Marie, celle qui écoute

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« L’être qui écoute, absolument parlant, est la vierge qui devient enceinte du Verbe et l’engendre comme son fils et comme le Fils du Père. Elle-même, aussi comme mère, reste servante; le Père seul est le Maître, avec le Fils qui est la vie de Marie et modèle de cette vie. Marie est fonction du fruit de son sein.Même après l’avoir engendré, elle le porte en elle; elle n’a qu’à regarder dans son coeur qui est plein de lui, pour le trouver. Mais elle ne néglige pas de regarder constamment l’enfant qui grandit à côté d’elle, le jeune homme, l’homme, dont les sentiments et les actes lui apparaissent sans cesse imprévus et surprenants, au point que, de plus en plus, elle « ne comprend pas » ce qu’il a dans l’esprit, lorsqu’il la laisse dans le Temple sans l’avertir, ou ne la reçoit pas quand elle vient lui rendre visite, ou cache sa puissance dans sa vie publique et sacrifie sa vie, et lorsque finalement il lui échappe encore au pied de la croix, en lui donnant un fils étranger, Jean, à sa place. Elle écoute, de toutes les forces de son corps, le Verbe qui retentit d’une manière toujours plus forte, toujours plus divine et apparemment toujours plus étrangère, le Verbe dont les dimensions la déchirent presque, et auquel elle a pourtant d’avance et radicalement donné son oui pour tout.

Elle se laisse conduire « où elle ne veut pas », tant la Parole qu’elle suit est peu sa propre sagesse. Mais elle est d’accord avec cette conduite, tant la Parole qu’elle aime est « ensemencée » dans son coeur. (Jc. 1, 21). » p.20

Source : Balthasar, Urs von. La prière contemplative. Fayard, 1972.

Qu’est-ce que l’année liturgique?

Déjà se profile à l’horizon la fin de l’année liturgique avec la fête du Christ-Roi. La fête du Christ-Roi est assez récente puisqu’elle fut instituée par Pie XI à l’occasion de l’année sainte en 1925. Une fête qui a donc moins de cent ans. Mais la question de la royauté du Christ remonte à l’époque même de Jésus. Rappelez-vous quand Jésus devait se cacher parce que la foule voulait s’emparer de lui et le proclamer roi. Ou encore lorsque Pilate lui-même posait la question à Jésus : « Es-tu le roi des Juifs? » Jésus lui répondit que sa royauté ne venait pas de ce monde.Étrangement, l’année liturgique ne correspond pas à l’année civile. L’année liturgique commence quatre dimanches avant Noël et dure douze mois. Pendant cette période, l’Église dans sa liturgie dominicale, nous fait cheminer à travers les grandes étapes du salut, révélées en la personne de Jésus-Christ. L’année liturgique est bâtie autour de notre foi au Christ et son but est de nous aider à approfondir de dimanche en dimanche, l’extraordinaire mystère de l’incarnation du Fils de Dieu.

L’année liturgique commence donc avec l’Avent qui nous prépare à la fête de la Noël. De là, on chemine vers la fête des Rois et l’Épiphanie. Quelques semaines plus tard, vient le Carême, qui nous prépare à la fête centrale de notre foi, la fête de Pâques. Cette fête est suivie d’une période de cinquante jours, que l’on appelle le temps pascal, et qui nous mène à l’Ascension et qui culmine avec la fête de la Pentecôte. Entre ces périodes fastes de la liturgie se vit le temps de l’Église, le temps que l’on appelle ordinaire, qui reprend après la Pentecôte, du printemps jusqu’à l’automne, et qui nous conduit jusqu’à la fête du Christ-Roi, qui est le dernier dimanche de l’année liturgique. À chaque année, ce cycle liturgique recommence et pourtant on ne finit jamais d’en découvrir la nouveauté, car notre vie évolue et nous-mêmes nous changeons. Nous sommes donc invités sans cesse, en tant que chrétiens et chrétiennes, à revivre le parcours de notre foi à travers ses mystères et la vie de Jésus-Christ. Voilà ce qu’il nous est donné de contempler tout au long de l’année liturgique.

La rencontre de l’autre

« Si l’univers a une source divine, aussi bien comment n’aurait-il pas une fin divine? Comment chaque chose ne serait-elle pas revêtue de la splendeur du dessein qui se poursuit en lui (en l’univers), emportée par l’élan infini qui le soulève vers Dieu?

Quel ostensoir nous deviendrait chaque être, en vérité, si nous allions à la rencontre, en lui, de cette pensée divine qui est son identité véritable, si nous l’abordions avec le désir de dégager en lui cette part d’Infini qui doit rayonner par lui.

