Homélie pour le 4e Dimanche (C)

Une question m’habite souvent lorsque j’entends les textes de la Parole de Dieu : que voulons-nous dire quand nous affirmons avoir la foi en Dieu ? Il est important de répondre à cette question, car c’est la question qui habite tous ceux et celles que notre foi questionne. Je répondrais donc, au-delà des affirmations dogmatiques, que la foi en Jésus Christ implique l’expérience d’une proximité avec Dieu que l’on pourrait qualifier d’amitié, d’intimité, d’amour avec Dieu. Il est lui le Créateur de toutes choses, le Maître de la vie, en qui nous mettons toute notre confiance. Il est notre roc, comme l’affirme le psalmiste. « Ma forteresse et mon roc, c’est toi », dit-il !

Quand on n’a pas cette expérience de Dieu, qui est bien plus qu’une connaissance intellectuelle, Dieu est souvent perçu par l’Homme comme un rival, un empêcheur de tourner en rond, un rabat-joie, une contrainte à notre liberté. Mais nous le savons, cette représentation de Dieu est une caricature, une idole, un Dieu fabriqué de main d’homme. Parfois ce sont les chrétiens eux-mêmes qui ont contribué à cette image déformée de Dieu.

Tout comme il y a eu dans le judaïsme des mouvements ou des écoles spirituelles qui ont défiguré la représentation de Dieu, et que Jésus a vivement condamnés, il en est de même dans le christianisme. D’ailleurs, notre Église au Québec n’y a pas échappé au siècle dernier, à la suite de cette influence du jansénisme avec sa morale austère, qui voyait le péché partout et qui trop souvent a recouvert notre société d’une chape de plomb spirituelle qui marque encore certaines mentalités, et qui est certainement l’un des facteurs ayant contribué à une désaffection importante à l’endroit de l’Église. 

Mais en rester à ce passé et à cette vision des choses, c’est oublier combien d’hommes et de femmes de grand courage ont assumé le défi de l’Évangile avec un grand esprit de liberté et de miséricorde. Nous leur sommes redevables si nous sommes ici aujourd’hui, et c’est à nous maintenant de relever le défi de l’évangile pour ce temps qui est le nôtre.

Il ne faudrait pas oublier que cette Église que nous avons connue, a aussi enfanté ce pays à force de valeurs et d’héroïcité évangéliques, œuvrant dans l’anonymat, souvent dans l’ombre des sous-sols de nos églises, véritables catacombes des temps modernes. Seulement dans notre diocèse, ce sont des milliers de personnes qui se donnent sans compter à des œuvres de toutes sortes, trop nombreuses pour les énumérer toutes. Et pourquoi ? Parce que le Christ est vraiment passé par ici et il poursuit son œuvre parmi nous et surtout avec nous. 

Mais comment allons-nous témoigner de Dieu à nos contemporains quand si peu veulent entendre ? À chacun et chacune de nous de trouver les occasions pour le faire, mais une conviction m’habite. Il nous faut tout d’abord apprendre à engager ce dialogue entre nous, les croyants, afin de nous dire en quoi Dieu compte vraiment pour nous. N’est-ce pas là ce que nous propose la démarche synodale voulue par le pape François?

Car c’est là un exercice transformateur qui ne peut que nous aider à approfondir notre foi, à nous l’approprier et à nous émerveiller de ce que Dieu fait chez l’autre. Quand on aime, il n’y a pas de plus grande joie que de partager cet amour avec d’autres.

Les textes de la Parole de Dieu pour ce dimanche sont porteurs de grandes vérités sur Dieu. Il y a tout d’abord cette affirmation extraordinaire au livre de Jérémie où Dieu lui dit : « Avant même de te façonner dans le sein de ta mère je te connaissais ». Il nous faut entendre cette affirmation comme si elle nous était adressée, car elle l’est. De toute éternité, Dieu nous a aimés et il nous a voulus. Pensons ici au couple qui attend un enfant, un enfant longtemps désiré, et qui enfin s’annonce lorsque la femme est enceinte. Cet enfant est déjà aimé par ses parents. Il est l’expression la plus parfaite de leur amour. L’on pourrait dire qu’à travers cet enfant leur amour se fait chair !

