Homélie pour la fête de saint Thomas d’Aquin

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« J’ai prié et l’intelligence m’a été donnée. J’ai supplié et l’esprit de la sagesse est venue en moi ». Cet extrait du livre de la Sagesse (Sg 7, 7) nous situe sans doute au cœur même de la vie de frère Thomas d’Aquin. Lui qui a si bien parlé du mystère de la foi tout au long de sa vie et qui pourtant, au terme de son parcours sur terre, considère ses enseignements comme de la paille. Frère Thomas se voit alors comme le plus humble des frères et il ne peut que se taire devant le mystère qu’il a tellement cherché à comprendre.

Frère Thomas était un mystique, qui donnait toute sa valeur à cette affirmation d’un Père de l’Église qui affirmait que « le théologien est quelqu’un qui prie, et celui qui prie est un théologien ». Avant d’être un théologien, frère Thomas était un simple croyant, un priant, un amant de Dieu. D’ailleurs, l’on n’est pas étonnés de voir des femmes comme Catherine de Sienne ou Thérèse de Lisieux, des femmes sans beaucoup d’instruction,  porter le même titre que ce grand intellectuel, soit celui de docteur de l’Église. Dieu se donne à tous ceux et celles qui le cherchent et il nous rend capables de le trouver.

Thomas l’affirmait : la grâce agit en nous comme une (sur) nature, comme un mouvement intérieur qui nous soutien et nous fait rechercher le bien, le vrai, l’amour, qui nous fait trouver Dieu! Cette grâce est un dynamisme qui nous rend capables d’une véritable communion avec Dieu et qui est offerte à tous, sans distinction, ou s’il fallait en faire une, il faudrait dire qu’elle est offerte aux plus petits et aux plus humbles.

Cette grâce n’est pas une question d’intelligence. Elle est avant tout affaire de volonté. Notre volonté de nous attacher à Dieu afin de mieux le connaître et ainsi mieux l’aimer. C’est cette attitude de désir qui permet à Dieu d’agir en nous et de faire de nous, des docteurs de l’Église, des saints et des saintes, de ces «priants théologiens », de ces croyants bien ordinaires, qui cheminent avec leurs doutes et leurs luttes, et dont Dieu se fait tout proche.

« J’ai prié et l’intelligence m’a été donnée. J’ai supplié et l’esprit de la sagesse est venu en moi ».  Saint Thomas, le premier, était conscient que la contemplation à laquelle il se livrait, par le biais du travail intellectuel et de la prière, avait comme principe de connaissance, l’amour de Dieu. D’ailleurs, il l’affirmait dans l’un de ses sermons : « Manifestement, tous ne peuvent passer leur temps en de laborieuses études. Aussi le Christ nous a donné une loi que sa brièveté rend accessible à tous et qu’ainsi, nul n’a le droit d’ignorer : c’est la loi de l’amour divin ». C’est de cette loi dont ont vécu les grands docteurs de l’Église, et qui est la source même de toute vie spirituelle.

L’Église nous propose comme modèle un personnage qui est très important pour l’Ordre des Prêcheurs et pour l’Église. Et bien sûr, nous sommes fiers de son génie et de son œuvre. En invoquant Thomas d’Aquin, on ne peut oublier à quel point la recherche de Dieu et de la vérité demande un travail acharné, où, sans cesse, l’intelligence doit se mettre au service de la foi. Mais l’on n’aurait rien saisi du mystère de ce docteur de l’Église, et lui même nous le reprocherait, si l’on ne voyait pas tout d’abord en lui l’homme de foi, l’humble frère qui, un jour, attacha ses pas à ceux du Christ et consacra toute sa vie à la recherche de la vérité. 

