La conversion

Quand l’Esprit fait un don, il l’enracine. Il nous fait passer dans le feu de son attraction puissante, en nous laissant pressentir, mais le mot est sûrement trop fort, la Lumière souveraine de la Trinité. Comme le pensait Joubert : « La lumière et le feu seront notre éternel partage : la lumière de Dieu, le feu de son amour ». Nous sommes tous destinés à la lumière et au feu. Appelés à devenir des êtres de lumière et de feu. En somme, la conversion nous fait changer de champ de gravitation. Conversio veut bien dire « action de se tourner». Prendre une autre direction. Être déraciné pour mieux être ré enraciné. Décoller d’un passé sans présence, des pièges du sommeil. Soumettre son âme aux repeints patients, dirait un peintre. Entrer dans l’attraction puissante de l’Astre unique… On a dit que la conversion religieuse est « une chute dans l’autre monde de l’amour». Ce n’est plus l’heure de tergiverser, c’est l’heure d’une réponse, d’un fiat profond, d’un début d’exode, d’un abandon, d’un don total : « Que Ta volonté soit faite! » C’est ce que Thérèse de Lisieux avait ressenti au moment de sa propre conversion. Elle avait retrouvé sa force et s’était donnée entièrement à Jésus Christ.

Il n’est plus question dès lors du danger de la conversion, mais du risque terrible de ne pas l’accepter, de ne pas correspondre au don de Dieu, c’est-à-dire au don de Celui qui par essence pardonne et se donne. « Si tu savais le don de Dieu » ». Fin du texte

Ouellette, Fernand. Le danger du divin. Fides, 2002. pp. 119-120

Une croix se profile à l’horizon

Bientôt nous entrerons dans la Semaine Sainte et déjà le Dimanche des Rameaux, avec sa lecture de la Passion, invitera les disciples du Christ à se tourner vers la croix, vers ce rendez-vous que l’évangéliste Jean appelle « l’Heure de Jésus ».C’est Catherine de Sienne qui propose cette intuition à couper le souffle : « Ce ne sont pas les clous qui retiennent le Christ sur la croix, mais l’amour. »

Au moment d’entrer dans la contemplation de ce chemin de croix que nous allons revivre avec Jésus, il est bon de se rappeler que la croix, malgré sa laideur et la cruauté qu’elle évoque, est le lieu ultime que Dieu a choisi afin de nous dire son amour infini. Oui, notre fierté c’est la croix du Christ!

Jésus a dit oui à la croix, il l’a acceptée courageusement, mais peut-on dire qu’il l’a recherchée? « Père, si tu veux éloigner cette coupe de moi… » disait-il à gethsémani. Et pourtant, ailleurs en saint Jean : « Comme il me tarde de boire à cette coupe… »

Mais il n’y a pas de contradiction ici. Le oui de Jésus est un oui à l’épreuve de l’Amour, amour pour nous et amour pour le Père, où Jésus ne saurait s’esquiver. Il sait que ce don ne peut que nous apporter la vie, il est venu pour cette Heure, et c’est sur la croix qu’il va affronter le Mal dans ses derniers retranchements. C’est le grand mystère de la foi chrétienne, « scandale pour les Juifs, folie pour les païens », comme dira saint Paul.

Jésus a dit oui à la croix, mais c’est nous qui l’y avons cloué, et pourtant, Dieu dans son amour de Père, en a fait le lieu de notre réconciliation en son Fils crucifié. C’est sur ce bois que l’amour de l’Homme-Dieu s’est livré jusqu’au bout, au point de saisir dans son offrande toute l’humanité, toutes les générations à venir qui mettraient leur foi en lui, le grand vainqueur de la Mort.

Tout comme pour nous aujourd’hui, le côté rebutant de la croix n’allait pas de soi pour les premières générations chrétiennes, car la prédication d’un Messie crucifié n’était pas de nature à plaire et à séduire:

« Les évangélistes, faut-il le redire, rapportaient une mort infamante de Jésus sur la croix qui ne pouvait qu’accabler, humilier tout disciple par sa forme d’échec impitoyable. Ce que tout écrivain fabulateur, mythologisant n’aurait jamais voulu imaginer. On n’invente pas Jésus Christ, il a trop d’exigence, et une croix trop lourde et râpeuse pour nos épaules. En somme, nos témoins rapportaient ce qui aurait dû empêcher la naissance et l’expansion du christianisme, s’ils n’avaient pas voulu témoigner particulièrement des faits et de la foi ardente qu’ils avaient en Jésus ressuscité, Messie et Seigneur, seule voie vers le Père. » (Ouellette, Fernand. Le danger du divin. Fides,2002. p. 72)

Oui, nous aussi nous proclamons un Messie crucifié. C’est là notre honte, parce que cette croix est l’expression de notre péché, et c’est là aussi notre fierté, parce qu’elle est le lieu de notre relèvement.

Le scandale de la croix

« Les évangélistes, faut-il le redire, rapportaient une mort infamante de Jésus sur la croix qui ne pouvait qu’accabler, humilier tout disciple par sa forme d’échec impitoyable. Ce que tout écrivain fabulateur, mythologisant n’aurait jamais voulu imaginer. On n’invente pas Jésus Christ, il a trop d’exigence, et une croix trop lourde et râpeuse pour nos épaules. En somme, nos témoins rapportaient ce qui aurait dû empêcher la naissance et l’expansion du christianisme, s’ils n’avaient pas voulu témoigner particulièrement des faits et de la foi ardente qu’ils avaient en Jésus ressuscité, Messie et seigneur, seule voie vers le Père. »

(Ouellette, Fernand. Le danger du divin. Fides,2002. p. 72)