Osez espérer!

Cette après-midi, à quelques rues de chez moi, j’ai vu une église qui semblait mi-enfouie sous la neige. Il faut dire que coup sur coup nous venons d’avoir deux tempêtes de neige qui nous ont laissé près de 90 centimètres de belle neige blanche. Donc cette église, avec de la neige jusqu’à la mi-hauteur de ses portes, dévoilait surtout son abandon. Nulle trace de pas autour d’elle ou devant ses portes. Sur un mur une affiche discrète avec les mots « À vendre ».

Imperceptiblement, la vie se fraie un chemin au coeur du long hiver que connaît l’église d’ici. Il nous faut retenir la leçon des saisons et de l’histoire afin de mieux enraciner notre espérance. L’hiver est trompeur.

Il y a plusieurs années, une communauté chrétienne à laquelle j’appartenais, avait accueilli deux familles de réfugiés cambodgiens. J’étais allé chercher l’une de ces familles en plein mois de janvier, les ramenant de leur « hotel-refuge » de Montréal à ma petite vallée des Laurentides. Pour la première fois, ils voyaient nos vastes forêts et je lisais une pointe d’inquiétude dans leurs yeux. Le père, devant le regard insistant de sa femme, osa enfin me questionner. Il me demanda ce qui avait bien pu arriver aux arbres pour qu’ils soient tous morts, dénudés de leurs feuilles . Je lui expliquai alors que nos arbres perdaient tous leurs feuilles en automne pour s’endormir dans un profond sommeil. Mais le printemps venu, je l’assurai qu’ils retrouveraient leur vitalité et leurs feuilles. Cette explication sembla le satisfaire et nous poursuivîmes notre route jusqu’à l’Annonciation.

Après les affres de la guerre au Cambodge, une nouvelle vie commençait pour cette famille. Les mois passèrent, et l’été venu mes nouveaux amis m’avouèrent, mi-amusés, mi-confus, qu’ils n’avaient pas vraiment cru mon explication au sujet des arbres. Ce n’est qu’en expérimentant eux même cette réalité complexe, et combien mystérieuse de nos saisons, qu’ils purent comprendre à leur tour ce que signifie cette attente du renouveau au coeur de la vie. A chaque année maintenant ils entendent eux aussi cet appel des saisons qui leur dit: Osez espérer ! C’est l’appel que nous lance le Christ au moment d’entrer dans une nouvelle année, l’Année du Seigneur 2006.

Les souhaits

Dans le temps des fêtes on se livrent tous à l’échange de souhaits, les souhaits traditionnels, les souhaits incantatoires qui ne changeront rien à l’année qui vient mais qui font partie de la tradition. Une tradition qui a souvent oublié ses racines et où les souhaits devraient se faire prière l’un pour l’autre.

On demanda un jour à Jean Cocteau ce qu’il apporterait de plus précieux de sa maison si jamais un incendie s’y déclarait. Il répondit : « j’en emporterais le feu! ». Et si l’on se souhaitait le feu sacré pour la nouvelle année!

Une image vaut mille mots

En attendant Noël…

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Les témoins de la Shoah

Désolé pour mes lecteurs et mes lectrices de poursuivre sur le thème de la souffrance et de la mort à la veille de Noël, mais un blogue a sa vie propre… J’ai toujours été fasciné par le témoignage des hommes et des femmes qui ont connu le drame de la Shoah et qui en ont témoigné au plan de leur vie spirituelle. Chez des figures lumineuses telles que Édith Stein, Anne Frank et Etty Hillesum s’exprime la vision d’un Dieu qui devrait nous interpeller sur le sens de l’épreuve dans nos vies.

Chez ces personnes l’on retrouve la conception d’un Dieu qui ne sauve pas de l’horreur, mais qui sauve dans l’horreur. Ce rapport à Dieu devrait nous éclairer quant à ce que nous attendons de Dieu dans notre vie. Etty Hillesum va jusqu’à affirmer ce qui suit dans son journal intitulé en français : « Une vie bouleversée » :

