Homélie pour le 3e Dimanche du Temps Ordinaire. Année C.

> 1ère lecture : Le peuple de Dieu redécouvre la Parole (Ne 8, 1-4a.5-6.8-10)
> Psaume : Ps 18, 8, 9, 10, 15 R/ La joie du Seigneur est notre rempart
> Evangile : Prologue de Saint Luc — « Aujourd’hui, s’accomplit la Parole » (Lc 1, 1-4; 4, 14-21)

Mise en situation

Imaginez une vieille maison à la campagne. Vous êtes chez vos grands-parents. Vous montez au grenier et là il y a le vieux coffre à souvenirs. Vous l’ouvrez et vous en faites l’inventaire. Photos de mariage du grand-père et de la grand-mère, photos des enfants, une généalogie, des lettres d’amour que grand-père et grand-mère s’écrivaient secrètement pendant leurs fiançailles, le sermon de leur mariage, quelques prières composées pour les grands moments de leur vie, un ancien bail, des souvenirs de voyages, cartes postales, photos de familles, les plans de la première maison, un voile de mariée,  un poème offert par les enfants lors de leur cinquantième anniversaire, etc. Vous découvrez dans ce coffre l’histoire d’un couple, c’est le coffre à trésor d’une belle histoire d’amour qui en dépit du temps semble garder toute sa fraîcheur.

 En ce dimanche, la liturgie à sa façon nous invite à ouvrir notre propre coffre. Nous aussi en tant qu’Église nous vivons une histoire d’amour et notre coffre à souvenir c’est le livre de la Parole, c’est la Bible. C’est une bibliothèque de 73 livres qui raconte la merveilleuse histoire de nos ancêtres dans la foi : il y a là des livres d’histoires, des poèmes, les plans de construction du Temple, des paroles de Sagesse, les messages des prophètes et enfin le témoignage de ceux qui ont connu Jésus-Christ. Ces livres sacrés, qui n’en forment plus qu’un seul pour nous, doivent sans cesse être redécouverts par les chrétiens. C’est pourquoi chaque dimanche ils sont proclamés dans notre assemblée.

La Parole de Dieu est centrale dans notre vie de foi. Mais alors pourquoi nous laisse-t-elle si souvent indifférentes ? Souvent, l’on quitte l’assemblée du dimanche sans trop nous rappeler ce qui a été lu. L’habitude? Sans doute. D’où l’importance de nous rappeler de temps en temps le sens de cette Parole de Dieu que nous proclamons afin de mieux nous l’approprier, de mieux l’entendre. Il y a des conditions objectives pour l’accueillir. Il faut avoir les oreilles et le cœur bien ouvert. Savoir l’accueillir dans une attitude de respect et d’écoute. Savoir demander à Dieu que cette Parole m’atteigne au plus profond de moi-même, car c’est lui qui me parle.

Notre Dieu Parle

La Parole de Dieu est avant tout un fait d’expérience dans la Bible. Dieu parle, il parle directement à des personnes privilégiées. L’on songe ici à Abraham, à Moïse, aux divers prophètes. À la charnière de l’A.T et du N.T. il y a Marie, les Apôtres, saint Paul et si l’on fait un saut dans le temps, il y a nous tous ici rassemblés. La manière dont Dieu s’adresse à nous peut varier, elle est adaptée à chacun. Dans la Bible, l’on nous rapporte que Dieu s’est adressé à des personnes par des visions ou des songes, par une inspiration intérieure, ou encore bouche à bouche comme pour Moïse. Parfois cette parole se manifeste sous forme de préceptes, d’enseignement de sagesses. Mais une chose est certaine, tous les prophètes ont conscience que Dieu leur parle.