4 Réponses

  1. bonjour moine ruminant
    Très intéressé par ce que vous dites de Thomas d’Aquin, le chercheur de Dieu. Mais pourquoi in fine faites-vous de l’intelligence la servante de la foi? S’agit-il de la foi telle que la définit l’institution écclésiastique, avec ses dogmes et ses certitudes? Pourquoi l’intelligence ne pourrait-elle s’aventurer hors des sentiers battus? Pourquoi redouter ainsi la liberté du chercheur?
    « Ce que Dieu est en réalité nous demeure caché. Et la plus haute connaissance de Dieu que nous puissions atteindre… c’est de savoir qu’il est au-delà de toute pensée que l’on puisse entretenir à son sujet »
    Comment concilier cette citation magnifique avec l’attitude constante de l’Eglise, qui enferme Dieu dans ses dogmes, se privant elle-même absurdement de la possibilité d’affiner toujours son expérience du Divin et le langage pour dire cette expérience?

  2. Merci de votre commentaire et de votre intérêt pour cette question de la foi et de la raison. En christianisme, la foi est de l’ordre de l’expérience et de l’intelligible. C’est en ce sens que la foi a recourt à la raison afin de mieux se comprendre. Il ne s’agit pas ici d’une soumission servile. La preuve étant que l’Église a mis des siècles avant de définir ses dogmes, dogmes très peu nombreux faut-il le préciser. Mais la foi chrétienne n’est pas quelque chose d’évanescent ou d’insaisissable. Nous croyons que l’Absolu s’est incarné et qu’il porte un visage, celui de Jésus-Christ. C’est à partir de cet événement historique et de tout ce qui y a conduit, de même que la tradition de l’Église par la suite que cette foi a toujours cherché à mieux se comprendre. Elle est avant tout de l’ordre d’une expérience, bien sûr, mais elle n’est pas inintelligible.

    Voici un article sur la question écrit par un Assomptionniste, intitulé : « L’intelligence sert-elle à la foi? » http://www.op.org/fr/content/saint-thomas-daquin-0

    Voici aussi deux liens qui renvoient à deux articles de notre ancien maître de l’Ordre des prêcheurs, Timothy Radcliffe. L’un des articles porte sur saint Thomas d’Aquin :

    http://www.op.org/fr/content/saint-thomas-daquin-0

    et l’autre a pour titre :

    « L’imagination chrétienne : comment la foi chrétienne peut-elle toucher nos contemporains ? »

    http://www.spiritualite2000.com/Chroniques/documents.html

    J’espère que ces lectures pourront susciter un échange entre les lecteurs de ce blogue.

    Le Moine ruminant

  3. bonjour monsieur le moine ruminant…merci de votre réponse et des références que vous me donnez; j’ai lu et trouvé des points d’accord…

    A titre de réciprocité, je vous adresse un petit texte qui date de plusieurs milliers d’années, auquel je ne changerais rien, pas même le nom d’Amon, par respect pour ce croyant appelé Païri, et parce que nous cherchons tous Celui dont le Nom est au-dessus de tous les noms…

    Prière d’un aveugle à Amon

    Mon cœur désire te voir…
    Tu fais qu’on soit rassasié sans qu’on ait à manger;
    tu fais qu’on soit ivre sans qu’on ait à boire.

    Mon cœur désire te voir,
    Mon cœur est dans la joie, Amon, protecteur du pauvre !
    Tu es le père de celui qui n’a pas de mère,
    l’époux de la veuve.

    C’est chose douce de prononcer ton nom !
    Il est comme le goût de la vie,
    il est comme le goût du pain pour l’enfant,
    comme l’étoffe pour quelqu’un qui est nu…
    comme le goût du fruit à la saison des chaleurs…
    comme le souffle de la brise pour celui qui est en prison…
    Tourne-toi vers nous, Seigneur éternel !

    (Prière trouvée sur la tombe d’un certain Païri, d’abord traduite par l’égyptologue britannique A. H. Gardiner en 1928 ; le texte daterait de la fin du Nouvel Empire).

    cordialement
    Francis Untersinger

  4. Merci beaucoup pour cette très belle prière!

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