12 juillet 1942 : Prière du dimanche matin. Ce sont des temps d’effroi, mon Dieu. Cette nuit pour la première fois, je suis resté éveillée dans le noir, les yeux brûlants, des images de souffrance humaine défilant sans arrêt devant moi. Je vais te promettre une chose mon, Dieu, oh, une broutille: je me garderai de suspendre au jour présent, comme autant de poids, les angoisses que m’inspire l’avenir; mais cela demande un certain entraînement. Pour l’instant, à chaque jour suffit sa peine. Je vais t’aider, mon Dieu, à ne pas t’éteindre en moi, mais je ne puis rien garantir d’avance. Une chose cependant m’apparaît de plus en plus claire: ce n’est pas toi qui peut nous aider, mais nous qui pouvons t’aider – et ce faisant nous nous aidons nous-mêmes. C’est tout ce qu’il nous est possible de sauver en cette époque et c’est aussi la seule chose qui compte: un peu de toi en nous, mon Dieu. Peut-être pourrons-nous aussi contribuer à te mettre au jour dans les coeurs martyrisés des autres. Oui, mon Dieu, tu sembles assez peu capable de modifier une situation finalement indissociable de cette vie. Je ne t’en demande pas compte, c’est à toi au contraire de nous appeler à rendre des comptes, un jour. Il m’apparaît de plus en plus clairement à chaque pulsation de mon coeur que tu ne peux pas nous aider, mais que c’est à nous de t’aider et de défendre jusqu’au bout la demeure qui t’abrite en nous.

Au moment où elle écrit ces lignes Etty n’a que 28 ans. Elle mourra assassinée au camp d’Auschwitz le 30 novembre 1943.

Conduis-moi, douce lumière

Conduis-moi, douce lumière,
A travers les ténèbres qui m’encerclent.
Conduis-moi, toi, toujours plus avant!

Garde mes pas: je ne demande pas à voir déjà
Ce qu’on doit voir là-bas : un seul pas à la fois
C’est bien assez pour moi.

Je n’ai pas toujours été ainsi
Et je n’ai pas toujours prié
Pour que tu me conduises, toi, toujours plus avant.

J’aimais choisir et voir mon sentier;
mais maintenant :
Conduis-moi, toi, toujours plus avant!

Si longuement ta puissance m’a béni!
Sûrement elle saura encore
Me conduire toujours plus avant.

Par la lande et le marécage,
Sur le rocher abrupt et le flot du torrent
Jusqu’à ce que la nuit s’en soit allée…

Conduis-moi, douce lumière,
Conduis-moi, toujours plus avant !

John Henri Newman

Entendu

Lors d’une entrevue avec le peintre Arcabas, ce dernier a cité le célèbre écrivain Paul Claudel, et cette citation m’habite en ce dimanche matin : « La création toute entière, du séraphin au minéral, est homogène et reliée dans toutes ses parties par la charité. »

Quelle belle méditation à quelques heures de mon départ pour Montréal où ce sera le moment de rencontrer tous ceux et celles qui ont reçu comme un coup de massue la mort de Stéphane. Il faut dire qu’il faisait partie d’un grand réseau de chrétiens et de chrétiennes, des 35-40ans, tous de grands amis, et qu’il est le premier de leur génération à nous quitter pour la maison du Père. Il y a le choc et la tristesse devant la perte d’un si grand ami, mais il y a aussi le rappel de notre fragilité et du pourquoi de notre espérance. Comme la plupart d’entre eux Stéphane était marié et avait deux jeunes garçons de cinq et sept ans.

Comme m’écrivait l’ami René de la Suisse, lui qui est lui-même papa de quatre jeunes enfants : « C’est une nouvelle qui nous met tous à l’épreuve dans nos sentiments et dans notre foi… Il est clair que nous sommes dépassés par cette épreuve, mais la foi nous garde en communion et, derrière le mystère de cette disparition, se cachent tous les mystères des fruits de l’épreuve. »

Et parmi ces fruits je dirais qu’il y a cette charité bien tangible, omniprésente, qui s’exprime à travers la peine et la déchirure de tous ceux et celles qui ont connu Stéphane. Cette charité palpable dans les mots, les gestes et les larmes, est une charité qui nous appelle aux confins de la création, dans cette extase de l’amour qui un jour aura le dernier mot, et qui déjà prend forme et s’exprime dans la communion des saints.

L’ami Stéphane n’est plus

L’ami pour qui je priais, pour qui tant d’amis-ies et de proches ont prié, n’est plus. Il s’est éteint hier soir à l’hôpital du Sacré-Coeur de Montréal à 16h45. J’ai pu le voir sur son lit de mort. Calme et serein enfin. Soulagé de cette douleur insoutenable qui le tenaillait depuis quelques semaines. Désormais il est entré dans l’éternité de Dieu. C’est maintenant l’Heure du grand Amour, la réponse définitive à cette foi au Dieu de Jésus-Christ à laquelle il a toujours été d’une fidélité inébranlabe. Il ne me reste plus qu’à te souhaiter « Adieu Stéphane ». Ma prière t’accompagne.

