Dieu existe-t-il encore?

Un lecteur du blogue du Moine ruminant a attiré mon attention sur une entrevue donnée par André Comte-Sponville sur la chaîne radio de Radio-Canada, portant sur le thème « L’expérience spirituelle sans Dieu ». Coïncidence? C’est le thème que je donnais à mon blogue il y a une semaine.Afin d’entrer dans cette rencontre entre la foi en Dieu et l’athéisme moderne, je vous conseille un livre qui renoue avec la pratique de la « disputatio » médiévale, où deux philosophes débattent sur l’existence de Dieu, question traditionnelle aujourd’hui réactivée. Les deux philosophes sont Philippe Capelle – André Comte-Sponville . Et le titre du livre est « Dieu existe-t-il encore?« .

Je ne veux pas reprendre ici la discussion sur le bien-fondé de l’existence de Dieu. J’y crois. Je dirais plus, j’aime. Alors, comment prouver que l’on aime véritablement à un autre. Je ne crois pas par besoin, ou par insécurité, ou parce que je tiens à aller au ciel. D’ailleurs, tous les croyants que je connais n’ont pas du tout cette perspective de l’éternité dans leur horizon de croyants. Ce qui leur importe, c’est leur vie d’homme ici-bas. Sans vouloir minimiser le sens de la vie éternelle pour nous chrétiens, je dirais que le ciel est un bénéfice secondaire dans l’acte de foi. La foi est en tout premier lieu un don pour maintenant, pour l’aujourd’hui terrestre.

Quant à ma foi en Dieu et en son Fils Jésus-Christ, je l’accueille comme le don le plus extraordinaire qui soit. Je crois comme j’aime le chaud soleil du matin, la première brise de printemps, le chant des oiseaux en forêts, ou le rire des enfants qui courent après les papillons. La véritable foi en Dieu est gratuite, c’est donné, c’est une joie, c’est plus fort que moi, c’est plus fort que tout, et ma vie y puise comme à sa source. Ainsi est faite la foi en Dieu pour moi.

Elle est avant tout une rencontre avec Celui qui habite au plus profond de moi, qui est le créateur de toutes choses, et dont la connaissance apporte un tel bonheur, un tel accomplissement de soi, qu’après 30 ans de cette expérience de foi, je ne puis en douter, même si ma foi n’est jamais de l’ordre d’une certitude. C’est mon espérance qui est certaine.

Dieu ne se prouve pas. Tout comme l’athée ne peut prouver sa non-existence. L’athée croit au néant, le croyant croit en Dieu. Mais croire au néant n’implique pas le rapport à un Autre, comme la foi peut l’impliquer. L’athéisme est une croyance, oui, mais qui laisse l’homme seul avec lui-même. Bien sûr, l’autre, le prochain, le frère en humanité, importe beaucoup dans le parcours de bien des athées, et je les admire. Leur engagement envers le monde est noble et beau. Mais c’est un parcours auquel le christianisme n’a rien à envier. Il suffit de regarder la vie des innombrables témoins de la foi au fil des millénaires pour s’en convaincre.

André Comte-Sponville affirme que « l’athéisme est une forme d’humilité ». L’origine latine de notre mot « humilité » peut nous aider à nous débarrasser d’une fausse idée de l’humilité. En effet, le mot « humilité » vient du latin humus qui se traduit par « terre, sol ». Ce mot est passé directement en français pour désigner la couche superficielle du sol, très féconde, qui accueille la semence pour lui faire porter du fruit. On comprend alors que l’humilité chrétienne est cette qualité d’ouverture qui permet au croyant d’accueillir la Parole de Dieu avec joie, comme une semence qui donne à sa vie une dimension nouvelle.

La foi en Dieu est une grâce que l’homme ne peut se donner à lui-même. Tout ce qui est requis de lui c’est vouloir suffisamment cette grâce pour la demander à Dieu. Voilà la véritable humilité. Le refus de s’engager dans ce dialogue, certe risqué et compromettant, c’est de l’orgueil, et en ce sens, l’athéisme est une forme d’orgueil.

À celle qui est Marie

Il y a des jours où les patrons et les saints ne suffisent pas.
Alors il faut prendre son courage à deux mains.
Et s’adresser directement à celle qui est au-dessus de tout.
Être hardi. Une fois.
S’adresser hardiment à celle qui est infiniment belle.
Parce qu’aussi elle est infiniment bonne.

