à l’égard de tous les hommes, un amour de plus en plus intense et débordant. »

Saint Paul ne s’en tient pas seulement à la charité entre les chrétiens de Thessalonique, mais il étend la notion de charité à tous, à tous les hommes, toutes les femmes sans exception. Et cela est possible parce que Paul a rencontré le Christ ressuscité et sa vie en a été transformée. Une transformation inouïe! Ce pharisien s’est mis à aimer les païens et à vouloir leur bonheur.

C’est cette présence de l’Esprit du Christ en nous qui nous rend capables de mieux voir le prochain, et de reconnaitre en l’autre la présence de Dieu. Voici un proverbe tibétain : « Un jour en marchant dans la montagne, j’ai vu un animal. En m’approchant, j’ai vu que c’était un homme. En arrivant près de lui, j’ai vu que c’était mon frère. »

Pour illustrer cette réalité, Christian de Chergé prend l’exemple de François d’Assise et son célèbre Cantique des créatures, où François fait l’éloge de tout ce que Dieu a créé dans l’univers et qui est là pour refléter sa gloire. François d’Assise, dit Christian de Chergé, « il n’a pas cherché à baptiser le soleil et la lune… Il les a accueillis comme porteurs, signes de l’Évangile… Et il les remercie de contribuer à sa conversion. » Et pourtant ce ne sont que des astres!

Nous trouvons la même dynamique dans les psaumes, quand il est dit au psaume 18 : « Les cieux proclament la gloire de Dieu ! » Les créatures elles-mêmes sont missionnaires et elles nous aident à voir la présence de Dieu au cœur de sa création.

Et il en serait autrement de l’homme et de la femme créés par Dieu? Ne sont-ils pas porteurs de cette gloire de Dieu eux aussi, quelle que soit leur provenance, leur religion?

Mais si nous savons ouvrir les yeux et nos cœurs, nous serons alors capables d’un langage commun, intelligible pour tous, nous unissant les uns aux autres, en dépit de toutes nos différences, nous donnant de reconnaître ces semences d’évangiles partout où elles poussent, sans que l’on sache comment, animés de cette conviction que l’autre, qui qu’il soit et d’où qu’il soit, est un frère, une sœur à découvrir et à aimer.

Ce n’est que sur cette base que nous pourrons prétendre travailler à l’avènement du Royaume, nous tenant parmi les hommes comme des veilleurs et des priants, au nom même de notre foi au Christ.

L’évangile, c’est tout ça et ce n’est que ça !

Yves Bériault ,o.p.

Homélie pour la fête du Christ-Roi (B)

Évangile de Jésus Christ selon saint Jean 18,33b-37.
En ce temps-là, Pilate appela Jésus et lui dit : « Es-tu le roi des Juifs ? »
Jésus lui demanda : « Dis-tu cela de toi-même, ou bien d’autres te l’ont dit à mon sujet ? »
Pilate répondit : « Est-ce que je suis juif, moi ? Ta nation et les grands prêtres t’ont livré à moi : qu’as-tu donc fait ? »
Jésus déclara : « Ma royauté n’est pas de ce monde ; si ma royauté était de ce monde, j’aurais des gardes qui se seraient battus pour que je ne sois pas livré aux Juifs. En fait, ma royauté n’est pas d’ici. »
Pilate lui dit : « Alors, tu es roi ? » Jésus répondit : « C’est toi-même qui dis que je suis roi. Moi, je suis né, je suis venu dans le monde pour ceci : rendre témoignage à la vérité. Quiconque appartient à la vérité écoute ma voix. »

COMMENTAIRE

Le passage que nous venons d’entendre est le seul dans les évangiles où Jésus affirme sa royauté, alors que devant Pilate il est enchaîné, humilié, abandonné de tous. Mais quelle est donc cette royauté de Jésus tellement contraire aux appétits des puissants de ce monde ?

