Évangile de Jésus Christ selon saint Matthieu 28,16-20.
En ce temps-là, les onze disciples s’en allèrent en Galilée, à la montagne où Jésus leur avait ordonné de se rendre.
Quand ils le virent, ils se prosternèrent, mais certains eurent des doutes.
Jésus s’approcha d’eux et leur adressa ces paroles : « Tout pouvoir m’a été donné au ciel et sur la terre.
Allez ! De toutes les nations faites des disciples : baptisez-les au nom du Père, et du Fils, et du Saint-Esprit,
apprenez-leur à observer tout ce que je vous ai commandé. Et moi, je suis avec vous tous les jours jusqu’à la fin du monde. »
COMMENTAIRE
La promesse de Jésus à ses disciples est quand même extraordinaire : « Et moi, je suis avec vous tous les jours jusqu’à la fin du monde. » Comme nous avons besoin d’entendre ces paroles, certains jours plus que d’autres, surtout quand le malheur nous frappe. Je pense à ces chrétiens et chrétiennes coptes assassinés vendredi dernier en Égypte. Comme il est important de pouvoir entendre ces paroles du Christ dans de telles circonstances et de mettre notre foi en lui. C’est une grâce, un cadeau qui nous dépasse, je le sais que trop bien, mais qu’il nous faut sans cesse demander à Dieu afin que nous puissions être les dépositaires de cette espérance dont notre monde a tellement besoin. Dieu nous invite à regarder au-delà des drames et des horreurs qui nous frappent comme à Manchester la semaine dernière, des moments où notre foi se tient comme au-dessus d’un abîme.
La fête de l’Ascension que nous célébrons aujourd’hui est toute chargée de l’espérance de Dieu en notre faveur, alors qu’il nous invite à regarder au-delà des épreuves qui nous affligent. Il ne s’agit pas de faire comme si nous n’étions pas éprouvés ni atteints dans notre corps ou notre âme. Il s’agit tout simplement de ne pas perdre de vue combien nous avons du prix aux yeux de Dieu. C’est ce que la fête de l’Ascension vient nous dévoiler : soit le grand mystère de notre destinée humaine alors que le Christ nous précède au ciel et qu’il nous y entraîne.
Car la fête de l’Ascension forme un tout avec la résurrection du Christ et elle nous parle du sérieux de son Incarnation, du fait que le Fils de Dieu ait pris chair de la Vierge Marie, chair de notre chair. La Résurrection et son pendant qu’est l’Ascension est le couronnement de l’Incarnation : Jésus ne rejette pas son corps ; il le transfigure, il le divinise en plénitude en montant au ciel avec son corps glorifié.
Contrairement à ce que me disait un jour une amie, la fête de l’Ascension n’est pas une fête triste. Elle disait cela parce que Jésus était parti. Jésus est parti ! Elle vivait en quelque sorte la peine des disciples, et cela est tout à son honneur. Quel grand amour de Jésus exprimait-elle ainsi en avouant son désarroi devant son départ ! Mais Jésus ne nous abandonne pas. Non seulement il nous précède dans la demeure du Père, mais il nous y prépare une place.
Dans le Christ, vrai Dieu et vrai homme, notre humanité est conduite auprès de Dieu. Jésus nous ouvre le passage, il est comme le chef de cordée quand on escalade une montagne, qui est arrivé au sommet et qui nous guide à Lui en nous conduisant vers Dieu. Cette expérience des premiers disciples est tellement forte que la foi des Apôtres affirmera sans hésitation dans le Credo : « nous croyons en la résurrection de la chair ! » C’est-à-dire nous croyons à la résurrection des corps ! Car tel est le maître, tels sont les disciples, tous appelés à une même destinée avec lui.
Tout comme nous sommes passés du ventre de notre mère à la vie sur terre, un jour, nous passerons du ventre de la terre à la vie en plénitude auprès de Dieu. Par son Ascension, Jésus vient achever la longue histoire de notre salut, qui est de nous ramener vers Dieu. Il ne nous laisse pas seuls. Il nous emporte avec lui, premier-né d’une multitude de frères et de soeurs, alors qu’il monte au ciel avec son corps, réalisant ainsi cette folle espérance du vieux Job, un texte souvent repris lors des funérailles, où Job s’écrie du fond de son malheur : « Je sais, moi, que mon libérateur est vivant, et qu’à la fin il se dressera sur la poussière des morts ; avec mon corps, je me tiendrai debout, et de mes yeux de chair, je verrai Dieu. »
Le trappiste Christian de Chergé, prieur du monastère de Tibhirine en Algérie, assassiné avec six de ses frères en 1996, restera toute sa vie fasciné par le mystère de l’Incarnation. Il dira à ses frères moines dans une homélie : « Le plus extraordinaire du mystère de l’Incarnation, ce n’est pas que Dieu se soit fait homme, mais c’est que l’homme soit en Dieu, c’est qu’une humanité semblable à la nôtre, se retrouve en Dieu. […] Désormais, écrit-il, il y a de la fraternité en Dieu. C’est ainsi que nous pouvons nous appeler « petits frères » et « petites sœurs. »
Il y a de la fraternité en Dieu parce que notre frère Jésus Christ nous précède en Dieu. Et cette fraternité s’étend désormais au monde entier. C’est pourquoi la fête de l’Ascension marque aussi le début du temps de l’Église, communauté de foi des disciples du Christ, qui célèbre ce don que Dieu nous fait d’un amour infini, communauté qui est appelée à partager cette joie qui est la sienne, qui est appelée à donner le goût de Dieu au monde quand ce dernier est méconnu ou ignoré, accompagnant notre monde dans sa quête de sens et de bonheur, tout en nous faisant solidaires de ses luttes et de ses peines. Sûr de la promesse que Jésus fait à ses disciples : « Et moi, je suis avec vous tous les jours jusqu’à la fin du monde. »
fr. Yves Bériault, o.p
Dominicain. Ordre des prêcheurs
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