Notre Dieu veut se faire connaître

Ces considérations nous amènent à dégager une deuxième caractéristique de notre Dieu. Notre Dieu est un Dieu qui veut se faire connaître. Si notre Dieu parle, c’est qu’il veut se faire connaître. N’est-ce pas là l’expérience fondamentale de tout parent avec son enfant. S’il cherche à lui apprendre à parler, bien que ce soit là une nécessité de la vie, le père et la mère qui laborieusement veulent amener leur enfant chéri à balbutier ses premiers mots, souhaitent surtout entendre de la bouche de leur enfant : maman, papa. Dans cette expérience de reconnaissance de l’autre est ancrée la nature même de l’expérience de la famille qui est de se situer dans un réseau de vie où les enfants apprennent à devenir humain dans la mesure où ils reconnaissent leurs parents comme des êtres différenciés, des autres par qui passent leur croissance physique, affective et morale. Et Dieu aussi veut se faire connaître, il veut que nous l’appelions Père, car cette vie humaine qui est la nôtre s’enracine dans la sienne, elle vient de lui et elle va vers lui. Donc, Dieu parle pour se faire connaître, pour que grandissent entre lui et nous, l’amour, la communion; pour que nous atteignions notre pleine stature d’enfants de Dieu, que nous devenions des hommes et des femmes responsables!

Serviteurs de la Parole

Pour la tradition judéo-chrétienne, la Parole est action, elle est Verbe, elle fait, elle agit et cette Parole a pour centre la personne de Jésus-Christ. Jésus est le Verbe de Dieu. Et en tant que Verbe, en tant que Fils, il existe dès le commencement. C’est par Lui, Parole créatrice, que tout a été fait ; il est la lumière qui luit dans les ténèbres pour apporter la connaissance de Dieu. Il est la parole de sagesse dans l’A.T. Et ce Verbe entre ouvertement dans l’histoire humaine en prenant notre chair, en devenant l’un des nôtres.

La Parole de Dieu nous transforme, elle suscite une nouvelle relation à nous-mêmes et aux autres. Car la Parole de Dieu apporte le salut de Dieu et ce salut de Dieu, c’est la victoire sur le mal. Si la vie vous intéresse, Dieu, en Jésus-Christ, propose à l’humanité un projet de vie, un regard sur notre vie personnelle qui dépasse les espérances humaines les plus folles. C’est pourquoi il faut constamment se nourrir de la Parole de Dieu, car Dieu a beau nous parler dans notre quotidien, dans notre prière, à travers les autres, il nous parle avant tout dans ces pages qui sont une nourriture spirituelle qui vient éclairer notre quotidien, notre prière, nos engagements.

Sois un serviteur de la Parole. Le besoin croît avec l’usage. 

Pour conclure la Semaine de l’unité des chrétiens

Jésus disait à ses Apôtres : « Je ne prie pas seulement pour ceux qui sont là, mais encore pour ceux qui accueilleront leur parole et croiront en moi. »

Nous sommes de ceux-là. Nous sommes les héritiers de la prédication des Apôtres de Jésus. Nous croyons à cause de leurs paroles, à cause du témoignage de leurs vies, ainsi que de tous ceux qui leur ont succédé. Nous croyons surtout parce que l’Esprit de vérité a été répandu dans nos cœurs à notre baptême, et il nous a amenés à reconnaître que Jésus a vraiment les paroles de la vie éternelle.

Jésus est le parfait adorateur du Père et seul le Fils de Dieu pouvait nous montrer ce qu’est le cœur de la véritable prière, le sens profond de l’amour de Dieu et du prochain. C’est pourquoi nous proclamons sans cesse en Église, et à la face du monde, que Jésus est véritablement le « resplendissement de la gloire du Père, l’expression parfaite de son être. » Vrai homme, mais aussi vrai Dieu, son amour pour nous ne pouvait pas être un amour de demi-mesure. C’est pourquoi il demande pour nous au Père : « Que tous, ils soient un, comme toi, Père, tu es en moi, et moi en toi. »

Voilà de désir profond de Jésus, et qui est le désir profond du Père. Jésus est allé au bout du don de lui-même afin que les enfants du Père soient un avec Lui et le Père, uni dans une même communion, uni dans un même amour, uni dans un même Esprit. Comme il est grand le don que Jésus nous fait de lui-même dans son obéissance au Père. Comme il est beau!