À celle qui intercède.
La seule qui puisse parler de l’autorité d’une mère.

S’adresser hardiment à celle qui est infiniment pure.
Parce qu’aussi elle est infiniment douce.
(…)

À celle qui est infiniment riche.
Parce qu’aussi elle est infiniment pauvre.

À celle qui est infiniment haute.
Parce qu’aussi elle est infiniment descendante.

À celle qui est infiniment grande.
Parce qu’aussi elle est infiniment petite.
Infiniment humble.
Une jeune mère.

À celle qui est infiniment jeune.
Parce qu’aussi elle est infiniment mère.
(…)

À celle qui est infiniment joyeuse.
Parce qu’aussi elle est infiniment douloureuse.
(…)

À celle qui est infiniment touchante.
Parce qu’aussi elle est infiniment touchée.

À celle qui est toute Grandeur et toute Foi.
Parce qu’aussi elle est toute Charité.
(…)

À celle qui est Marie.
Parce qu’elle est pleine de grâce.

À celle qui est pleine de grâce.
Parce qu’elle est avec nous.

À celle qui est avec nous.
Parce que le Seigneur est avec elle.

CHARLES PÉGUY

(Le Porche du Mystère de la Deuxième Vertu, extraits.)

Mon ami Clovis

Clovis a été pour moi un père spirituel et je me souviens avec plaisir et nostalgie, de ces longues heures passées en sa compagnie, soit dans la cuisine familiale ou dans son beau jardin, qu’il entretenait avec tant de soin et où, tous les étés, une place d’honneur était réservée à une statue de la Vierge Marie. Nous discutions de théologie, de l’histoire de l’Eglise, de la vie des saints et des saintes, qui étaient des familiers pour lui. Et jamais je ne me lassais de ces heures passées ensemble.À 78 ans Clovis a été hospitalisé. Son diabète devenait incontrôlable. Il lui restait peu de temps à vivre. J’étais allé le voir à l’hôpital de Joliette. Je vis là, un homme diminué, épuisé par la maladie, mais toujours aussi lucide. Un homme qui savait qu’il ne pourrait pas retourner dans sa maison, qu’il ne reverrait plus son beau jardin où il passait la plus belle partie de ses étés. Sa santé ne lui permettait plus de vivre seul à la maison. Et dès qu’il aurait reçu son congé de l’hôpital, il irait rejoindre « sa » Thérèse qui vivait dans un Centre d’accueil depuis plus d’un an, maman Thérèse que j’aimais beaucoup.

Clovis était un homme de foi, et lorsque je suis allé lui rendre visite, il est vite allé à l’essentiel. Il m’a parlé de Dieu, de sa foi en ce moment d’épreuve. Il m’a parlé de la mort, de sa mort prochaine, me disant que sans vouloir être prétentieux, cette mort ne lui faisait pas vraiment peur. Que l’idée de rencontrer Dieu n’éveillait pas vraiment de crainte en lui. « Je n’ai pas peur de Dieu » me dit-il. « Peut-être devrai-je avoir une certaine crainte », a-t-il poursuivi, « mais Dieu est avant tout un ami pour moi. Je me sens en confiance, il va m’accueillir tel que je suis ».

En écoutant mon ami Clovis, il me venait en mémoire ce passage de la seconde lettre de Paul à Timothée où il lui dit:

« Me voici déjà offert en sacrifice, le moment est venu. Je me suis bien battu, j’ai tenu jusqu’au bout de la course, je suis resté fidèle. Je n’ai plus qu’à recevoir la récompense du vainqueur: dans sa justice, le Seigneur, le juge impartial, me la remettra en ce jour-là, comme à tous ceux qui auront désiré avec amour sa manifestation dans la gloire ».