Voyez la belle prière du psalmiste quand il dit à Dieu : « Toi mon soutien dès avant ma naissance, tu m’as choisi dès le ventre de ma mère ». Voilà la réalité spirituelle qui est la nôtre et la grandeur de notre relation à Dieu. Nous sommes faits pour Dieu, de toute éternité voulus par lui, aimés par lui du plus grand amour qui soit. 

Par ailleurs, la foi en Jésus Christ comporte aussi un autre versant. Elle implique aussi l’expérience d’une proximité renouvelée avec le prochain. C’est Jean-Paul Sartre, philosophe athée, qui disait de l’Homme qu’il était une passion inutile. Mais pour nous, l’Homme est la plus grande passion de Dieu, sa vie a une direction, un but, une finalité. Nous sommes faits par amour, et comme le souligne saint Paul dans sa lettre aux Corinthiens, « l’amour ne passera jamais ». Paul nous rappelle que l’amour dans nos vies doit l’emporter sur tout, même sur une certaine foi en Dieu qui parfois devient idéologie, doctrine, rigidité, au mépris de la miséricorde et du souci du prochain. Comme ces paroles sont fortes quand Paul affirme : « j’aurais beau avoir toute la foi jusqu’à transporter les montagnes, s’il me manque l’amour, je ne suis rien ». 

L’amour avec lequel Dieu nous a fait porte en lui-même un appel à la réciprocité, à la ressemblance. C’est un amour qui nous configure au Christ, et c’est avec ce même amour que nous devons retourner vers Dieu, entrainant à notre suite nos frères et sœurs du monde entier, solidaires de leurs misères, de leurs peines et de leurs joies. Car nul ne va au ciel tout seul, nul ne peut faire bande à part, au risque de se retrouver infiniment seul devant Dieu. Le prochain est un chemin vers Dieu, il est le seul chemin et Jésus Christ nous en a ouvert la voie.

C’est saint Alphonse de Liguori qui disait au sujet de notre foi en Dieu : « Si on devait se tromper de Dieu, vaudrait mieux le faire en exagérant sa bonté qu’en durcissant sa justice. » Un autre saint disait que si le Christ lors du jugement lui reprochait d’avoir été trop miséricordieux, il ne pourrait que lui répondre : « Et vous Seigneur, ne l’avez-vous pas été ? »

Pour relever ce défi de la miséricorde et de la solidarité, Jésus nous laisse sa Parole, il nous donne son esprit, il nous demande de faire Église, et il nous invite à vivre l’aujourd’hui de Dieu. C’est ainsi que l’on peut comprendre l’affirmation de Jésus à la synagogue quand il dit : « Aujourd’hui s’accomplit ce passage de l’Écriture que vous venez d’entendre. » 

La bonne nouvelle du Christ est toujours pour aujourd’hui. Et à cause de cela, elle agira toujours comme une contestation des valeurs de notre monde où les faibles sont rejetées, les pauvres sont méprisés, les droits des petits sont bafoués. Comme l’affirme le pape François, être chrétien signifie avoir « les mêmes sentiments qui sont dans le Christ Jésus » (Ph 2, 5), sentiments d’humilité et de don de soi, de détachement et de générosité [9].

Alors, pourquoi ne pas prendre le temps en couple, en famille, entre amis, ente disciples, de nous dire quels sont ces sentiments du Christ qui nous habitent, de nous dire cette foi en Dieu qui se fraie son chemin au cœur de nos vies. Car ces partages ne peuvent que réveiller en nous la présence de Celui qui se tient à la porte de notre monde et qui frappe. Et si nous savons reconnaître cette présence et en parler, nous pourrons alors mieux témoigner de Lui. C’est la grâce que je nous souhaite.

