Depuis que je suis prêtre, j’ai toujours été fasciné par ces mains qui se tendent vers moi pour recevoir la communion. Elles me parlent de la personne qui les tend et me dévoilent un peu sa foi. Je suis le témoin d’un mystère de communion qui se profile devant moi.
Depuis que je suis prêtre, je ne compte plus les milliers de mains ou dizaines de milliers de mains qui se sont tendues vers cette petite hostie entre mes doigts. À chaque eucharistie défilent devant moi des mains de toutes sortes, avec leurs faims, leurs désirs et leurs secrets.
Il y a les mains pressées, ou est-ce de la timidité, des mains brusques, qui enlèvent littéralement le Corps du Christ. Des mains promptes à prendre et promptes à se retirer, emportant avec elles leur secret.
Il y les mains timides, les mains qui semblent quémander le Corps du Christ. Elles hésitent, elles sont malhabiles et se retirent un peu confuses. Mais il y aussi les mains fières et indifférentes, qui reçoivent l’hostie comme un dû, qui prennent et s’en vont, distraites, sans rien dire. Il y aussi les mains qui adorent, qui contemplent déjà en s’offrant. Ce sont des mains sereines, des mains de foi, tout ouvertes au mystère.
Et que dire de ces mains usées, tannées par le travail, mains rugueuses, parfois sales? Je revois ces mains de cultivateurs ayant passé la journée aux champs. Ce sont les plus impressionnantes. Il y a aussi les mains usées et ridées des vieux et des vieilles. Ce sont des mains fidèles et persévérantes. On voudrait les baiser. Et bien qu’elles tremblent un peu, elles respirent la confiance en Dieu et la foi têtue. Ce sont les plus belles avec les mains d’enfants, qui sont parmi mes préférées. Quand elles sont toutes petites encore elles sourient au mystère de Dieu qui se dépose dans ces petites menottes. Ce sont des mains pleines de joie et de fraîcheur lorsqu’elles communient. Elles me rendent joyeux et heureux d’être prêtre.
Mais les mains qui m’émeuvent tout particulièrement, ce sont les mains des itinérants (SDF). On en voit peu. Mais lorsqu’elles se présentent, on les remarque toute de suite. Des mains abîmées précocement, cicatrisées, sales, parce que laissées à elles-mêmes, seules, abandonnées. Elles hésitent souvent lorsqu’elles s’avancent, mais à chaque fois je me dis : « Que voilà des mains courageuses. » Elles ressemblent sans doute aux mains du Christ.
Recevoir le Corps du Christ, c’est prendre entre ses doigts ce qu’il y a de plus précieux dans la création. Pour Simone Weil, l’hostie nous place au degré le plus infime de la Création, et parce que justement ce degré est le plus bas, il est le plus capable de recevoir l’infini. Et cette main du prêtre qui tend l’hostie, c’est la main du Christ, qui dispense en toute gratuité le grand mystère de l’Amour fait chair.
Yves Bériault, o.p.
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Quel poème sur les mains qui reçoivent et les mains qui donnent le Pain de la Vie éternelle !
Vraiment, ces mains tendues sont chorégraphie, poème, elles font partie de la liturgie divino-humaine, au même titre que les autres gestes des concélébrants que nous sommes tous autour de la Table.
Nos mains ne devraient-elles pas être les actrices du poème quotidien de nos vies, en attitude liturgique, des caresses à la vaisselle, au paiement de l’épicerie, au nettoyage de nos terres ? Elles devraient toujours exprimer l’amour du Royaume de Dieu au-dedans de nous !
Depuis que j’ai lu votre billet, j’accompagne plus encore mes mains lorsqu’elles se tendent.
Et puis, si j’avais le talent d’écriture, je dirais les differentes façons qu’ont les prêtres de présenter l’hostie consacrée à nos mains ardentes. J’ai mal lorsque le prêtre « distribue » à la façon dont m’est délivré le contenu de mon assiette à la cantine ; j’en connais d’autres qui par le geste donne immédiatement à voir le sacré.
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Pouvez-vous me dire s’il vous plaît à partir de quel âge les petits baptisés sont admis à recevoir la communion chez vous les catholiques ? Je vous en remercie. Prisca
Bonjour,
Habituellement, les enfants dans la tradition catholique font ce qu’on appelle leur « première communion » vers l’âge de six ou sept ans. Par ailleurs, j’ai connu des parents qui ont demandé la communion pour leurs enfants alors qu’ils n’avaient que quatre ou cinq ans. Mais cela est plutôt exceptionnelle. Traditionnellement, l’on affirme qu’il faut avoir l’âge de raison pour communier, soit l’âge de six ans environ. Merci de votre question.
Le Moine ruminant
Bonjour
Merci de nous avoir fait partager votre Ministère. Combien de fois à titre personnel me suis je posé la question, pourquoi trop de sdf plus pauvre que pauvre ne venaient-t-ils pas communiés, cabossés par la vie, rejetés, y avait il encore trop du mur à abattre, trop de peur dans les regards rencontrés, trop de procès d’intention réels ou soupçonnés, nul n’a la réponse à part eux mêmes
Très beau texte tout en poésie et finesse!