Tout en me remémorant ce texte, je voyais en cet homme alité, la figure du vieil apôtre Paul, terminant sa course, et moi, j’étais Timothée, poursuivant sa course, écoutant les réflexions et les recommandations d’un homme au terme de sa vie, contemplant déjà le destin qui serait le mien. Je me sentais comme rassuré de me tenir auprès d’un homme qui semblait aussi serein à l’idée de la mort. Avant de le quitter il me demanda de le bénir. Je le bénis avec émotion et je sortis de la chambre, jetant un dernier regard vers lui et il m’envoya tout simplement la main, comme un voyageur sur le quai d’une gare qui s’apprête à prendre le train. Le train pour l’éternité…

Une semaine plus tard avaient lieu les funérailles et la famille me demanda de prêcher à cette occasion. Je rappelai essentiellement ce qu’avait été ma relation avec Clovis, sa grande dignité, sa grande paix face à la mort et je me souviens que j’avais partagé un sentiment qui m’habitait avec l’assemblée, en leur disant que, pour la première fois de ma vie, j’avais vraiment l’impression d’assister aux funérailles d’un chrétien. Non pas que je n’aie vécu cette expérience auparavant. Mais c’était la première fois que je perdais un ami dans la foi, et où j’étais convaincu de l’attachement profond du défunt pour le Christ. Un chrétien venait de mourir et nous célébrions son départ vers la maison du Père en l’accompagnant de nos prières.

À la fin de la célébration, après l’aspersion de l’eau bénite sur le cercueil, les porteurs s’avancèrent, prirent le cercueil et se dirigèrent vers la sortie de la cathédrale, alors que tous les participants demeuraient dans leurs bancs. J’étais donc l’un des seuls à voir s’éloigner la dépouille de mon ami Clovis, me tenant debout face à l’allée centrale. Nous étions au mois de janvier, et je me souviens que l’intérieur de la cathédrale était plus ou moins bien éclairé à cause du peu de fenêtres. Lorsque les porteurs arrivèrent à l’arrière de la cathédrale, ils ouvrirent les portes et là, une lumière aveuglante m’éblouie et envahie tout le hall arrière de la cathédrale. C’était le soleil d’hiver sur une neige fraîchement tombée qui brillait de tous ses feux. Je vis alors le cercueil disparaître dans cette blancheur éclatante. Mon ami Clovis était parti. Il ne restait plus que ce puits de lumière ouvert sur l’infini…

Un grand amour m’attend

Je reviens tout juste d’une absence d’une semaine pendant laquelle j’ai prêché une retraite, d’où mon long silence. En attendant de reprendre la plume, je vous partage ce magnifique texte, d’un auteur anonyme, et qui dit tout :

Ce qui se passera de l’autre côté
Quand tout pour moi
aura basculé dans l’éternité…
Je ne le sais pas !
Je crois, je crois seulement
qu’un grand amour m’attend.

Je sais pourtant qu’alors, pauvre et dépouillé,
je laisserai Dieu peser le poids de ma vie,
mais ne pensez pas que je désespère…
Non, je crois, je crois tellement
qu’un grand amour m’attend.

Si je meurs, ne pleurez pas,
c’est un amour qui me prend paisiblement.
Si j’ai peur… et pourquoi pas ?
Rappelez-moi souvent, simplement,
qu’un grand amour m’attend.

Mon Rédempteur va m’ouvrir la porte,
de la joie, de sa lumière.
Oui, Père, voici que je viens vers toi.
Comme un enfant, je viens me jeter dans ton amour,
ton amour qui m’attend.

Journal de la Trappe (14)

Je n’ai pu compléter ce que j’avais commencé précédemment, mais ce sera pour une autre fois sans doute. Je voulais traiter de la souffrance, du silence de Dieu et, surtout, de l’utilisation que nous faisons de Dieu. Le Dieu « riche en faveurs », nous sommes très à l’aise avec lui, comme notre ami Caillou, mais le Dieu « pauvre », rien à faire! Présentement, je suis en train de lire « Maître Eckhart ou l’empreinte du désert » de Gwendoline Jarczyk et Pierre-Jean Labarrière, un livre un peu exigeant pour mes connaissances en philosophie, mais qui est néanmoins passionnant. Passionnant parce que l’on y aborde toute la mystique de Maître Eckhart sous l’angle du débat intelligence ou volonté pour accéder à Dieu. Voici quelques extraits :

Parlant du travail d’Albert-le-Grand dans sa consultation des œuvres philosophiques païennes :

« Au point de départ, les fidélités n’étaient donc point si tranchées, et nombreux étaient les échanges entre le courant augustinien transcrivant la pensée de Platon en des termes substantiels et la tradition plus « logicienne » de l’Un de Plotin, s’exposant à travers la technique discursive héritée de Boèce. C’est sous une autre forme que s’exacerba la tension, lorsque le néo-platonisme dionysien affirma plus fortement l’identité entre l’être et l’intellect, s’opposant de la sorte au néo-platonisme augustinien, lequel, relayé par saint Bernard puis par les docteurs franciscains, misait sur l’absolu d’un amour caritatif appelé au relais d’une intelligence tenue pour limitée dans ses capacités unitives. » pp. 40-41

Un thème qui traversera donc les sermons de maître Eckhart est celui de la relation entre l’intelligence et la volonté dans l’homme.

