Homélie pour la fête de la Pentecôte

Évangile de Jésus Christ selon saint Jean (Jn 14, 15-16.23b-26)

En ce temps-là,
Jésus disait à ses disciples :
    « Si vous m’aimez,
vous garderez mes commandements.
    Moi, je prierai le Père,
et il vous donnera un autre Défenseur
qui sera pour toujours avec vous.
    Si quelqu’un m’aime,
il gardera ma parole ;
mon Père l’aimera,
nous viendrons vers lui
et, chez lui, nous nous ferons une demeure.
    Celui qui ne m’aime pas
ne garde pas mes paroles.
Or, la parole que vous entendez n’est pas de moi :
elle est du Père, qui m’a envoyé.
    Je vous parle ainsi,
tant que je demeure avec vous ;
    mais le Défenseur,
l’Esprit Saint que le Père enverra en mon nom,
lui, vous enseignera tout,
et il vous fera souvenir de tout ce que je vous ai dit. »

COMMENTAIRE

Voici un conte de tradition autochtone que j’aimerais vous partager. Un soir, assis près du feu, un vieux sage parlait à son petit-fils du combat qui a lieu à l’intérieur de toute personne. Il disait : «Mon petit, il y a une lutte entre deux loups à l’intérieur de chacun de nous.»

L’un est le mal — c’est la colère, l’envie, la jalousie, la cupidité, l’arrogance, l’amertume, le mensonge, l’orgueil, et le sentiment de supériorité.

L’autre loup c’est le Bien — c’est la joie, la paix, l’amour, l’espoir, la sérénité, l’humilité, la bonté, la bienveillance, l’empathie, la générosité, la vérité, la compassion et la foi.

Le petit-fils a réfléchi pendant quelques instants, puis il demanda à son grand-père : «Quel loup, grand-papa, va gagner?» Et ce dernier de simplement répondre : «Celui que tu nourris mon enfant.»

Ce conte, je nous propose de l’entendre à la lumière de la promesse que nous fait le Christ. Il promet à ses disciples qu’il continuera à les former après son départ en leur envoyant l’Esprit Saint. Ce Maître intérieur leur fera se souvenir de tout ce qu’il leur a enseigné. Cet Esprit de Vérité et de discernement nous est donné afin de nous guider et de nous former, afin que nous sachions choisir ce qui est porteur de vie en nous et non pas de morts.

Car le Fils de Dieu est venu parmi nous afin de nous apprendre ce que cela veut dire être vraiment un homme, cela veut dire être vraiment une femme sur cette terre, même quand le mal ou l’épreuve nous font courber le dos. Oui, le Christ est venu nous apprendre à nous tenir debout, à choisir la vie, à habiter notre monde dans la confiance, malgré les vents contraires, nous sachant porteurs d’un don qu’il nous est parfois difficile de nous expliquer à nous-mêmes. C’est le don de la foi, le don de la Pentecôte.

À l’exception des grands convertis, dont la vie a été bouleversée à un moment précis de leur existence, et qui se souviendront toute leur vie d’avoir été saisis par Dieu, la foi tranquille et longuement vécue par la plupart d’entre nous, peut nous amener à méconnaître à quel point la foi en Dieu transfigure notre existence, foi en Dieu sans laquelle nous ne serions plus tout à fait les mêmes.

Le week-end dernier nous accueillions quatre jeunes adultes pour une retraite à notre couvent et, lors d’un tête-à-tête avec l’un d’eux, je découvrais un jeune en recherche, avec une foi en Dieu plutôt vacillante. Et chaque fois que je suis confronté à cette réalité de la difficulté de croire, tellement répandue en notre monde, je me demande toujours : «Pourquoi, moi et pas les autres?»

Cette question je me la suis souvent posée, et je l’ai retrouvée tout récemment sous la plume d’un théologien canadien, Gregory Baum, qui dans son dernier livre, publié quelques mois à peine avant sa mort en 2017, raconte l’histoire de son parcours théologique. Gregory Baum était un juif allemand converti au catholicisme, et qui, à l’âge de 92 ans, au terme de sa vie, demandait d’entrée de jeu dans son livre : «Pourquoi moi, et pas les autres?»