C’est pourquoi saint Augustin célèbre le Christ en disant de lui : « Il est beau, le Verbe auprès de Dieu […]. Il est beau dans le ciel, beau sur la terre […]; beau dans ses miracles, beau dans le supplice; beau quand il appelle à la vie et beau quand il ne s’inquiète pas de la mort […]; beau sur la Croix, beau dans le tombeau, beau dans le ciel […].» Oui, le Père se complaît en son Fils, lui en qui il a mis tout son amour, lui qu’il a glorifié en le ressuscitant des morts.

Cette gloire de Jésus, les Apôtres en ont été les témoins privilégiés le matin de Pâques, afin qu’ils parviennent ainsi à cette unité dans la foi et la charité, et qu’ils vivent ainsi dans cette communion qui existe entre le Père et le Fils, et ce pour l’éternité. C’est là l’héritage que Jésus vient nous léguer au nom du Père. L’unité des disciples rend témoignage à cette action puissante de Jésus sur les cœurs, et atteste ainsi qu’il est vraiment l’envoyé de Dieu. « Que leur unité soit parfaite, demande Jésus; ainsi, le monde saura que tu m’as envoyé, et que tu les as aimés comme tu m’as aimé. »

Voilà le rêve de Dieu pour nous, un rêve qui comporte bien sûr des exigences, mais surtout une grande joie, car c’est là que se trouve la véritable liberté, puisque cet amour de Dieu est la source de toutes les joies et sur cet amour nous pouvons construire nos vies avec assurance, puisque Jésus lui-même nous y invite. Il nous invite à être un reflet de sa gloire pour notre monde. Comme l’écrivait l’auteur Jacques Breault : « Vivre jusqu’au bout l’Évangile. Rien n’apparaît aujourd’hui plus généreux, et plus inventif ». 

Le dimanche. Un peu d’histoire (suite)

Dans l’Ancien Testament

Dans l’histoire, on a toujours fait un rapprochement entre le sabbat juif et le dimanche chrétien. Arrêtons-nous un peu afin de voir s’il y a une différence entre les deux événements. En hébreu sabbat (prononcer shabbat) signifie jour de repos. Cette tradition est expliquée dans le texte de la Genèse (2,2) par le repos de Dieu le septième jour de la création :

« Dieu conclut au septième jour l’ouvrage qu’il avait fait et, au septième jour, il chôma, après tout l’ouvrage qu’il avait fait. Dieu bénit le septième jour et le sanctifia, car il avait chômé après tout son ouvrage de création. »

Mais le sabbat lui-même ne sera imposé qu’au Sinaï lors de l’Alliance avec Moise. Il s’agit du quatrième commandement du Décalogue qui en fait un jour de repos et en explicite les sens:

« Tu te souviendras du jour du sabbat pour le sanctifier. Pendant six jours tu travailleras et tu feras ton ouvrage; mais le septième jour est un sabbat pour Yahvé ton Dieu. Tu ne feras aucun ouvrage, toi, ni ton fils, ni ta fille, ni ton serviteur, ni ta servante, ni tes bêtes, ni l’étranger qui est dans tes portes. Car en six jours Yahvé a fait le ciel, la terre, la mer et tout ce qu’ils contiennent, mais il s’est reposé le septième jour, c’est pourquoi Yahvé a béni le jour du sabbat et l’a consacré. » (Ex 20,8-11).

Le septième jour s’appelle désormais le sabbat et il constitue une invitation à imiter le Créateur, soit de travailler six jours et de se reposer le septième, car, selon Genèse 1, 26, l’homme est fait à l’image de Dieu.