Yves Bériault, o.p. Dominicain

Homélie pour le 3e Dimanche T.O. (C)

Imaginez une vieille maison à la campagne. Vous êtes chez vos grands-parents. Vous montez au grenier et là il y a le vieux coffre à souvenirs. Vous l’ouvrez et vous en faites l’inventaire. Photos de mariage du grand-père et de la grand-mère, photos des enfants, une généalogie, des lettres d’amour que grand-père et grand-mère s’écrivaient pendant leurs fiançailles, le sermon de leur mariage, quelques prières composées pour les grands moments de leur vie, un ancien bail, des souvenirs de voyages, cartes postales, photos de familles, les plans de la première maison, un voile de mariée, un poème offert par les enfants lors de leur cinquantième anniversaire de mariage, etc. Vous découvrez dans ce coffre l’histoire d’un couple, d’une famille. C’est le coffre à trésor d’une belle histoire d’amour qui en dépit du temps semble garder toute sa fraîcheur. Je me permets un exemple tout personnel. Il s’agit de la lettre de mon grand-père maternel qui habitait la Gaspésie en réponse à la lettre de mon père, de retour de la guerre à Montréal, demandant ma mère en mariage. C’était la coutume à l’époque. Cette lettre a été envoyée il y a maintenant plus de 70 ans et je l’ai retrouvée dans le coffre à trésor de ma mère après son décès il y a cinq ans :

Cher monsieur,

Je viens répondre à votre lettre me demandant la main de ma petite Annabelle. Ah oui, certainement je vous la donne, espérant qu’elle fera votre bonheur et en même temps le sien. Je sais que vous saurez la rendre heureuse. Je peux vous dire que je vous donne la perle de mes filles – elle a toujours été bien bonne pour nous, ses parents. En la perdant, nous perdons beaucoup, ce n’est pas sans regret, mais que voulez-vous, c’est la vie. Et bien cher monsieur, nous espérons d’avoir l’honneur de vous connaître l’un de ces jours, vous serez le bienvenu en notre humble demeure. Veuillez me croire, je demeure votre tout dévoué.

M. Achille Boulay

Saint-Gabriel de Gaspé, mai 1946

Ce fut là le début d’une belle histoire d’amour qui dura 56 ans. Nous aussi en tant qu’Église nous vivons une histoire d’amour et notre coffre à souvenir, c’est le livre de la Parole de Dieu, c’est la Bible. Il s’agit d’une bibliothèque de 73 livres qui raconte la merveilleuse histoire de nos ancêtres dans la foi. Il y a là des livres d’histoires, des poèmes, les plans de construction du Temple de Jérusalem, des paroles de Sagesse, les messages des prophètes et surtout le témoignage de ceux et celles qui ont connu Jésus Christ.

Ces livres sacrés, qui n’en forment plus qu’un seul pour nous, doivent sans cesse être redécouverts par les chrétiens. C’est pourquoi chaque dimanche, ils sont proclamés dans notre assemblée. 

Comment ne pas évoquer ici une expérience analogue qui est rapportée dans notre première lecture? Vous avez peut-être remarqué l’émotion du peuple à l’écoute de la parole de Dieu ? En voici l’explication. C’est qu’au retour d’Exil, les textes sacrés d’Israël, qui avaient disparu lors de la destruction du Temple, avaient été retrouvés, et le peuple s’était assemblé afin de les entendre à nouveau après plus de cinquante années d’exil, coupés de cette source de vie.

Ce texte du livre de Néhémie vient nous rappeler que la Parole de Dieu est centrale dans notre vie de foi. Mais alors pourquoi nous laisse-t-elle parfois si indifférents? Il arrive que nous quittions l’assemblée du dimanche, moi le premier, sans trop nous rappeler ce qui a été lu. L’habitude? Sans doute. La fatigue, l’inattention. D’où l’importance de nous rappeler de temps à autre l’importance de la Parole de Dieu que nous proclamons chaque dimanche, afin de mieux l’entendre et surtout nous laisser transformer par elle. Car comme le diit saint Paul : « Elle vivante la Parole de Dieu. »D’ailleurs, lors du concile Vatican II, les pères conciliaires avaient beaucoup réfléchi au rôle de la Parole dans l’assemblée liturgique et ils n’avaient pas hésité à affirmer que chaque fois que cette Parole est proclamée, c’était le Christ lui-même qui la proclame.

