La Transfiguration. Une méditation (1)

Dans la Bible Dieu est décrit comme « lumière inaccessible », et c’est ce mystère lumineux, comme l’appelle Jean-Paul II, qui se présente à nous dans notre méditation du récit de la transfiguration. Cette scène de l’Évangile est une allégorie extraordinaire de la suite du Christ, un véritable chemin initiatique, symbolisé par cette montagne qui se dresse devant nous ce matin.Nous parlons beaucoup de conversion dans la vie chrétienne, mais cette conversion est de tous les instants, car elle demande beaucoup de vigilance de notre part. Nous serons toujours tentés de réduire cette conversion à de simples changements d’habitudes ou manières de faire, mais c’est trop peu. Car alors les lois et les règles remplacent la foi, la morale se substitue peu à peu à la mystique. Jésus est alors perdu de vue, oublié. Non pas le Jésus historique de la belle histoire de notre foi chrétienne, mais le Christ personnel et vivant qui nous est plus proche que nous ne le sommes de nous-mêmes, lui qui ne cesse de nous chercher, de nous attendre sur la margelle du puits, lui l’ami silencieux mais combien présent au coeur de l’épreuve.

Je nous invite donc à entreprendre ce matin l’ascension de cette « montagne sainte », qui se dresse devant nous. La montagne n’est-elle pas le lieu par excellence dans la Bible où l’homme fait la rencontre de Dieu ?

Mais avant de commencer cette ascension il nous faut situer notre récit. Nous le savons, le récit de la Transfiguration est d’une importance capitale dans les évangiles. Les trois évangélistes en font mention et l’Apôtre Pierre en parle lui aussi dans sa deuxième lettre (1:16-18) :

« Car ce n’est pas en suivant des fables sophistiquées que nous vous avons fait connaître la puissance et l’Avènement de notre Seigneur Jésus Christ, mais après avoir été témoins oculaires de sa majesté.

Il reçut en effet de Dieu le Père honneur et gloire, lorsque la Gloire pleine de majesté lui transmit une telle parole: « Celui-ci est mon Fils bien-aimé, qui a toute ma faveur. » Cette voix, nous, nous l’avons entendue; elle venait du Ciel, nous étions avec lui sur la montagne sainte. »

Le récit survient après la profession de foi de Pierre : « Tu es le Christ, le Messie ! » Cette profession de foi fait passer les disciples à un nouveau mode de relation avec Jésus. Il y a là une avancée importante quant à la relation d’intimité et de confiance qui se nouent entre eux. Jésus va les inviter à entrer plus avant dans le mystère de sa personne et de son identité profonde, encore secrète.

Il est important aussi de souligner que l’événement de la Transfiguration survient après la première de trois annonces que fait Jésus de sa passion à venir:

« Puis il commença à leur enseigner qu’il fallait que le Fils de l’homme souffre beaucoup, qu’il soit rejeté par les anciens, les grands prêtres et les scribes, qu’il soit mis à mort et que, trois jours après, il ressuscite. » (Mc 8, 31)

C’est déjà la montée vers Jérusalem qui se profile et la confiance des disciples en Jésus est mise à l’épreuve. C’est dans ce contexte que Jésus prend avec lui Pierre, Jacques et Jean et les amène sur la montagne. Certains Pères de l’Église ont affirmé que cette ascension avait pour but d’affermir la foi des disciples, de leur redonner confiance, et ainsi de les préparer à vivre la passion/résurrection à venir. Mais au-delà de cette visée anticipatrice, le récit nous dévoile aussi, à la manière d’une icône qu’il faut contempler longuement, toute la grandeur du mystère de l’être chrétien, de la vocation à laquelle nous engage notre baptême.

Entreprenons maintenant notre montée de la montagne de la transfiguration, qui se fera en trois étapes. Le versant nord, le sommet et le versant sud. (suite dimanche prochain)

Benoît XVI sur la souffrance

Lors d’une rencontre avec des prêtres qui exprimaient leur état d’âme, leur souffrance devant la distance qu’ils éprouvaient entre eux et les personnes adultes de leur communauté, devant leur tâche trop lourde et la perspective d’une relève qui n’est pas là, Benoît XVI a répondu:

« Je souffre moi aussi mais tous ensemble nous voulons, d’une part, souffrir sur ces problèmes et également, tout en souffrant, transformer les problèmes; car la souffrance est précisément la voie de la transformation et sans souffrance on ne transforme rien. »

(Benoît XVI aux prêtres de Rome en juillet 2005)

La souffrance

« Dieu n’est pas venu supprimer la souffrance, il n’est pas venu l’expliquer, mais il est venu la remplir de sa présence. »

Paul Claudel

La mort est trompeuse

Je reviens des funérailles de la mère d’un ami. La perte d’un parent, même lorsqu’ils sont très âgés, implique toujours un deuil, une peine, à cause de tout ce qu’a été cette personne et qui soudainement n’est plus là. Comme s’il ne restait plus rien. Que reste-t-il de tout cet amour, de la fidélité de cette personne, de ses mots d’encouragements, de ses caresses, de tous ces mots de consolations, de tous ces sourires qui ont été donnés au cours des années? Car il faut bien se le dire, la mort est trompeuse. Elle oriente nos regards vers l’absence, vers la perte, cherchant à nous faire croire que tout est fini, qu’il ne reste plus rien de l’être aimé qu’un vague souvenir.

Il y a quatre ans, j’ai eu à vivre la mort de mon père, de qui j’étais très proche. On se voyait presque toutes les semaines. Nous étions de grands amis. Et à l’occasion de son décès, une certitude m’a frappé de plein fouet, alors qu’elle semble tellement évidente quand on a la foi; une évidence s’est imposée à moi : l’amour ne peut pas mourir.

C’est lorsque l’on perd un être cher que l’on se sent questionné tout à coup par cette réalité que l’on appelle la vie éternelle. Quand nous vivons un deuil nous prenons conscience à quel point l’amour donné par une personne est sans doute le plus beau fruit d’une vie humaine. Après tout, c’est là notre vocation humaine, notre raison d’être sur la terre : aimer… Et l’amour ne saurait mourir. L’amour n’est pas une passion inutile. Il porte en lui un germe d’éternité. Il rime avec toujours, comme le chantent les poètes.

C’est là la conviction que nous apporte cette intimité que nous sommes appelés à vivre les uns avec les autres lorsque nous aimons. C’est cette conviction qui nous anime, chrétiens et chrétiennes, lorsque nous affirmons que la mort n’a pu garder le Christ dans son emprise, car avec lui, la vie a triomphé de la mort au matin de Pâques. En Jésus Christ s’est réalisé cette promesse du prophète Isaïe :

« Le jour viendra où le Seigneur enlèvera le voile de deuil qui enveloppait tous les peuples; il détruira la mort pour toujours. Il essuiera les larmes sur tous les visages. » (Isaïe 25, 6a. 7-9)

Notre Père

« …la prière personnelle, même accomplie dans les secret, n’est pas un acte purement privé. Cette démarche que personne ne peut faire à ma place, n’est absolument pas celle d’un isolé; elle s’enracine et s’épanouit dans la communion. Quand je dis à Dieu Père, je me situe en fils, mais quand je dis Notre Père, je me situe aussi et du même coup en frère de tous ceux qui le disent également – et même de ceux qui ne savent peut-être pas le dire. « Il y a beaucoup d’âmes, disait Paul Claudel, mais il n’y en a pas une seule avec qui je ne sois en communion par ce point sacré en elle qui dit Pater Noster. »

Paul Claudel. Cantique de Palmyre, Conversation dans le Loir-et-Cher. Pléiade, p.731.