La joie de Noël

Le temps de Noël nous sollicite de bien des manières, comme aucune autre période de l’année. Noël a marqué l’imaginaire des peuples, partout où le christianisme est passé, même là où la foi au Christ ne semble être qu’un vague souvenir. Les gens aiment se mettre le coeur en fête en ce temps de l’année, comme si un appel lointain retentissait même dans les cœurs les plus endurcis, comme si le temps de Noël nous appelait à nous ouvrir à un don venant du ciel.

Le temps de Noël évoque à la fois une ambiance festive et joyeuse, où l’on se surprend à vouloir décorer nos villes et nos villages. Cette joie des fêtes semble indissociable d’une fête de la lumière, comme si au coeur de nos nuits, l’on attendait la venue de quelqu’un, de quelque chose d’extrêmement précieux.

Le temps de Noël évoque aussi un sentiment assez unanime d’entraide à l’endroit des plus démunis. Comme si la joie et la charité se donnaient rendez-vous à l’occasion de la naissance du sauveur. Il ne faut pas avoir peur de ce mot charité, qui vient du mot latin caritas qui désigne ce qui est « cher », ce qui coûte. La charité c’est l’amour parfait qui vient de Dieu et que nous sommes appelés à imiter, à faire preuve d’un amour qui coûte. Et cela nous le constatons autour de nous, en tout temps de l’année, mais le temps de Noël semble susciter encore plus cet élan du coeur qui se veut sensible au prochain.

Pour nous chrétiens, que joie et charité se conjuguent n’est pas quelque chose de surprenant. Bien sûr l’on pourrait reprendre la parole de Jésus qui dit qu’il y a beaucoup plus de joie à donner qu’à recevoir. Mais la joie chrétienne qui est intimement liée à la fête de Noël nous entraîne infiniment plus loin.

Bien sûr, il est difficile de parler de joie à ceux qui souffrent dans leur corps et dans leur âme et pourtant voilà ce que nous apporte l’Emmanuel. Nous sommes invités à entrer dans sa joie. Jésus est venu parmi nous afin que l’amour de Dieu habite en nous. N’a-t-il pas dit : « Père, je leur ai révélé ton nom… afin que l’amour dont tu m’as aimé soit en eux. » Jésus nous engage sur le sentier de la joie évangélique en mettant l’amour de Dieu au coeur de nos vies par le don de l’Esprit Saint. Et cette joie qui nous fait demeurer dans l’amour de Dieu commence dès ici bas. N’est-ce pas la Vierge Marie qui répond à la bonne nouvelle de l’Ange en s’écriant : « J’exulte de joie en Dieu mon Sauveur! »

Oui, la joie est au rendez-vous dans l’Évangile. Elle frappe à la porte de nos souffrances physiques, morales et spirituelles et elle nous invite au rendez-vous de Dieu, l’Emmanuel parmi nous!

Bonne et heureuse année 2012!

Alors qu’aux voeux à peine émis de la nouvelle année 2012 se mêleront toujours les cris de violence et les bruits de canons dans notre monde, nous portons aussi en nous chrétiens, les promesses inouïes de cette nuit de Noël, de cette Épiphanie, que nous venons à peine de célébrer.

Pourtant, pas besoin d’être un grand analyste de l’état du monde pour constater que l’on attend toujours ce règne de paix. La paix universelle nous échappe toujours. Le monde a-t-il vraiment changé depuis cette nuit de Bethléem? Est-ce que la venue du Christ a véritablement changé la face de notre monde? Nous ne savons pas comment aurait évolué notre monde sans cette influence déterminante du christianisme sur l’Histoire et la pensée humaine, mais ce que nous savons, c’est que la suite du Christ a transformé radicalement la vie d’une multitude d’hommes et de femmes au cours des siècles. Ils ont pris sur eux-mêmes, au nom de l’Évangile de transformer cette Terre, d’inaugurer des relations de paix, de justice et de miséricorde partout où ils passaient.

Des germes de paix et de justice sont nés dans le sillage de l’action de ces millions de témoins, comme de jeunes pousses au printemps qui parfois n’ont vécu que le temps d’une journée… Mais qu’importe, ils ont semé la bonne nouvelle et encore aujourd’hui cette espérance nous interpelle. Il ne s’agit pas ici d’une espérance à la petite semaine, d’une espérance facile et béate. Elle est profonde comme la mer cette espérance à l’image de la connaissance du Seigneur qui nous est promise. Elle est de tous les combats cette espérance, de toutes les luttes et c’est elle qui nous rend capable de nous engager, de nous aimer les uns les autres, de pardonner, de changer notre cœur, de recommencer quand tout s’écroule, de reconstruire… C’est cette espérance têtue et obstinée que nous devrions demander au Seigneur en ce début d’année 2012.