Étrange question à se poser en cette fête de la Pentecôte, me direz-vous? Mais je sais que cette question ne vous est sans doute pas étrangère et qu’elle a habité une foule de témoins au fil des siècles parce qu’ils se sentaient tributaires d’un héritage qui leur était tombé dans le cœur sans qu’ils n’aient rien fait pour le mériter, souvent même, sans l’avoir demandé. Mais le don est là, immensément présent, et dont ils ne pourraient se défaire même s’ils le voulaient. Et voilà qu’ils contemplent ce cadeau incroyable de croire en Dieu, et même d’aimer Dieu, et qui leur fait se demander : «pourquoi moi et pas les autres?» 

Pourquoi vous et pas votre frère, ou votre sœur, votre conjoint, ou vos enfants? Car quand on a la foi, on aimerait tellement la partager avec d’autres, afin qu’ils aient la chance eux aussi de vivre d’un tel don, d’avoir ce regard différent sur la vie qui change profondément notre manière de l’assumer et de faire nos choix, de choisir le bien ou le mal. Car c’est là le sens premier du don de l’Esprit Saint : une présence mystérieuse qui part du plus profond de nous-mêmes et qui nous ouvre à plus grand que nous-mêmes.

Quant à ce don de la foi qui nous est fait, tout ce que je sais c’est que tous sont appelés, je n’en ai aucun doute. Tous et toutes aimés de Dieu, voulus par lui, appelés à le connaître et à l’aimer. Et pour plusieurs, ce chemin de rencontre semblera ne jamais se réaliser dans leur vie, même si Dieu les rejoint sûrement par des chemins inattendus où il ne se laisse pas toujours reconnaître. D’autres auront grandi à l’ombre d’une foi familiale, sans jamais s’en détacher. Merveilleuse délicatesse de Dieu dont le dessein nous dépasse.

«Pourquoi moi, et pas les autres?» Sans prétendre sonder le cœur de Dieu, une des réponses qui me monte au cœur pour certains d’entre nous, et je le fais pour moi-même, est peut-être parce que nous en avions davantage besoin! Où en serions-nous si Dieu ne nous avait pas appelés à lui? Si l’évangile ne s’était pas inséré tant bien que mal, au fil des ans, dans les moindres replis de nos vies? Nous n’avons pas la réponse à cette question, mais de toute évidence, il y a là une miséricorde de Dieu qui s’exerce à notre endroit, que nous ne pourrons mesurer que lors du grand face-à-face, miséricorde qui nous appelle à être d’autant plus miséricordieux en nous laissant conduire par l’Esprit de Dieu, cherchant sans cesse à être meilleurs.

Frères et sœurs, il n’y a pas de quoi se glorifier que d’avoir la foi, puisque c’est un don. Mais c’est le don le plus extraordinaire qui soit, et c’est pourquoi notre seule fierté, comme l’affirme saint Paul, c’est la croix du Christ, c’est le don qu’il nous fait de lui-même en nous donnant son esprit, puisque tout vient de lui! C’est là un grand mystère! C’est la fête de la Pentecôte!

fr. Yves Bériault, o.p. Dominicain.

2 Réponses

  1. […] Homélie pour la fête de la Pentecôte — Blogue du Moine ruminant […]

  2. La petite de Lisieux, qui est une grande sainte se plaisait à dire que tout est grâce. La foi en est certainement une et pas la moindre.

    Merci pour le conte autochtone qui nous incite à nourrir le bon loup en chacun(e) de nous.

Laissez un commentaire

Entrer les renseignements ci-dessous ou cliquer sur une icône pour ouvrir une session :

Logo WordPress.com

Vous commentez à l’aide de votre compte WordPress.com. Déconnexion /  Changer )

Image Twitter

Vous commentez à l’aide de votre compte Twitter. Déconnexion /  Changer )

Photo Facebook

Vous commentez à l’aide de votre compte Facebook. Déconnexion /  Changer )

Connexion à %s

%d blogueueurs aiment cette page :