Jésus en avait déjà donné une claire indication à ses apôtres alors que ces derniers réclamaient le privilège de s’asseoir à sa droite et à sa gauche, lors de l’établissement de son royaume. « Vous le savez, avait-il dit : les chefs des nations les commandent en maîtres, et les grands font sentir leur pouvoir. Parmi vous, il ne devra pas en être ainsi : celui qui veut devenir grand parmi vous sera votre serviteur ; et celui qui veut être parmi vous le premier sera votre esclave. Ainsi, le Fils de l’homme n’est pas venu pour être servi, mais pour servir, et donner sa vie en rançon pour la multitude. » Étrange royauté que celle de Jésus où le Messie revêt le tablier du serviteur.

Par ailleurs, Jésus affirme être venu pour rendre témoignage à la Vérité. Pilate ne comprend pas. Qu’est-ce donc la vérité demande-t-il à Jésus ? « Les Juifs, eux, savent depuis le début de leur Alliance avec Dieu, que la vérité c’est Dieu lui-même. » (Thabut) Il est la seule vérité et Jésus est venu nous le révéler, nous dévoiler le visage du Père.

Cette royauté que Jésus fait sienne est celle-là même de Dieu et il semble y avoir là un renversement incroyable, puisque nous proclamons la toute-puissance de Dieu dans notre Credo. Cette toute-puissance, nous révèle Jésus, est avant tout la toute-puissance de l’amour dans l’humble service des autres.

Cette question de la royauté de Jésus survient au terme de l’année liturgique. Et avant d’aller plus loin, une petite catéchèse est peut-être de mise ici. Il est bon de nous redire ce qu’est l’année liturgique, qui étrangement ne correspond pas à l’année civile.

L’année liturgique commence quatre dimanches avant Noël et dure douze mois. Pendant cette année, la liturgie de l’Église nous fait cheminer à travers les grandes étapes du salut révélées en la personne de Jésus Christ. Faut-il le rappeler, l’année liturgique est bâtie autour de notre foi au Christ et son but est de nous aider à approfondir, de dimanche en dimanche, l’extraordinaire mystère de l’incarnation du Fils de Dieu, sa venue parmi nous, sa passion et sa mort, ainsi que sa résurrection au matin de Pâques.

L’année liturgique commence dimanche prochain avec le temps de l’Avent, quatre semaines qui nous préparent à la fête de Noël. Et de là on chemine vers la fête des Rois, l’Épiphanie. Quelques semaines plus tard vient le temps du Carême, qui nous prépare à la fête centrale de notre foi, la fête de Pâques, qui est suivie d’une période de 50 jours, que l’on appelle le temps pascal et qui nous mène de l’Ascension à la fête de la Pentecôte.

Entre ces périodes fastes de la liturgie se vit le temps de l’Église, le temps que l’on appelle « ordinaire », qui reprend après la Pentecôte, du printemps jusqu’à l’automne, et qui nous conduit jusqu’à la fête d’aujourd’hui, qui est le dernier dimanche de l’année liturgique. C’est la fête du Christ-Roi. L’Église proclame la Seigneurie du Christ, sa royauté sur l’univers.

Chaque année, ce cycle liturgique recommence, et pourtant on ne finit jamais d’en découvrir la nouveauté, car notre vie évolue, et nous-mêmes nous changeons. Il s’en passe des choses en une année. Notre foi avec Dieu s’approfondit, on la questionne. Parfois c’est la vie qui nous bouscule, qui nous violente même, et il est bon que la liturgie nous invite à nous redire qui est le Christ pour nous au terme de chaque liturgique.

Alors, qu’affirmons-nous en ce dimanche du Christ-Roi ? Tout d’abord, nous croyons qu’il y a deux mille ans « l’Absolu s’est incarné et qu’il porte un visage, le visage de Jésus Christ ! » (Jacques de Bourbon-Busset). Nous croyons et nous affirmons qu’il est le Seigneur des vivants et des morts, que tout a été remis entre ses mains par le Père, et qu’il nous appelle à vivre éternellement auprès de lui. Nous croyons que sa vie donne sens à notre existence, qu’elle en est le fondement et qu’il nous appelle à une vie en plénitude dès ici-bas. Nous faisons nôtre l’affirmation de l’Apôtre Pierre à Jésus, lorsqu’il lui disait : « A qui d’autre irions-nous Seigneur ? Tu as les paroles de la vie éternelle ! »