Lettre de Bolivie

Dominique, une jeune catholique de 29 ans, originaire de Montréal, s’est envolée vers la Bolivie dans le cadre d’un projet missionnaire laïc sous la responsabilité des Missionnaires de l’Immaculée Conception (M.I.C.). C’est un engagement de deux années. Dominique illustre bien cette nouvelle jeunesse de l’église qui n’a pa froid aux yeux et qui ne recule pas devant l’engagement et le service des autres. À sa manière Dominique évoque pour moi la figure d’une Madeleine Delbrêl. Déjà elle est confrontée à la question de la pauvreté qui l’entoure et elle partage la réflexion suivante avec ses amis:

« Ce qui est aussi très confrontant pour moi est de m’apercevoir que je mange trois bons repas par jour, que je vis dans une maison comfortable avec toutes les commodités pendant que des personnes à quelques 100 mètres de la maison doivent mendier pour survivre et faire vivre leur famille. Cette confrontation quotidienne est difficile à vivre parfois, car je sais bien que la misère est une situation qu’il faut éradiquer et non pas épouser, mais le contraste entre ma vie et la leur est parfois tellement flagrant que la culpabilité me gagne.

Il est clair que durant mes deux ans ici, j’aurai tout un processus de croissance à vivre par rapport à cette réalité. Comment passer de la culpabilité à la compassion? De l’impuissance à la conscientisation et à l’action? Je suis venue ici pour connaître un autre peuple et vivre en solidarité avec lui. Mais jusqu’où suis-je prête à aller dans cette solidarité? Voilà quelques questions qui m’habitent ces jours-ci…

Je passerai ce temps de Noël dans différents villages reculés de la région du Chaparé à 5 heures au nord de Cochabamba. Nous sommes quelques laïques et religieuses M.I.C à aller animer des catéchèses et des célébrations de la parole pour des communautés chrétiennes plutôt isolées. »

Chère Dominique ma prière t’accompagne.Fin de l'article

P.S. Pour aider Dominique vous pouvez faire parvenir votre don au nom de :
Procure des missions M.I.C.
Projet laïcat missionnaire : Bolivie
121, ave Maplewood
Outremont, Qc. H2V 2M2
Canada

Des témoins parmis nous

Imperceptiblement l’on est passé, il y a quelques semaines, des décorations de l’halloween à celles de Noël. Pour plusieurs, ce n’est qu’un changement d’ambiance qui n’a rien avoir avec l’enfant de la crèche, et encore moins avec une profession de foi. Nos contemporains ont besoin d’enchanter leur quotidien, de se laisser éblouir. Bien sûr, il y a un certain sentimentalisme qui reste attaché à cette fête de Noël, un sens du don dont on a perdu l’origine, mais qui se traduit par cet appel à la générosité et au partage dont on entend l’écho tout au long de ces semaines qui précèdent Noël. Quoi qu’on en dise, ce sont là des traces d’évangile qui ont marqué notre culture et qu’il fait bon voir, même si le sens de la fête semble relégué aux oubliettes pour bien des gens.

Entre temps, je reviens d’un week-end où j’ai rencontré des chrétiens et des chrétiennes à pied d’oeuvre au coeur de leurs engagements et de leur foi. Voilà qui me réchauffe le coeur à l’approche de Noël et qui lui redonne son vrai sens.

Il y a cet ami malade Stéphane, atteint d’un cancer, qui tenant ferme dans la prière, est entouré d’amis et de sa famille, porté par leurs prières et leur dévouement. Il y a ces trois amies, Anick, Céline et Christine, que j’ai croisées samedi, et qui, en compagnie de leurs enfants, emballaient les centaines de cadeaux à distribuer lors de la fête de l’Association Cigogne qui se consacre aux étudiantes enceintes ou avec nourrissons, sur le campus de l’Université de Montréal. Les enfants de mes trois amies sont à la bonne école.

Samedi soir, il y a eu ce souper de Noël des membres de l’Association Le Tandem, où j’ai rencontré cette femme médecin, âgée de trente cinq ans environ, et qui a adopté trois enfants handicapés au nom de sa foi. Il y a Luc, 42 ans, qui est veuf et qui m’a parlé du choix que lui et son épouse avaient fait de choisir de se marier même si le cancer de sa femme était connu avant le mariage. Une belle histoire d’amour dont est issue un beau garçon. Il y a Mona qui se dévoue bénévolement pour cette association et dont la générosité m’épate sans cesse.