« S’il est hors de doute que l’union s’opère chez lui par voie d’intelligence – s’il rejette donc la position de saint Bernard qui en appelle à la volonté pour conclure positivement là où la raison aurait échoué – la connaissance pour lui est lourde d’une affectivité qui n’est pas étrangère à sa perfection intellectuelle. Ce qui invalide… toute opposition catégorique entre sa mystique « spéculative » et la mystique affective préconisée par les héritiers d’Augustin. » p. 41

Dans son sermon no. 9 nous trouvons un énoncé très clair de la position d’Eckhart :

« J’ai dit à l’École que l’intellect est plus noble que la volonté, et cependant tous deux appartiennent à cette lumière. Un maître d’une autre École dit que la volonté est plus noble que l’intellect, car la volonté prend les choses telles qu’elles sont en lui. C’est vrai. Un œil est plus noble en lui-même qu’un œil peint au mur. Mais je dis que l’intellect est plus noble que la volonté. La volonté prend Dieu sous le vêtement de la bonté. L’intellect prend Dieu dans sa nudité, dépouillé de bonté et d’être. » p.53

Mais sa position dernière aurait été de dire que : « L’accomplissement de la béatitude réside dans les deux : la connaissance et l’amour », même si en terme de hiérarchie, « la palme va à l’intellect ».

Je considère ces questions importantes, car elle touche au fondement même de l’expérience de Dieu, que l’être humain est appelé à faire. Si je me rapporte à ma propre expérience je me souviens de ce moment dans mon cheminement de foi où je souhaitais croire, je désirais croire mais en était incapable. J’avais devant moi toute l’histoire du salut, son pourquoi, son comment. Le tout pouvait faire sens, me disais-je, mais ne me convainquait pas! Au mieux, j’aurais pu me dire croyant en arguant que les preuves en faveur de l’existence de Dieu l’emportaient sur celles de sa non-existence, mais je n’aurais pas eu la foi pour autant. Du moins, cette foi qui fait vivre et à laquelle on s’accroche.

C’est parce que j’avais le désir de croire que j’ai accepté d’aller au bout de ce désir en appelant Dieu à mon secours. Et il m’a répondu. J’ai fait l’expérience de son amour. J’ai voulu sa présence et je l’ai connue. Mais c’est une connaissance toute faite d’amour. Avant que je ne l’aime, lui m’a aimé. Telle a été mon expérience de conversion. Mon expérience première de Dieu a été plutôt de cet ordre du désir, de la volonté de croire, que par le biais d’un acte de l’intelligence. Par ailleurs, c’est ma volonté qui a mû mon intelligence dans cette recherche de Dieu. L’intelligence au service de la volonté!

Le but de Maître Eckhart est de ramener l’homme au seul lieu où il soit « un » avec lui-même, et donc avec Dieu; car être en soi c’est être en Dieu, et « ce qui est en Dieu est Dieu ». p.67

Journal de la Trappe (12)

(janvier 20) Je réalise que depuis dix jours j’avais comme un démon sur le dos. Je portais un regard de plus en plus dur et négatif sur ma Province, bien que la situation ne soit pas rose. Mais c’est là où je suis planté. Je me dois donc d’y grandir et d’y espérer.Pour compléter le tout, hier avant de me coucher, je lisais le «De la Considération» de saint Bernard, dans lequel il donne ce conseil au pape Eugène III. Ce texte n’a rien perdu de sa pertinence pour chacun et chacune de nous:

«Et toi donc, dis-le moi, où es-tu jamais libre? Où peux-tu trouver abri? Où peux-tu être toi-même? Partout c’est le vacarme, partout c’est le tumulte; oui, partout tu es accablé par le joug de la servitude.» (5)