À tous les fidèles lecteurs et lectrices du blogue du Moine ruminant, une sainte année 2012!

Le Noël des marchands

Noël est l’un de ces temps de l’année où le mystère frappe à notre porte. Villes et villages, un peu partout dans le monde, soulignent l’événement. Mais il faut bien l’avouer, trop souvent le sens de la fête est perdu. Et le tourbillon du temps des fêtes en vient même à lasser les chrétiens et les chrétiennes pour qui cette fête marque pourtant la naissance de leur Seigneur et Sauveur. La fête de Noël fait maintenant partie du patrimoine humain. Aucune fête chrétienne n’a connu une telle popularité, bien que la fête de Pâques soit la plus grande des fêtes chrétiennes. Un enfant dans un berceau c’est tout de même plus fascinant qu’un homme cloué sur une croix! C’est pourquoi ce temps de l’année marque une convergence de traditions et de représentations qui ne semblent pas toujours faire bon ménage les unes avec les autres.Pour certains, Noël évoque surtout les souvenirs féeriques, réels ou imaginaires, des Noëls de l’enfance. Ces souvenirs évoquent souvent la nostalgie d’une fête dont on n’arrive plus à retrouver le sens. Les gens de cette catégorie ont souvent le Noël triste comme l’on dit de quelqu’un qu’il a le vin triste.

Il y a aussi le Noël des chrétiens, fête de la Nativité, qui n’a de sens que pour ceux et celles qui croient en l’Enfant-Dieu. Même dans cette catégorie il y en a qui ont perdu le sens de la fête. Ils jugent trop superficiel tout ce qui entoure Noël et ils ont parfois le sentiment de s’être fait voler leur fête!

Il y a enfin le Noël pour tous, le Noël démocratisé qui remporte la faveur populaire et qui conjugue sans difficulté la dinde de Noël, la course effrénée aux cadeaux et, à l’occasion, lorsque le temps le permet, une messe de minuit.

Pourtant, même ce Noël, que certains appellent le Noël des marchands, est porteur de sens et rejoint l’être humain dans ses aspirations les plus profondes par certaines de ses facettes. Il ne faudrait pas oublier que ce dernier-né des manifestations de la fête de Noël est marqué profondément par le christianisme. Il ne faudrait pas le renier trop facilement et l’envoyer coucher dans l’étable. Ce Noël sécularisé, celui que nous connaissons tous, est souvent un moment privilégié pour les réconciliations, l’accueil de l’autre et le don de soi. Quoi qu’il en paraisse, le Noël des marchands est souvent un Noël de générosité toute simple, sans prétention, par lequel les gens cherchent à se donner un temps de bonheur ensemble, à faire sens du temps qui passe en s’ouvrant à l’autre. Et ce bonheur, notre société, bien qu’elle se veuille laïcisée, elle le trouve près de la crèche.

Le Noël des marchands est une fête qui éveille le goût de donner chez les gens, surtout de se donner, ce qui explique sans doute pourquoi Noël est l’un des temps de l’année où les bénévoles se font les plus nombreux aux portes des organismes caritatifs de toutes sortes. En dépit de ses dérives, n’est-ce pas là une preuve que le Noël des marchands est une fête qui est toute proche de ses racines évangéliques et qui, lorsque bien vécu, peut devenir un prolongement tout naturel de la célébration liturgique que nous en faisons en Église.

Et pourquoi ne pas faire de ce Noël 2011 un vrai Noël de marchands, un Noël de marchands de bonheur accueillant dans leurs maisons ceux qui sont seuls, donnant un peu de nos tables à ceux qui ont faim, ouvrant nos cours à la réconciliation et au partage. Car n’est-ce pas là une conséquence inévitable du sens de cette fête. Ceux et celles qui se mettent à la suite de l’Enfant-Dieu se doivent d’être habités de sa générosité à Lui, car Noël c’est la fête de la générosité surabondante de Dieu. C’est Dieu qui se donne à nous! C’est Dieu-avec-nous et pour le monde : l’Emmanuel!

Yves Bériaut, o.p.