Et ce soir dimanche, c’est Mario et Céline que j’ai revu lors de la rencontre de notre fraternité dominicaine, et qui consacrent tous leurs loisirs à s’occuper de l’accompagnement de personnes éprouvant des difficultés d’ordre affectif et qui voient cette mission comme faisant partie de leur engagement comme laïcs dominicains. Bref, un week-end qui me remplit d’espérance et qui me fait toucher du doigt à la vrai joie de Noël.

Violence et religions

La lettre d’un prêtre qui s’en va en mission dans un pays du Moyen-Orient m’habite ce matin. Ce dernier dit avoir peur des islamistes. Il me demande de prier pour lui. Je repense ici à Mgr Pierre Claverie, o.p., évêque d’Alger, assassiné en 1996, qui parlait de la prière chrétienne comme d’un dialogue (voir le texte). Le dialogue n’est certainement pas facile quand on craint pour sa vie. C’est là le défi de vivre en disciple du Christ.

Les craintes de ce prêtre ne sont certainement pas sans fondement. La situation des chrétiens et des chrétiennes en pays musulmans est souvent déplorable. Pourtant ils y vivent avec beaucoup de courage et font preuve d’une foi qui est parfois de la trempe des saints.

Au noviciat des dominicains à Mossoul en Iraq, le maître des novices me décrivait la situation là-bas, en avril 2005, en me disant que c’était un peu plus calme maintenant. Il n’était plus nécessaire de garder les armes à portée de mains dans le couvent… Bien sûr quelques roquettes sont tombées à proximité de l’église lors de la Vigile pascale, mais la célébration a pu se dérouler sans autres incidents!

Quelle caricature de Dieu peut bien alimenter les rêves et les fantasmes des violents, toutes religions confondues? Jésus nous dit : « Je suis parmi vous comme celui qui sert. »

Fête de l’Immaculée Conception

« Aie honte, mon âme, en voyant que Dieu s’est apparenté à toi en Marie. Aujourd’hui t’est montré que, bien que tu sois faite sans toi, tu ne seras pas sauvée sans toi, d’où, comme il est dit, aujourd’hui Dieu frappe à la porte de Marie et attend qu’elle lui ouvre » Catherine de Sienne,

« Chaque âme fidèle aussi est épouse du Verbe de Dieu, mère, fille et soeur du Christ. Chaque âme fidèle doit être dite vierge et féconde. La même chose est donc dite universellement pour l’Église, spécialement pour Marie, singulièrement pour l’âme fidèle… » Isaac de l’Étoile.

« Seigneur, ton ami est malade. »

Un ami très cher est atteint d’un cancer. J’ai peur pour lui. J’ai déjà travaillé en milieu hospitalier, j’ai vu des gens mourir et chaque fois que cette menace de la mort se présentait je demandais la guérison dans ma prière, le miracle. Mais le miracle n’était pas souvent au rendez-vous.

« Tout ce que vous demanderez en mon nom… », dit Jésus. Et pourtant toutes ces prières, comme des bouteilles jetées à la mer, qui semblent rester sans réponse. Mais n’a-t-il pas suffit que Marie, la sœur de Lazare, dise à Jésus: « Seigneur, ton ami est malade », pour qu’il vienne le guérir?

En priant pour cet ami, j’ai compris quelque chose de nouveau à la prière. Alors que ma prière se faisait insistante pour que le Seigneur guérisse mon ami, j’ai compris que ma prière avait aussi comme fonction de soutenir cet ami, de veiller avec lui. Comme si Dieu me demandait de le laisser habiter ma prière afin qu’à travers moi Il soutienne mon ami qui souffre. Une invitation à veiller avec l’ami malade dans la prière.

C’est comme si un nouvel éclairage sur la prière m’avait été donné. Il ne suffit pas de dire « Seigneur, Seigneur ». Il faut aussi veiller avec lui à Gethsémani, le Gethsémani de toutes les souffrances humaines. N’est-ce pas là la vocation bien particulière des monastères à travers le monde?

C’est là quelque chose qui demande bien plus de temps que la simple demande de guérison au Seigneur, dans une formule rapide et toute faite. C’est plus engageant aussi, plus fatiguant, plus couteux. La preuve en est que je n’ai pas mis le temps que j’aurais voulu jusqu’à maintenant. Écouter un ami qui souffre prend du temps. Prier pour lui aussi. Peut-être est-ce là le vrai sens de la prière d’intercession?…

Je vous confie cet ami. Je sais que son drame n’est qu’une gouttelette sur cet océan de misères humaines. Pourquoi lui plus qu’un autre? Pourquoi pas! Il faut bien commencer quelque part, là où la misère humaine nous frappe de plein fouet. Je pense qu’on entre alors dans le combat de Dieu.