Le papillon d’automne

automne

Ce matin, attiré par le soleil d’automne
et le coloris extraordinaire de cette saison en mon pays,
j’ai pris mes souliers de marche en direction de la montagne.

L’air sentait bon, feu de bois et feuilles séchées,
le tout emporté dans l’air frais du matin.

Derniers sursauts d’une saison
sur le point de céder la place
aux brises qui apportent le froid.

Sur ma route, j’ai croisé un papillon,
événement rarissime pour la saison.
Surpris, je l’ai vu s’élever soudainement devant moi,
avec une vigueur inhabituelle pour un papillon.

Il se débattait dans l’air frais du matin,
comme aspiré par cette lumière d’or réfléchie par les feuilles,
ou plutôt comme inspiré par cette lumière,
car il semblait danser avec l’énergie de celui qui sait
que le temps est compté.

Un petit papillon d’automne,
signe d’espérance et de détermination
sur la route d’un marcheur solitaire.

A sa manière, sans le savoir,
il me parlait de la suite du Christ

Saisi par la lumière du Christ ressuscité,
plus éblouissant qu’un milliard de soleils d’automne,
nous allons de-ci de-là,
emportés par le souffle de l’Esprit,
au gré des événements et des saisons.

Les jours qui passent,
lorsqu’ils baignent dans cette lumière,
ne font que raviver la foi de ceux qui croient,
car le temps est court et la moisson est grande, très grande !
Tant de défis à relever, tant d’amour à donner et à recevoir.

Il nous faut donc devenir papillon d’automne
sur tous ces chemins de par le monde
où se trouvent des promeneurs solitaires
qui cherchent un sens à la vie
au fil des saisons qui passent.

Voilà où nous entraîne l’admirable lumière du Christ :
au cœur de la vie !
Apprends donc à danser ta foi,
là où le souffle de l’Esprit te conduit.

Il n’y a pas de plus belle saison
dans la vie de celui qui croit au Fils de Dieu !

Yves Bériault, o.p.

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Rilke : Livre de pèlerinage

Rainer Maria Rilke

Alors que feras–tu Dieu si je meurs ?
Je suis la cruche (si je me brise ?)
Je suis la boisson (si je m’altère ?)
Je suis ton habit ton commerce,
Avec moi perdu tu perdrais ton sens,
après moi tu n’auras plus de maison,
où les mots proches et chaleureux te salueraient.
De tes pieds fatigués tombera
cette sandale en velours qui est moi
ton grand manteau te quittera,
ton regard, que je réchauffe avec mes joues
que je reçois comme une couche
voudra venir, me cherchera, longuement-
et se posera contre le coucher de soleil
avec des pierres inconnues au creux de lui-même.
Alors que feras-tu Dieu ?
J’ai très peur.

Rainer Maria Rilke. Livre d’Heures.

Dieu caché

Parce que tu as aimé cette terre Seigneur,
voilà qui me donne d’espérer
quand je sens ma foi vaciller.

À voir vivre tes enfants rieurs,
comment ne pas sentir
la tendresse de ton regard
posé tout doucement sur chacun ‘eux.

Tu es là ! Je le crois.

Et je devine ta joie, car c’est ma joie.
Et je connais ta peine lorsqu’ils souffrent,
car c’est la mienne
et elle ne peut venir que de Toi.

Et du plus profond de mon impuissance
monte en moi cet appel à les consoler avec Toi !
À prendre avec Toi ce poids de douleur
qui accable notre terre jusqu’à plus soif.

Mais je te découvre plus pauvre que moi.
Plus pauvre que moi dans ta toute-puissance.
Et ton amour n’en finit plus d’attendre
les deux mains clouées sur le bois.

Qui donc prendra sur lui le poids de ta croix?
Faut-il être entré dans ta gloire
pour mesurer le poids infini de ta souffrance
et trouver la force de l’assumer avec Toi?

Pourquoi te cacher derrière ce silence
qui enveloppe l’univers,
comme si, sur le point de parler,
tu retenais ton souffle, l’espace d’un instant.

Un instant d’éternité où l’Homme attend
les yeux tournés vers le ciel…

Pourtant, tout dans l’univers ne s’écrie-t-il pas: Gloire!
Des astres créés, aux rires des enfants:
« Contemplez Celui qui vient!
Celui qui Est! Contemplez!
Il est là, aux portes du monde,
et vous êtes chez Lui.

L’univers est son jardin et l’Homme,
un promeneur solitaire
qui cherche son chemin.
N’entendez-vous pas sa voix? »
Et l’Homme, reste-là, hébété,
au coeur du jardin,
soûlé par le poids de sa vie,
ne sachant plus où regarder,
quand tout autour de lui l’appelle vers Toi.

Nous aurais-tu donc créés aveugles ?

Yves Bériault, o.p.

À celle qui est Marie

Il y a des jours où les patrons et les saints ne suffisent pas.
Alors il faut prendre son courage à deux mains.
Et s’adresser directement à celle qui est au-dessus de tout.
Être hardi. Une fois.
S’adresser hardiment à celle qui est infiniment belle.
Parce qu’aussi elle est infiniment bonne.

À celle qui intercède.
La seule qui puisse parler de l’autorité d’une mère.

S’adresser hardiment à celle qui est infiniment pure.
Parce qu’aussi elle est infiniment douce.
(…)

À celle qui est infiniment riche.
Parce qu’aussi elle est infiniment pauvre.

À celle qui est infiniment haute.
Parce qu’aussi elle est infiniment descendante.

À celle qui est infiniment grande.
Parce qu’aussi elle est infiniment petite.
Infiniment humble.
Une jeune mère.

À celle qui est infiniment jeune.
Parce qu’aussi elle est infiniment mère.
(…)

À celle qui est infiniment joyeuse.
Parce qu’aussi elle est infiniment douloureuse.
(…)

À celle qui est infiniment touchante.
Parce qu’aussi elle est infiniment touchée.

À celle qui est toute Grandeur et toute Foi.
Parce qu’aussi elle est toute Charité.
(…)

À celle qui est Marie.
Parce qu’elle est pleine de grâce.

À celle qui est pleine de grâce.
Parce qu’elle est avec nous.

À celle qui est avec nous.
Parce que le Seigneur est avec elle.

CHARLES PÉGUY

(Le Porche du Mystère de la Deuxième Vertu, extraits.)