C’est là le premier volet de cette homélie. Voici le deuxième : maintenant, pourquoi notre Dieu parle-t-il ? Si notre Dieu parle, c’est qu’il veut se faire connaître de nous. N’est-ce pas là l’expérience fondamentale de tout parent avec son enfant? S’il cherche à lui apprendre à parler, bien que ce soit là une nécessité de la vie, le père et la mère qui laborieusement veulent amener leur enfant chéri à balbutier ses premiers mots, souhaitent surtout entendre de sa bouche les mots les plus importants au monde : Maman, papa! Dans cette expérience de reconnaissance du parent par l’enfant est ancrée la nature même de l’expérience de la famille qui est de se situer dans un réseau de vie où les enfants apprennent à devenir pleinement humain dans la mesure où ils reconnaissent leurs parents comme des êtres tout différents d’eux-mêmes, mais dont ils tiennent la vie, qui sont leur créateur, par qui passe leur croissance physique, affective, morale et spirituelle. 

Ce que la Parole de Dieu nous apprend, c’est que Dieu veut se faire connaître de nous, il veut que nous l’appelions Abba, Père, papa, car cette vie humaine qui est la nôtre s’enracine dans la sienne, vient de lui et va vers lui. Donc, Dieu parle pour se faire connaître, pour que grandisse entre lui et nous, l’amour, la communion, afin que nous atteignions notre pleine stature d’enfants de Dieu, que nous devenions des hommes et des femmes responsables et spirituels. Et qu’ensemble nous ne formions qu’un seul corps, une seule famille, une seule Église. C’est cette extraordinaire aventure que Jésus Christ vient mener à son terme alors qu’on le voit aujourd’hui dans l’évangile de Luc lancer sa mission, nous appelant à devenir des auditeurs de la Parole afin d’en devenir les serviteurs avec lui.

fr. Yves Bériault, o.p. Dominicain

Homélie pour le 2e dimanche T.O. (C)

Paroisse Notre-Dame du Liban à Lyon.

JÉSUS CHRIST LE SOMMELIER DE NOS AMOURS

Je serais tenté tout d’abord de vous souhaiter bonne fête de l’Épiphanie ! Oui, l’Épiphanie, puisque depuis les premiers siècles de l’Église, l’on a toujours associé les noces de Cana au baptême de Jésus et à la visitation des Mages. Trois événements fondamentaux qui inaugurent à la fois le début de la vie publique de Jésus ainsi que sa manifestation au monde. Le miracle de Cana, premier miracle dans l’Évangile de Jean, est considéré à juste titre comme le premier dévoilement de qui il est. D’ailleurs, n’est-il pas dit de lui à la fin du récit des noces de Cana : « Il manifesta sa gloire, et ses disciples crurent en lui. »

C’est là un récit que nous ne connaissons que trop bien, et cela peut nous empêcher de l’entendre avec tout le retentissement et le poids que porte cette bonne nouvelle dans nos vies. Car elle est vivante la Parole de Dieu, toujours nouvelle si nous savons lui prêter l’oreille. Alors, qu’en est-il de ces noces célébrées à Cana, il y a près de deux mille ans ? Pour comprendre la portée incroyable de cet événement, je nous propose de nous éloigner du tableau, comme on le fait lors d’une visite au musée.

Pour ce faire, je vais vous surprendre, mais permettez-moi de nous ramener à notre époque. De fait, à Noël dernier alors qu’à la base de Kourou, en Guyane française, la fusée Ariane 5 emportait dans le ciel le télescope spatial géant James Webb pour une mission destinée à scruter l’univers comme on ne l’a jamais fait auparavant. Un exploit qui va encore plus loin que le télescope Hubble. Le télescope James Webb est l’observatoire spatial le plus puissant jamais construit, qui devrait permettre d’observer les confins de l’Univers, encore plus loin que jamais auparavant, en recherchant les premières étoiles et galaxies créées après le Big Bang, qui serait peut-être le moment initial où le monde tel que nous le connaissons a commencé.