Nous croyons que le seul royaume que le Christ veut établir en tant que roi est celui de l’amour. Son palais est une étable. Son trône, une croix. Son armée, tous ceux et celles qui veulent vivre de l’esprit des béatitudes, car le Royaume des cieux est à eux. Notre roi est le plus humble des hommes que la terre ait jamais porté. Il se présente à nous comme celui qui frappe à la porte et qui attend qu’on lui ouvre. Il promet à la personne qui lui ouvrira, qu’il entrera dans sa maison, qu’il s’assoira à sa table, et qu’il prendra son repas avec elle. Le Christ-Roi est un roi d’humilité qui vient quémander notre hospitalité et notre amour, et qui jamais ne s’impose à nous. Vraiment sa royauté n’est pas de ce monde.

N’est-ce pas Jésus qui disait dans les évangiles : « Chargez-vous de mon joug et mettez-vous à mon école, car je suis doux et humble de cœur, et vous trouverez le repos ». Ou encore ce que nous dit l’épître de Paul aux Philippiens, au sujet de Jésus : « Jésus n’a pas retenu le rang d’être l’égal de Dieu mais… il s’est dépouillé prenant la forme d’esclave…. Il s’est abaissé, devenant obéissant jusqu’à la mort, à la mort sur une croix ».

Voilà, frères et sœurs, le roi qui se tient au milieu de nous. Il est le Seigneur de l’univers et pourtant il vient vers nous avec douceur et humilité, non pas pour dominer nos vies, mais pour les transformer, pour nous donner le vrai bonheur, pour nous inviter à transformer le monde avec lui, avec le seul pouvoir qu’il connaisse, celui de l’amour et de la miséricorde.

Dans un proverbe arabe, Dieu dit ceci : « Viens à moi avec ton cœur, et je te donnerai mes yeux. » N’est-ce pas là l’appel que nous fait sans cesse le Christ, à nous son Église. Si tu viens à moi avec ton cœur, si tu écoutes ma voix, je te donnerai mes yeux, et non seulement les yeux, mais les mains et le cœur, et l’intelligence des choses. En somme, le Fils de Dieu est venu pour se remettre entre nos mains. Il est notre bien le plus précieux. Il est le Christ-Roi !

Frères et sœurs, en ces temps de violence qui sont les nôtres, où nous prions pour toutes les victimes des attentats récents : Paris, Beyrouth, Ankara, Istanbul, Bamako, Charm el-Cheikh, j’aimerais conclure avec cette prière de l’abbé Pierre, ce prêtre français qui a consacré sa vie aux plus déshérités .

Yves Bériault, o.p.

« Je continuerai à croire, même si tout le monde perd espoir.
Je continuerai à aimer, même si les autres distillent la haine.
Je continuerai à construire, même si les autres détruisent.
Je continuerai à parler de paix, même au milieu d’une guerre.
Je continuerai à illuminer, même au milieu de l’obscurité.
Je continuerai à semer, même si les autres piétinent la récolte.
Et je continuerai à crier, même si les autres se taisent.
Et je dessinerai des sourires sur des visages en larmes.
Et j’apporterai le soulagement, quand on verra la douleur.
Et j’offrirai des motifs de joie là où il n’y a que tristesse.
J’inviterai à marcher celui qui a décidé de s’arrêter…
Et je tendrai les bras à ceux qui se sentent épuisés. »

Abbé Pierre.

Homélie pour le 33e dimanche (B)

Nuit sur le Rhone

Évangile de Jésus Christ selon saint Marc 13,24-32.
En ces jours-là, après une pareille détresse, le soleil s’obscurcira et la lune ne donnera plus sa clarté ;
les étoiles tomberont du ciel, et les puissances célestes seront ébranlées.
Alors on verra le Fils de l’homme venir dans les nuées avec grande puissance et avec gloire.
Il enverra les anges pour rassembler les élus des quatre coins du monde, depuis l’extrémité de la terre jusqu’à l’extrémité du ciel.
Laissez-vous instruire par la comparaison du figuier : dès que ses branches deviennent tendres et que sortent les feuilles, vous savez que l’été est proche.
De même, vous aussi, lorsque vous verrez arriver cela, sachez que le Fils de l’homme est proche, à votre porte.
Amen, je vous le dis : cette génération ne passera pas avant que tout cela n’arrive.
Le ciel et la terre passeront, mes paroles ne passeront pas.
Quant à ce jour et à cette heure-là, nul ne les connaît, pas même les anges dans le ciel, pas même le Fils, mais seulement le Père.