Toute rencontre devient une prière, tout regard fait sourdre l’oraison, toute la vie est religion. Je ne sais rien de plus simple ni de plus profond que cette contemplation qui, du matin au soir, découvre une présence divine au coeur des choses. Je ne connais pas de musique plus merveilleuse que ce chant qui jaillit des âmes dès que l’on s’agenouille devant leur mystère. »

Zundel, Maurice, L’Évangile intérieur. Éditions Saint-Augustin, 1998, p. 98.

Une Église pour le monde

Si Jésus revenait aujourd’hui, il ne serait pas étonnant de l’entendre proclamer sur une place publique ou dans une église, que l’homme n’est pas fait pour l’Église, mais que l’Église est faite pour l’homme. Mon propos ne se veut pas impertinent, n’ayez crainte; j’aime trop l’Église. Mais celui qui s’est fait le Serviteur des serviteurs rappellerait sans doute à ses disciples que l’Église qu’ils forment, et qui est son Corps, existe uniquement pour servir l’humanité, pour l’aider dans son travail d’enfantement à elle-même, afin de lui ouvrir la voie de l’humanisation et de la vie dans l’Esprit, afin de l’accompagner dans les chemins de la paix et de la justice, de la dignité et de la joie véritable. C’est en tenant compte de toutes ces harmoniques que le mot évangélisation des nations prend tout son sens puisqu’il conduit inévitablement à Dieu.

Dans la mouvance des nombreuses mutations que connaît l’humanité en ce début du troisième millénaire de notre ère, l’Église se doit de redécouvrir la voie du dialogue avec notre monde contemporain en s’inspirant des attitudes mêmes de Jésus. Si lui le Maître a été appelé l’ami des pécheurs et des publicains, il est faux de prétendre, comme le font certains, que les chrétiens et les chrétiennes doivent se couper du monde ou se désintéresser de ses entreprises si elles ne portent pas le sceau de la foi. La présence de l’Église à notre monde doit se manifester partout où des êtres humains sont en quête de sens. Elle doit accueillir et encourager tout effort vers la paix et la justice. Car aujourd’hui encore le Christ se fait entendre. Il est à l’oeuvre. Le Christ ressuscité est au coeur des cultures qui façonnent péniblement cette terre. Il est au coeur des entreprises humaines, où qu’elles soient, au-delà des barrières de langues, de races, de couleurs et de religions. Et c’est là qu’Il nous invite non seulement à aller porter sa Bonne Nouvelle de salut, mais aussi à la découvrir déjà à l’oeuvre au coeur du monde.

Le défi que pose l’inculturation de la foi aux chrétiens et aux chrétiennes est celui de reconnaître que tout être humain est en quête de transcendance, et que partout Dieu fait pousser des fruits qui ont goût d’Évangile. Ce sont des fruits qui croissent sûrement dans un terreau susceptible d’accueillir un jour la pleine lumière de la personne de Jésus-Christ, mais il importe avant tout de respecter l’originalité et la beauté de ce terreau, en l’aimant pour ce qu’il est et en se laissant interpeller par ses entreprises artistiques, culturelles, politiques, sociales, humanitaires et religieuses.

Les combats de l’humanité pour la justice et la vérité sont aussi nos combats. Sa quête de sens et ses aspirations spirituelles rejoignent aussi les nôtres. L’Église doit donc se mettre activement à l’écoute des diverses cultures, non seulement dans le but d’annoncer la Bonne Nouvelle de Jésus-Christ, mais afin de mieux entendre cette Bonne Nouvelle enfouie au coeur du monde. Bonne Nouvelle qui laboure notre terre et qui fait du peuple des baptisés, l’Église de Dieu pour le monde.

Bernanos à propos de l’Église

« Je ne la souhaite pas parfaite, elle est vivante. Pareille aux plus humbles, aux plus dénués de ses fils, elle va clopin-clopant de ce monde à l’autre monde; elle commet des fautes, elle les expie et qui veut bien un moment détourner les yeux de ses pompes l’entend prier et sangloter avec nous dans les ténèbres. »

(Bernanos, Les grands cimetières sous la lune.)

La communion des saints selon Bernanos

« La communion des saints… lequel d’entre nous est sûr de lui appartenir? Et s’il a ce bonheur, quel rôle y joue-t-il? Quels sont les riches et les pauvres de cette étonnante communauté? Ceux qui donnent et ceux qui reçoivent? Que de surprises! […] Oh! rien ne paraît mieux réglé, plus strictement ordonné, hiérarchisé, équilibré que la vie extérieure de l’Église. Mais sa vie intérieure déborde des prodiges de libertés, on voudrait presque dire extravagants, de l’Esprit – l’Esprit qui souffle où il veut. »

(Georges Bernanos, Les prédestinés, Paris, Seuil, 1983, p. 99.)