Ce jour là le ciel s’obscurcit. Il était environ trois heures. C’est alors que le monde chavira. Un cri se fit entendre de cette faiblesse d’homme cloué au bois; il emplit l’univers et le fit basculer sous le regard de Dieu. L’homme n’était plus! Cette vie livrée à son destin risible venait de s’achever, suspendue entre ciel et terre. Le temps lui-même semblait arrêté, figé sur ce moment combien banal de l’histoire humaine, comme si tout d’un coup les souffrances de l’humanité: passées, présentes et à venir, étaient offertes en spectacle à une foule désabusée…
Peu à peu un silence inquiet traversa les regards et fit place aux sarcasmes des badauds. Quelque chose au coeur du monde, au coeur même de Dieu, venait de se déchirer. Ceux et celles qui connaissaient le crucifié se tenaient à distance, impuissants, n’osant parler, pressentant dans son cri d’agonie à la fois l’expression d’une douleur infinie et, secrètement, sans oser y croire, le mugissement forcené d’une vie nouvelle cherchant son souffle!
Oui, le ciel s’obscurcit ce jour-là, et les amis de cet homme en gardèrent toute leur vie une impression vive. Ils se souvinrent plus tard que c’est à partir de ce moment là que tout commença à changer.
Le corps livide et inanimé fut descendu de la croix et mis au tombeau. La nuit tombait. Ils retournèrent chacun chez eux, silencieux, le coeur broyé de douleur, mais attentifs à ce sentiment nouveau et indéfinissable s’éveillant en eux: une impression de fraîcheur, semblable à celle qui envahit le ciel d’été après l’orage…
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