«De même, si tu entends te dévouer à tous, à l’exemple de Celui qui s’est fait tout entier à tous, j’approuverai l’humanité de ton dévouement, mais seulement s’il est total. Comment pourrait-il l’être, toi excepté? Tu es un homme, toi aussi. Si tu veux donc que ton humanité soit parfaite et totale, il faut que le sein qui accueille tous les autres te compte toi-même. S’il en était autrement, à quoi te servirait, selon la Parole du Seigneur, de gagner le monde entier en étant seul à te perdre? Alors que tous les autres font leur profit de toi, sois donc, toi aussi, l’un de ceux qui en profitent. Pourquoi serais-tu seul privé du don de toi? Vas-tu, longtemps encore, laisser errer ton cœur sans qu’il revienne? Vas-tu, longtemps encore, refuser de te recevoir toi-même, parmi les autres et à ton tour? Alors que tu te dois aux sages et aux fous, vas-tu te refuser seul à toi-même? L’ignorant et le savant, l’esclave et l’homme libre, le riche et le pauvre, l’homme et la femme, le vieillard et l’adolescent, le clerc et le laïc, le juste et l’impie, tous indistinctement auraient part à toi-même, tous pourraient boire à ton sein comme à une fontaine publique, et toi, seul de tous, tu te tiendrais à l’écart et altéré?»

«…bois, toi aussi, parmi les autres, de l’eau que tu auras puisée à ton propre puits… Rappelle-toi donc, je ne dis pas toujours, je ne dis même pas souvent, mais seulement de temps en temps, que tu te dois aussi à toi-même. Tire profit de toi, sinon avec, du moins après tout le monde. Pourrait-on moins te demander?» [6]

J’ai donc retrouvé une paix que je n’avais plus depuis mon arrivée à la Trappe. Cette journée d’hier a vraiment marquée un retournement. J’attends la suite…

Journal de la Trappe

Il y a quelques années, à l’occasion d’une année sabbatique, j’ai fait un séjour d’un mois chez des trappistes. Je relisais ce journal aujourd’hui, en panne d’inspiration pour mon blogue, et je me suis dit, tiens! pourquoi pas partager ces réflexions avec ceux et celles qui fréquentent mes prés virtuels!Donc, dès demain, je commencerai à vous livrer ce journal, une fois par semaine.

Marie-Joseph Lagrange

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Par ailleurs, je viens de terminer la biographie critique de Marie-Joseph Lagrange, dominicain, illustre fondateur de l’École biblique de Jérusalem, et de l’introduction de la méthode historico-critique dans l’étude de la Bible dans l’Église catholique. Un grand pionner! Un livre très bien documenté, ce n’est pas un roman!, mais d’un grand intérêt pour tous ceux et celles qui s’intéresse à l’exégèse et à l’histoire des études biblique.

Je retiens cette phrase qui exprime bien la grande simplicité du P. Lagrange:

« J’aime entendre l’Évangile chanté par le diacre à l’ambon, au milieu des nuages de l’encens: les paroles pénètrent alors mon âme plus profondément que lorsque je les retrouve dans une discussion de revue. » (Revue biblique, 1892).

Voici ce que l’on a écrit à son sujet dans la Documentation catholique du 3 mai 1992:

« Les évêques se réjouiraient de voir reconnue officiellement sa sainteté. En effet, dans la vie sacerdotale et religieuse, il a su allier, avec un rare équilibre, la vigueur intellectuelle et la vie religieuse. (…) Il a donné aussi un exemple magnifique de liberté et d’humilité dans la recherche de la vérité; il a laissé enfin un témoignage héroïque d’obéissance à l’Église qui en a été constitué la gardienne… Nous pensons que son exemple mérite d’être proposé dans l’Église d’aujourd’hui. Sa béatification inciterait certainement de nombreux chrétiens à se nourrir plus largement de la Parole biblique, à la recevoir dans l’esprit de l’Église et à la faire fructifier dans l’actualité de leur existence. »

Pour en savoir plus: Montagnes, Bernard. Marie-Joseph Lagrange. Une biographie critique. Cerf, 2004.