De découverte en découverte, le mystère de notre monde ne fait que s’épaissir, se déployant d’une manière telle que l’on ne peut que rester ébahi devant l’immensité et la complexité de l’Univers. Lors d’une entrevue, une astrophysicienne impliquée dans la conception du télescope James Webb, affirmait que si jadis l’on croyait que la Terre n’était qu’une goutte d’eau dans l’océan en comparaison de la grandeur de l’Univers, l’on sait maintenant, disait-elle, que la Terre ne serait qu’une goutte d’eau dans des trillions d’océans. Ce qui donne une idée à couper le souffle de l’immensité de la création ! Les superlatifs ne sont pas de trop ici et donnent envie de nous écrier comme le psalmiste : « Mais qu’est-ce que l’homme pour que tu penses à lui, le fils d’un homme, que tu en prennes souci ? » (Ps 8, 5)

Si je vous raconte cette histoire, c’est afin de dresser la table du banquet et nous représenter la salle des épousailles, où Dieu vient à notre rencontre, et qui est cet univers infini que nous habitons. Car l’évangéliste Jean, avant de nous raconter le miracle de Cana, commence son évangile de manière on ne peut plus solennelle, posant lui aussi son regard sur notre monde avec ces paroles inoubliables : « Au commencement était le Verbe… Tout fut par lui, et rien de ce qui fut, ne fut sans lui… Et le Verbe s’est fait chair, et il a habité parmi nous et nous avons vu sa gloire. »

C’est avec cet arrière-fond du dévoilement de Dieu et son projet de création que le miracle de Cana nous est raconté. Ce Verbe fait chair, qui change notre eau en vin, tout a été fait par lui, et voilà qu’il se tient au milieu de nous, créatures insignifiantes, sortes de Robinson Crusoé de l’espace, échoués dans un monde qui nous dépasse. 

Le Dieu que l’humanité s’est toujours représenté comme étant au-dessus d’elle, loin d’elle, absent du monde, le voilà à nos pieds, tel le sommelier de nos amours, qui vient inaugurer nos épousailles avec Lui. Voilà le sens profond du miracle de Cana ! C’est Dieu qui vient nous offrir un bonheur durable qui porte l’empreinte de l’éternité et de la grandeur de son amour.

Ce thème des épousailles de Dieu avec l’humanité va revenir constamment dans la bouche des prophètes, et c’est le prophète Isaïe, que nous avons entendu dans notre première lecture, qui l’exprime de la manière la plus belle qui soit : « Toi, tu seras appelée “Ma Préférence”, cette terre se nommera “L’Épousée” […] Et comme la jeune mariée fait la joie de son mari, tu seras la joie de ton Dieu. » C’est le romancier Dostoïevski qui souligne dans son roman Les frères Karamazov que le premier miracle du Christ a consisté à apporter la joie aux hommes. Mais il ne faut pas s’y méprendre, il s’agit de la joie des fiançailles avec Dieu !

C’est pourquoi notre foi nous invite à regarder notre monde à la lumière de cette révélation incroyable que nous apporte Jésus Christ, lui en qui Dieu confie au monde sa dernière parole, la plus belle et la plus profonde ; lui qui nous livre un langage et des promesses qui viennent d’ailleurs et que nul télescope humain à lui seul ne peut capter ? Comme l’exprimait si poétiquement mon confrère Jacques Marcotte dans un éditorial : « Et s’il existait un autre monde ? Totalement spirituel. Inaccessible à nos sens ? Parfaitement libre et autonome ? Qui n’aurait pas besoin de nous, à vrai dire ? Mais qui aurait voulu, un bon jour, prendre l’initiative de nous rejoindre dans notre état d’humanité ? Non pas pour envahir notre monde et le terroriser, mais pour le bonifier, pour l’aimer, l’habiter avec nous, le purifier, le racheter, le libérer, en l’illuminant d’un sens nouveau et d’une finalité augmentée à l’infini du surnaturel. »

Frères et sœurs, la joie chrétienne a sa source et son enracinement dans la réalisation de cette nouvelle incroyable que le Créateur du ciel et de la terre, et de tous les univers, jusqu’aux galaxies les plus éloignées, nous aime d’un amour infini et que nous sommes son bien le plus précieux. À Cana déjà, il vient guérir nos blessures, combler nos manques, bénir nos amours, et nous redonner le goût de la fête, cette fête qui a goût d’éternité.

Voilà le grand mystère que nous n’aurons jamais fini de contempler et qui dépasse infiniment tous les cieux rassemblés ! Bonne fête de l’Épiphanie !

fr. Yves Bériault, o.p. Dominicain.