COMMENTAIRE

Les textes de ce dimanche nous présentent des scènes de fin du monde, de catastrophes terrifiantes à l’échelle planétaire. Ce sont là sans doute les passages les plus énigmatiques et troublants de la Bible. Il s’agit d’un style littéraire appelé apocalyptique, d’où le nom bien connu d’apocalypse. Mais il est important de savoir qu’au temps de Jésus, et bien avant, ce type de récit était fort populaire dans les cultures du Moyen-Orient. Jésus et le prophète Daniel s’en inspirent afin de livrer leur message.

D’ailleurs, tout au cours de l’histoire des derniers millénaires, des mouvements apocalyptiques sont apparus prédisant une fin du monde éminente. Que ce soit les mouvements prédisant la fin du monde à la fin du premier millénaire, Nostradamus au Moyen-Âge, ou encore les Témoins de Jéhovah au XXe siècle. Aucune époque n’a échappé à cette angoisse qui s’enracine dans notre finitude humaine, dans la peur de la mort, mais aussi dans la crainte de Dieu et de son jugement.

Que veulent nous dire alors ces textes que nous venons d’entendre ? Précisons tout d’abord qu’en rester à l’annonce d’une fin du monde dans les paroles de Jésus ou du prophète Daniel, c’est déformer le sens de leur message qui, paradoxalement, est avant tout un message d’espérance. Jésus  et le prophète Daniel ne nous parlent pas de fin du monde, malgré les apparences, mais ils nous parlent de la fin d’un monde, où Dieu va se manifester et sauver son peuple.

Daniel écrit vers 170 av. J.-C. alors qu’un certain Antiochus Épiphane règne sur la Palestine. C’est un despote, un homme cruel qui gouverne avec une main de fer. Se prenant pour un dieu, il ordonne même qu’on lui rende un culte dans le temple de Jérusalem. Ceux qui refusent sont mis à mort.

C’est donc à ses compatriotes juifs que le prophète Daniel adresse son message en le camouflant dans un récit apocalyptique, un récit de fin du monde, mais dont ses lecteurs savent bien lire entre les lignes. C’est l’écroulement du règne de ce despote Antiochus Épiphane qui est annoncé par le prophète Daniel, et qui est représenté par un grand combat dans le ciel où l’archange Gabriel lutte en faveur du peuple de Dieu et remporte la victoire. Donc courage, leur dit le prophète Daniel, votre libération est proche. Dieu est avec vous.

Ce message est d’autant plus vrai dans la bouche de Jésus. Dans l’évangile, les paroles de Jésus semblent tourner nos regards vers un avenir encore lointain où tout sera détruit. Mais il est important de souligner que le style littéraire apocalyptique ne signifie pas « destruction », mais « dévoilement », « révélation ». Ce qui est annoncé par Jésus, c’est un monde nouveau, un monde non seulement pour demain, mais pour aujourd’hui même. C’est la saison de Dieu qui arrive avec son figuier en fleurs, c’est la nouveauté du Christ. C’est pourquoi les certitudes des hommes avec leur superbe et leur sentiment de puissance en sont ébranlées, comme si le ciel se décrochait, car c’est le règne de Dieu qui se manifeste.

Jésus emploie des images puissantes afin de nous faire comprendre qu’il y a un avant et un après avec sa venue. Même si le ciel et la terre passent, dit-il, « mes paroles ne passeront pas », puisqu’elles sont promesse de vie, elles sont Paroles de Dieu. Jésus nous invite donc à cette ferme espérance qui n’est pas un banal espoir, mais cette conviction inébranlable que Dieu est avec nous, en ce monde fragile et menacé, ce monde aux prises avec ses guerres et ses catastrophes, ses violences, ses populations qui gémissent et ses saisons qui se dérèglent. Dieu est avec nous. Et bien sûr, confrontés aux évènements tragiques qui viennent de se dérouler en France, plusieurs ont sans doute l’impression que notre espérance se tient comme au-dessus d’un abime sans fond. Et pourtant Dieu est avec nous. Telle est notre foi. Vers qui d’autre irions-nous?