À voir : « Sophie Scholl – Les derniers jours »

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J’ai eu le bonheur de voir un film magnifique et fort émouvant sur le mouvement de la Rose Blanche en Allemagne nazi et l’un de ses membres les plus célèbre: Sophie Scholl. Il s’agit du film: « Sophie Scholl: Les derniers jours ».Je ne puis que vous recommander ce film. « Couvert de lauriers à la Berlinale 2005, Sophie Scholl y a obtenu l’Ours d’argent du meilleur réalisateur pour Marc Rothemund et celui de la meilleure actrice pour Julia Jentsch, ainsi que le Prix du Jury oecuménique. Sophie Scholl a récolté plus d’un million de spectateurs en Allemagne. »

Ce film nous permet de constater que le peuple allemand commence à regarder de plus en plus son histoire récente à travers ceux et celles qui se sont opposés au nazisme. Ce film nous raconte le combat de la jeune Sophie Scholl âgée de vingt ans et qui s’engage avec son frère et des amis dans un mouvement de résistance pacifique contre le régime nazi nommé la Rose Blanche.

Voici le synopsis du film :

En 1943, pendant que Hitler mène une guerre dévastatrice à travers l’Europe, un groupe d’étudiants forme un mouvement de résistance, La Rose Blanche, appelant à la chute du IIIème Reich. D’obédience pacifique, ces membres propagent des tracts antinazis, couvrant les murs de la ville de slogans, et invitent la jeunesse du pays à se mobiliser. Le 18 février, Hans Scholl et sa soeur Sophie – qui font partie du noyau dur du mouvement – sont aperçus par le concierge de l’université de Munich en train de jeter des centaines de tracts du haut du deuxième étage donnant sur le hall. Ils sont immédiatement appréhendés par la Gestapo et emprisonnés à Stadelheim. Durant les jours suivants, l’interrogatoire de Sophie Scholl est mené par l’agent de la Gestapo Robert Mohr…

« Le film nous offre les yeux et le coeur de Sophie pour vivre cette longue angoisse jusqu’à la condamnation. » (Mario Roy. Radio Canada)

Sophie Scholl a été nominé à l’Oscar du meilleur film étranger en 2006.

Site web officiel

Les témoins de la Shoah

Désolé pour mes lecteurs et mes lectrices de poursuivre sur le thème de la souffrance et de la mort à la veille de Noël, mais un blogue a sa vie propre… J’ai toujours été fasciné par le témoignage des hommes et des femmes qui ont connu le drame de la Shoah et qui en ont témoigné au plan de leur vie spirituelle. Chez des figures lumineuses telles que Édith Stein, Anne Frank et Etty Hillesum s’exprime la vision d’un Dieu qui devrait nous interpeller sur le sens de l’épreuve dans nos vies.

Chez ces personnes l’on retrouve la conception d’un Dieu qui ne sauve pas de l’horreur, mais qui sauve dans l’horreur. Ce rapport à Dieu devrait nous éclairer quant à ce que nous attendons de Dieu dans notre vie. Etty Hillesum va jusqu’à affirmer ce qui suit dans son journal intitulé en français : « Une vie bouleversée » :

12 juillet 1942 : Prière du dimanche matin. Ce sont des temps d’effroi, mon Dieu. Cette nuit pour la première fois, je suis resté éveillée dans le noir, les yeux brûlants, des images de souffrance humaine défilant sans arrêt devant moi. Je vais te promettre une chose mon, Dieu, oh, une broutille: je me garderai de suspendre au jour présent, comme autant de poids, les angoisses que m’inspire l’avenir; mais cela demande un certain entraînement. Pour l’instant, à chaque jour suffit sa peine. Je vais t’aider, mon Dieu, à ne pas t’éteindre en moi, mais je ne puis rien garantir d’avance. Une chose cependant m’apparaît de plus en plus claire: ce n’est pas toi qui peut nous aider, mais nous qui pouvons t’aider – et ce faisant nous nous aidons nous-mêmes. C’est tout ce qu’il nous est possible de sauver en cette époque et c’est aussi la seule chose qui compte: un peu de toi en nous, mon Dieu. Peut-être pourrons-nous aussi contribuer à te mettre au jour dans les coeurs martyrisés des autres. Oui, mon Dieu, tu sembles assez peu capable de modifier une situation finalement indissociable de cette vie. Je ne t’en demande pas compte, c’est à toi au contraire de nous appeler à rendre des comptes, un jour. Il m’apparaît de plus en plus clairement à chaque pulsation de mon coeur que tu ne peux pas nous aider, mais que c’est à nous de t’aider et de défendre jusqu’au bout la demeure qui t’abrite en nous.