Dans le Nouveau Testament

Toutefois, la pratique du sabbat n’est presque plus mentionnée dans le Nouveau Testament après la résurrection du Christ. Paul met en garde d’ailleurs contre ceux qui voudraient imposer cette observance :

« Dès lors, que nul ne s’avise de vous critiquer sur des questions de nourriture et de boisson, ou en matière de fêtes annuelles, de nouvelles lunes ou de sabbats. Tout cela n’est que l’ombre des choses à venir, mais la réalité, c’est le corps du Christ . »(Col.2,16-17).

Par ailleurs, il semblerait que l’observance du sabbat et du dimanche ait pu vivre côte à côte au tout début du christianisme, les deux jours étant soulignés de façon particulière sans que le dimanche ne devienne pour autant un jour chômé. C’est ainsi que les réunions des chrétiens le dimanche semblent se faire soit très tôt le matin, avant le lever du jour ou encore le soir après la journée de travail.

Mais la génération apostolique, celle des premiers chrétiens, saisira immédiatement l’importance du premier jour. C’est ainsi que la première mention du premier jour apparaît chez Paul, dans sa première lettre aux Corinthiens (1 Cor. 16,2), vers l’an 54, où il rattache au premier jour la collecte pour les frères de Jérusalem qui sont dans le besoin, possiblement en bute à des persécutions : « que chaque premier jour de la semaine, chacun mette de côté chez lui ce qu’il aura pu épargner ».

On a aussi la description d’une assemblée tenue le premier jour de la semaine à Troas (Actes 20, 6-12), qui comporte un long discours de Paul suivi de la fraction du pain, cette expression signifiant la Cène du Seigneur, le repas du Seigneur :

« Quant à nous, partis de Philippes après les jours des pains sans levain, nous nous sommes embarqués pour les rejoindre, cinq jours plus tard, à Troas, où nous avons fait halte pendant une semaine. Le premier jour de la semaine, alors que nous étions réunis pour rompre le pain, Paul, qui devait partir le lendemain, adressait la parole aux frères et il avait prolongé l’entretien jusque vers minuit. »

Ce n’est qu’avec le livre de l’Apocalypse qu’apparaîtra la première mention de l’expression « jour du Seigneur » qui remplacera « le premier jour » : « Je tombai en extase, le jour du Seigneur, et j’entendis une voix » (Ap. 1,10).

Cette expression sera traduite en latin par dominicus dies, et deviendra par la suite dominica, i.e. dimanche. (Premier jour, 8e jour, Jour du Seigneur, Dimanche)

Premiers siècles de l’Église

Déjà, au début du IIe siècle, il y a un passage de plus en plus marqué entre la célébration de l’eucharistie le jour du sabbat et sa célébration le dimanche. Les conflits, les persécutions mêmes à l’endroit des chrétiens, entraîneront progressivement l’abandon du sabbat pour le dimanche.

Ignace d’Antioche (vers 102) dira de l’observance du dimanche qu’elle est le signe parfait du chrétien :

« Ceux qui vivaient selon l’ancien ordre des choses sont venus à la nouvelle espérance, n’observant plus le sabbat, mais le dimanche, jour où notre vie s’est levée par le Christ et par sa mort ».

Il est important de savoir que le jour du Seigneur fait avant tout référence au Christ, au Seigneur ressuscité et non au Dieu Créateur. Le dimanche est devenu le jour du Christ car il est le jour de sa résurrection. Comme le dimanche est le premier jour de la création dans l’Ancienne Alliance, il devient en Jésus-Christ, le premier jour de la re-création. En ce sens, « dimanche et Eucharistie vont ensemble depuis l’origine; le jour de la Résurrection est l’espace intérieur de l’Eucharistie » ( Ratzinger. La célébration de la foi, p. 45). Le dimanche devient donc pour nous chrétiens la célébration hebdomadaire de la Pâque du Christ. Nous célébrons :

1- la résurrection du Christ d’entre les morts,
2- sa manifestation dans l’assemblée des siens (disciples d’Emmaüs, Lc 24),
3- le repas messianique pris par le Ressuscité avec ses disciples (Lc 24, 41-43),
4- le don de l’Esprit Saint et
5- l’envoi missionnaire de l’Église (Jn 20,21-23).