Mais il ne s’agit pas là d’une invitation à la passivité. Le Christ se tient à notre porte nous dit l’évangile et il frappe. Il nous invite à lui ouvrir et à marcher avec lui. L’espérance chrétienne n’est pas seulement tournée vers l’avenir, mais elle est pour ce présent qui nous est donné. Et l’évangile nous rappelle sans cesse que c’est moins l’homme qui se tourne vers Dieu et qui espère, que Dieu qui se tourne vers nous et qui espère, puisque c’est lui qui a espéré le premier, en nous donnant la vie et en nous envoyant son Fils.

Bien sûr, on nous demandera où elle est cette présence du Christ dans la vie de tous les jours. Où est-il ton Dieu ? Mais comme le dit le renard au Petit Prince : « On ne voit bien qu’avec le cœur. L’essentiel est invisible pour les yeux. »  La victoire du Christ peut sembler dérisoire à l’œil nu, et pourtant notre foi nous donne de le reconnaitre, de deviner les signes de sa présence, de le savoir tout proche de nous, d’être à l’œuvre dans le monde comme le levain dans la pâte, d’être présents dans tous les gestes d’amour et de solidarité. Car notre espérance s’enracine tout d’abord dans le présent. C’est pourquoi nous croyons et nous aimons pour aujourd’hui et non pas pour un futur lointain.

Alors, la fin du monde est-elle pour bientôt ? Nous n’en savons rien et ce n’est pas là la question qui importe. Il faut plutôt se demander ce que nous faisons de notre monde alors que le Christ est à notre porte. La foi en Dieu nous engage à marcher les yeux ouverts, à ne pas faire fi des défis qui sont les nôtres sur cette terre trop malmenée. Car notre foi fait de nous les gardiens de notre maison commune qui a plus que jamais besoin d’artisans de paix alors que la violence cherche à s’imposer partout.

Demandons au Seigneur de nous venir en aide, d’éclairer nos dirigeants, et demandons-lui aussi de nous donner de comprendre ce qu’il attend de chacun et chacune nous.

Yves Bériault, o.p.

Le papillon d’automne

automne

Ce matin, attiré par le soleil d’automne
et le coloris extraordinaire de cette saison en mon pays,
j’ai pris mes souliers de marche en direction de la montagne.

L’air sentait bon, feu de bois et feuilles séchées,
le tout emporté dans l’air frais du matin.

Derniers sursauts d’une saison
sur le point de céder la place
aux brises qui apportent le froid.

Sur ma route, j’ai croisé un papillon,
événement rarissime pour la saison.
Surpris, je l’ai vu s’élever soudainement devant moi,
avec une vigueur inhabituelle pour un papillon.

Il se débattait dans l’air frais du matin,
comme aspiré par cette lumière d’or réfléchie par les feuilles,
ou plutôt comme inspiré par cette lumière,
car il semblait danser avec l’énergie de celui qui sait
que le temps est compté.

Un petit papillon d’automne,
signe d’espérance et de détermination
sur la route d’un marcheur solitaire.

A sa manière, sans le savoir,
il me parlait de la suite du Christ

Saisi par la lumière du Christ ressuscité,
plus éblouissant qu’un milliard de soleils d’automne,
nous allons de-ci de-là,
emportés par le souffle de l’Esprit,
au gré des événements et des saisons.

Les jours qui passent,
lorsqu’ils baignent dans cette lumière,
ne font que raviver la foi de ceux qui croient,
car le temps est court et la moisson est grande, très grande !
Tant de défis à relever, tant d’amour à donner et à recevoir.

Il nous faut donc devenir papillon d’automne
sur tous ces chemins de par le monde
où se trouvent des promeneurs solitaires
qui cherchent un sens à la vie
au fil des saisons qui passent.

Voilà où nous entraîne l’admirable lumière du Christ :
au cœur de la vie !
Apprends donc à danser ta foi,
là où le souffle de l’Esprit te conduit.

Il n’y a pas de plus belle saison
dans la vie de celui qui croit au Fils de Dieu !

Yves Bériault, o.p.

ob_6ab8f8_images