Au moment où elle écrit ces lignes Etty n’a que 28 ans. Elle mourra assassinée au camp d’Auschwitz le 30 novembre 1943.

Conduis-moi, douce lumière

Conduis-moi, douce lumière,
A travers les ténèbres qui m’encerclent.
Conduis-moi, toi, toujours plus avant!

Garde mes pas: je ne demande pas à voir déjà
Ce qu’on doit voir là-bas : un seul pas à la fois
C’est bien assez pour moi.

Je n’ai pas toujours été ainsi
Et je n’ai pas toujours prié
Pour que tu me conduises, toi, toujours plus avant.

J’aimais choisir et voir mon sentier;
mais maintenant :
Conduis-moi, toi, toujours plus avant!

Si longuement ta puissance m’a béni!
Sûrement elle saura encore
Me conduire toujours plus avant.

Par la lande et le marécage,
Sur le rocher abrupt et le flot du torrent
Jusqu’à ce que la nuit s’en soit allée…

Conduis-moi, douce lumière,
Conduis-moi, toujours plus avant !

John Henri Newman

L’ami Stéphane n’est plus

L’ami pour qui je priais, pour qui tant d’amis-ies et de proches ont prié, n’est plus. Il s’est éteint hier soir à l’hôpital du Sacré-Coeur de Montréal à 16h45. J’ai pu le voir sur son lit de mort. Calme et serein enfin. Soulagé de cette douleur insoutenable qui le tenaillait depuis quelques semaines. Désormais il est entré dans l’éternité de Dieu. C’est maintenant l’Heure du grand Amour, la réponse définitive à cette foi au Dieu de Jésus-Christ à laquelle il a toujours été d’une fidélité inébranlabe. Il ne me reste plus qu’à te souhaiter « Adieu Stéphane ». Ma prière t’accompagne.

Lettre de Bolivie

Dominique, une jeune catholique de 29 ans, originaire de Montréal, s’est envolée vers la Bolivie dans le cadre d’un projet missionnaire laïc sous la responsabilité des Missionnaires de l’Immaculée Conception (M.I.C.). C’est un engagement de deux années. Dominique illustre bien cette nouvelle jeunesse de l’église qui n’a pa froid aux yeux et qui ne recule pas devant l’engagement et le service des autres. À sa manière Dominique évoque pour moi la figure d’une Madeleine Delbrêl. Déjà elle est confrontée à la question de la pauvreté qui l’entoure et elle partage la réflexion suivante avec ses amis:

« Ce qui est aussi très confrontant pour moi est de m’apercevoir que je mange trois bons repas par jour, que je vis dans une maison comfortable avec toutes les commodités pendant que des personnes à quelques 100 mètres de la maison doivent mendier pour survivre et faire vivre leur famille. Cette confrontation quotidienne est difficile à vivre parfois, car je sais bien que la misère est une situation qu’il faut éradiquer et non pas épouser, mais le contraste entre ma vie et la leur est parfois tellement flagrant que la culpabilité me gagne.

Il est clair que durant mes deux ans ici, j’aurai tout un processus de croissance à vivre par rapport à cette réalité. Comment passer de la culpabilité à la compassion? De l’impuissance à la conscientisation et à l’action? Je suis venue ici pour connaître un autre peuple et vivre en solidarité avec lui. Mais jusqu’où suis-je prête à aller dans cette solidarité? Voilà quelques questions qui m’habitent ces jours-ci…

Je passerai ce temps de Noël dans différents villages reculés de la région du Chaparé à 5 heures au nord de Cochabamba. Nous sommes quelques laïques et religieuses M.I.C à aller animer des catéchèses et des célébrations de la parole pour des communautés chrétiennes plutôt isolées. »

Chère Dominique ma prière t’accompagne.Fin de l'article

P.S. Pour aider Dominique vous pouvez faire parvenir votre don au nom de :
Procure des missions M.I.C.
Projet laïcat missionnaire : Bolivie
121, ave Maplewood
Outremont, Qc. H2V 2M2
Canada

Violence et religions

La lettre d’un prêtre qui s’en va en mission dans un pays du Moyen-Orient m’habite ce matin. Ce dernier dit avoir peur des islamistes. Il me demande de prier pour lui. Je repense ici à Mgr Pierre Claverie, o.p., évêque d’Alger, assassiné en 1996, qui parlait de la prière chrétienne comme d’un dialogue (voir le texte). Le dialogue n’est certainement pas facile quand on craint pour sa vie. C’est là le défi de vivre en disciple du Christ.

