« Près de la croix de Jésus se tenait debout sa mère. » (Jn 19, 25)
« Près de la croix de Jésus se tenait debout sa mère. » C’est avec Marie que je vous propose de contempler la croix du Seigneur en ce Vendredi Saint. À travers la figure de Marie, la Mère du Seigneur, l’évangéliste Jean nous introduit dans le sens profond du mystère de la croix et de notre mystère en tant que disciples du Christ.
Il est vrai que les évangiles ne nous parlent pas beaucoup de la Mère du Seigneur, et pourtant elle est la seule personne dans les évangiles dont on mentionne la présence à toutes les étapes importantes de la vie de Jésus.
Elle est présente à son incarnation, elle en est même l’objet privilégié; elle est là pendant la mission de Jésus, pensons ici aux noces de Cana; elle est présente à Jérusalem, lors de la passion et de la mort de Jésus; et, après la résurrection, elle est sera présente à la Pentecôte avec les apôtres. Malgré leur discrétion, Marie occupe une place unique dans les évangiles, parce qu’elle occupe une place unique dans l’histoire du salut.
Celui que Marie a contemplé tout petit, couché dans une mangeoire, emmailloté, le voici maintenant couché sur la croix. Marie se tient debout devant lui, en silence, mère courageuse et en attente, comme la femme enceinte qui attend l’heure de sa délivrance. Marie, devant la croix, vit une pauvreté spirituelle qui la dépouille de tout privilège, de toute promesse. Il n’y a plus que cette nuit obscure, nuit de la passion, dans laquelle est entré son fils Jésus et dans laquelle elle entre avec lui. Et Marie se tient debout au pied de la croix…
L’évangéliste Jean est le seul qui présente cette scène, et pour bien la comprendre, il faut savoir ce que représente le Calvaire chez Jean. Le Calvaire représente l’ « Heure » de Jésus. Jean mentionne cette « Heure » à plusieurs reprises dans son évangile. Ainsi Jésus dira : « Père, l’heure est venue, glorifie ton Fils » (Jn 17, 1), « c’est pour cette Heure que je suis venu dans le monde » (Jn 12, 27). Et voilà que tout est consommé. Jésus est suspendu entre ciel et terre, et Marie se tient debout au pied de la croix.
Pour l’évangéliste Jean, le Calvaire est le lieu privilégié où se révèle la gloire du Christ. C’est l’« Heure » par excellence. Jésus ne disait-il pas : « lorsque vous aurez élevé le Fils de l’homme, alors vous connaîtrez que Je Suis. » (Jn 8, 28).
Et en plaçant Marie au pied de la croix, Jean la situe au coeur du mystère pascal. Elle est témoin non seulement de la mort de son fils, mais de sa victoire sur la mort. Jésus après sa résurrection dira : « Bienheureux ceux qui croient sans avoir vu! » Marie sa mère est de ceux-là.
De Marie au pied de la croix, on ne nous rapporte ni cri, ni lamentation. Seulement son silence et sa position : Marie se tait, elle est debout, « donnant à l’immolation de la victime, née de sa chair, le consentement de son amour » (Vatican II : Lumen gentium, 58). Elle entre avec Jésus dans sa Pâque. C’est l’« Heure » de Jésus, mais c’est aussi l’« Heure » de Marie. Son oui la conduisait à cette « Heure », et c’est aussi le lieu de notre « Heure » à nous, parce que la croix est le lieu du disciple du Christ, et, comme Marie, le disciple est appelé à entrer dans l’offrande de Jésus faite au Père en notre nom.
Est-il surprenant alors que Marie se tienne debout au pied de la croix? Le Calvaire, où le cœur de Marie est transpercé par le glaive qu’annonçait la prophétie du vieux Syméon (« toi-même un glaive te transpercera l’âme »), nous donne de contempler la Mère du Seigneur qui avance dans la foi à la rencontre de la passion et de la mort de son fils. En Marie, nous contemplons déjà l’Église qui va à la rencontre de son Seigneur et qui se tient debout avec lui. C’est cette grâce qui est à l’œuvre en Marie et qui fait d’elle le véritable modèle du disciple du Christ. Avec elle, en ce Vendredi Saint, nous nous tenons debout près de la croix.
Marie se tient debout dans un sens physique bien sûr, mais avant tout, dans un sens spirituel. Au pied de la croix, Marie se tient debout et victorieuse avec le Christ. La passion est achevée, le long périple dans la nuit de la foi s’ouvre déjà sur l’Heure de Jésus, sur sa victoire sur la mort.
Quant à nous, nous savons combien il est difficile parfois de rester avec Jésus. C’est pourquoi il nous invite à prendre avec nous sa mère : « Voici ta mère » dit-il à chacun et chacune de nous. Avec elle, nous pouvons apprendre à nous tenir debout, là où dans la nuit de nos épreuves la résurrection de notre Seigneur est déjà à l’œuvre. Telle est notre foi et nous la proclamons fièrement en ce Vendredi Saint en nous tenant debout tout près de la croix. Amen.
Yves Bériault, o.p.
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