« Voilà la Pâque chrétienne dans sa plénitude. Tel est l’événement central de l’histoire du salut, qui a marqué pour toujours le premier jour de la semaine. Tout le mystère que célébrera le dimanche est déjà présent au jour de Pâques; le dimanche ne sera rien d’autre que la célébration hebdomadaire du mystère pascal » auquel nous communions en nous partageant le Corps et le Sang du Christ. » (Jounel, dans Martimort, p.24).

C’est aussi à cause de l’orientation nettement christocentrique de ce nouveau sabbat que l’Église en viendra à se détacher du sabbat juif. Car Jésus vient accomplir le sabbat en sa personne. C’est lui qui réalise la promesse du repos sabbatique: « Venez à moi, vous tous qui êtes fatigués et chargés, et je vous donnerai le repos » (Mt 11,28). C’est lui le maître du sabbat (Mt 2,28). Il introduit même un ordre nouveau: « Le sabbat est fait pour l’homme et non pas l’homme pour le sabbat ». Le sabbat chrétien en devient un orienté vers le culte rendu à Dieu (la prière) et l’annonce de la Bonne Nouvelle. Les prescriptions légalistes n’ont plus leur place.

Conclusion

Le dimanche « n’est donc pas une christianisation du repos hebdomadaire. Il est le jour du Christ constitué Seigneur en sa résurrection (Rm 1,4) » (Jounel). Ce qui prime c’est de vivre en ressuscité en consacrant cette journée à la fête et au service mutuel, dans un contexte de repos qui honore le jour du Seigneur. Ce qui doit donc primer sur le souci social du repos hebdomadaire c’est « le souci pascal de la joie hebdomadaire ». Le jour du Seigneur devient le signe de l’attente joyeuse et active du Royaume de Dieu; et par sa célébration l’Église atteste « la présence déjà réelle du monde qui vient ».

N’est-ce pas là le mystère exprimé par l’anamnèse de nos eucharisties, quand le prêtre proclame : « Il grand le mystère de la foi! » Et l’assemblée répond :

« Nous proclamons ta mort Seigneur Jésus,
Nous célébrons ta résurrection,
nous attendons ta venue dans la gloire. »

« Sans le dimanche, nous ne pouvons pas vivre »

Dernière Cène

Dernière Cène

Bien des catholiques ont abandonné la messe du dimanche, ne voyant plus l’importance de ce rassemblement, ou ne comprenant plus le mystère qui s’y joue. Il va de soi que notre société offre tellement de divertissements de qualité que notre pauvre curé vieillissant a bien de la difficulté à supporter toute comparaison, comme s’il était le centre de cette rencontre.

Bien des paroisses sont en panne de créativité et de dynamisme dans leurs célébrations, j’en conviens. Il faudrait aussi repenser ce que doit être la responsabilité et la place des laïcs dans ces célébrations, mais il est important tout d’abord de se rappeler le sens premier de nos dimanches. (Pour approfondir cette réflexion je vous invite à lire la lettre de Mgr Jean-Louis Brugès, évêque d’Angers, intitulée « Le dimanche, jour des chrétiens ».)

En juin 2005, se tenait le Congrès eucharistique de Bari en Italie, qui avait pour thème : « Sans le dimanche nous ne pouvons pas vivre ». Ce slogan est une reprise des paroles des 49 martyrs d’Abitène. Leur martyre eut lieu sous l’empereur Dioclétien (304 après J.C) dans une ville de l’actuelle Tunisie : surpris lors d’une réunion le Jour du Seigneur, désobéissant ainsi aux dispositions impériales, ces chrétiens allèrent courageusement à la mort en déclarant qu’ils ne pouvaient vivre sans célébrer le Jour du Seigneur.