Les craintes de ce prêtre ne sont certainement pas sans fondement. La situation des chrétiens et des chrétiennes en pays musulmans est souvent déplorable. Pourtant ils y vivent avec beaucoup de courage et font preuve d’une foi qui est parfois de la trempe des saints.

Au noviciat des dominicains à Mossoul en Iraq, le maître des novices me décrivait la situation là-bas, en avril 2005, en me disant que c’était un peu plus calme maintenant. Il n’était plus nécessaire de garder les armes à portée de mains dans le couvent… Bien sûr quelques roquettes sont tombées à proximité de l’église lors de la Vigile pascale, mais la célébration a pu se dérouler sans autres incidents!

Quelle caricature de Dieu peut bien alimenter les rêves et les fantasmes des violents, toutes religions confondues? Jésus nous dit : « Je suis parmi vous comme celui qui sert. »

Fête de l’Immaculée Conception

« Aie honte, mon âme, en voyant que Dieu s’est apparenté à toi en Marie. Aujourd’hui t’est montré que, bien que tu sois faite sans toi, tu ne seras pas sauvée sans toi, d’où, comme il est dit, aujourd’hui Dieu frappe à la porte de Marie et attend qu’elle lui ouvre » Catherine de Sienne,

« Chaque âme fidèle aussi est épouse du Verbe de Dieu, mère, fille et soeur du Christ. Chaque âme fidèle doit être dite vierge et féconde. La même chose est donc dite universellement pour l’Église, spécialement pour Marie, singulièrement pour l’âme fidèle… » Isaac de l’Étoile.

« Seigneur, ton ami est malade. »

Un ami très cher est atteint d’un cancer. J’ai peur pour lui. J’ai déjà travaillé en milieu hospitalier, j’ai vu des gens mourir et chaque fois que cette menace de la mort se présentait je demandais la guérison dans ma prière, le miracle. Mais le miracle n’était pas souvent au rendez-vous.

« Tout ce que vous demanderez en mon nom… », dit Jésus. Et pourtant toutes ces prières, comme des bouteilles jetées à la mer, qui semblent rester sans réponse. Mais n’a-t-il pas suffit que Marie, la sœur de Lazare, dise à Jésus: « Seigneur, ton ami est malade », pour qu’il vienne le guérir?

En priant pour cet ami, j’ai compris quelque chose de nouveau à la prière. Alors que ma prière se faisait insistante pour que le Seigneur guérisse mon ami, j’ai compris que ma prière avait aussi comme fonction de soutenir cet ami, de veiller avec lui. Comme si Dieu me demandait de le laisser habiter ma prière afin qu’à travers moi Il soutienne mon ami qui souffre. Une invitation à veiller avec l’ami malade dans la prière.

C’est comme si un nouvel éclairage sur la prière m’avait été donné. Il ne suffit pas de dire « Seigneur, Seigneur ». Il faut aussi veiller avec lui à Gethsémani, le Gethsémani de toutes les souffrances humaines. N’est-ce pas là la vocation bien particulière des monastères à travers le monde?

C’est là quelque chose qui demande bien plus de temps que la simple demande de guérison au Seigneur, dans une formule rapide et toute faite. C’est plus engageant aussi, plus fatiguant, plus couteux. La preuve en est que je n’ai pas mis le temps que j’aurais voulu jusqu’à maintenant. Écouter un ami qui souffre prend du temps. Prier pour lui aussi. Peut-être est-ce là le vrai sens de la prière d’intercession?…

Je vous confie cet ami. Je sais que son drame n’est qu’une gouttelette sur cet océan de misères humaines. Pourquoi lui plus qu’un autre? Pourquoi pas! Il faut bien commencer quelque part, là où la misère humaine nous frappe de plein fouet. Je pense qu’on entre alors dans le combat de Dieu.