Depuis les tout débuts de l’Église, le dimanche joue un rôle de première importance pour les chrétiens et il faut donc en tenir compte lorsque nous voulons mieux comprendre le sens de l’eucharistie pour nous. Car le lieu par excellence où se constitue l’Église, où se construit sa fraternité, et où l’Église renouvelle ses forces est sans contredit l’eucharistie dominicale. L’affirmation d’un saint Ignace d’Antioche, évêque et martyr au tout début du IIe siècle de l’Église, demeure toujours actuelle. Il disait : « Le Dimanche est le jour où notre vie se lève par le Christ »!

Mais d’où vient ce lien entre le dimanche et l’eucharistie dominicale? Il est vrai que dans la Tradition de l’Église, l’eucharistie s’est peu à peu développée au point d’être célébrée tous les jours de la semaine. Mais cela a quand même pris plus de 400 ans, car son cadre premier et naturel a toujours été le dimanche. Ce lien entre l’eucharistie et le dimanche est apparent au tout début de l’Église. Écoutons ce que nous dit le Concile Vatican II à ce sujet :

L’Église célèbre le mystère pascal, en vertu d’une tradition apostolique qui remonte au jour même de la résurrection du Christ, chaque huitième jour, qui est nommé à bon droit le jour du Seigneur, ou dimanche. Ce jour-là, en effet, les fidèles doivent se rassembler pour que, entendant la parole de Dieu et participant à l’eucharistie, ils se souviennent de la passion, de la résurrection et de la gloire du Seigneur Jésus, et rendent grâces à Dieu qui les « a régénérés pour une vivante espérance par la résurrection de Jésus-Christ d’entre les morts » (1 P 1,3). Aussi le jour dominical est-il le jour de fête primordial qu’il faut proposer et inculquer à la piété des fidèles, de sorte qu’il devienne aussi jour de joie et de cessation de travail… (VSC 106).

Comme nous le rappelle ce texte du Concile Vatican II, avec les premières communautés chrétiennes c’est le Jour du Seigneur ou le Huitième jour, comme on l’appellera aussi dans les premiers temps de l’Église, qui fait son apparition.

Rappelons-nous que c’est au matin du « premier jour de la semaine » (Mt 28,1; Mc 16,9; Lc 24,1; Jn 20,1) que le Seigneur Jésus est ressuscité et qu’il s’est manifesté aux siens. Après être apparu aux saintes femmes, puis à Pierre, il se manifesta « ce même jour » aux deux disciples d’Emmaüs, qui « le reconnurent à la fraction du pain » (Lc 24,35) et il leur dit: « Comme le Père m’a envoyé, moi aussi je vous envoie ». Ayant dit cela, il souffla sur eux et leur dit: « Recevez l’Esprit Saint. A qui vous remettrez les péchés, ils seront remis » (Jn 20,21-23).

Sept jours plus tard, soit le dimanche, Jésus apparaît à nouveau au milieu des apôtres (Jn 20,26-27). C’est alors que Thomas est invité à mettre la main dans ses plaies et à devenir un homme de foi, un croyant.

Ce qu’il faut retenir de ce qui précède, c’est le lien intime qui relie le dimanche et le mystère de Pâques, i.e. tous ces événements qui entourent la résurrection de Jésus et qui se déroulent soit le jour même de sa résurrection, i.e. le dimanche, ou sept jours plus tard, le huitième jour, comme l’a appelé la tradition chrétienne. C’est pourquoi depuis la résurrection chaque dimanche pour l’Église est un jour de Pâques.

(Cette réflexion sera poursuivie dans les semaines qui viennent. En attendant, bonnes vacances et bon été!)