Homélie pour le 10e dimanche (B)

À la fin de sa vie, c’est le théologien français, Claude Geffré, un dominicain, qui décrivait avec des mots tout simples, le mystère d’amour au cœur de sa vie de croyant : « Désirer Dieu, disait-il, c’est désirer d’abord que Dieu soit Dieu dans ma vie, parce qu’il est mon tout, mon bonheur et ma fin ».

« Il est mon tout, mon bonheur et ma fin. » Comme on voudrait nous aussi faire nôtre cette profession de foi. Mais laisser Dieu être Dieu dans nos vies, nous le savons trop bien, relève d’un combat de tous les instants au gré des événements, des rencontres, des contrariétés qui marquent nos vies, car il nous arrive de perdre ce désir que Dieu soit Dieu dans nos vies, de perdre Dieu de vue, alors que nous sommes tentés de n’écouter que nos passions et nos colères, au détriment même des valeurs qui nous sont les plus chères, au détriment même de ce que nous sommes appelés à devenir en tant qu’enfants de Dieu.

C’est là le drame d’Adam et Ève dans notre première lecture. Nous voyons apparaître dès les toutes premières pages de la Bible la tentation d’un monde sans Dieu, d’un monde qui ne croit qu’en lui-même, qui s’attache aux illusions du moment, et qui cherche à se construire en dehors de tout principe de vie capable de fonder son existence. 

C’est cette tentation qui s’exprime dans le récit de la Genèse, alors qu’Adam et Ève sont invités par le serpent à s’approprier le fruit de la connaissance du bien et du mal, et ainsi à se construire en dehors de toute référence à Dieu. C’est l’exégète Marie-Noël Thabut qui appelle ce fruit, le fruit « de la connaissance de ce qui rend heureux ou malheureux ». 

Alors que le serpent promettait à Adam et Ève qu’ils seraient comme des dieux s’ils en mangeaient, ils font plutôt l’expérience qu’ils sont nus, conséquence d’une vie loin de Dieu et de sa volonté. Car on ne peut s’approprier cette sagesse de l’arbre de la connaissance comme si nous pouvions nous construire nous-mêmes. Cette sagesse de ce qui peut rendre heureux ou malheureux nous vient de Dieu. Il faut donc savoir choisir sur quoi et sur qui nous voulons bâtir nos vies.

C’est cet enjeu que la première lecture de ce dimanche ainsi que l’Évangile, veulent mettre en évidence à travers le personnage du Satan, de Béelzéboul, c’est-à-dire celui qui est l’ennemi, le tentateur, l’adversaire de Dieu.

Les deux récits nous parlent d’un affrontement entre Dieu et les forces du mal où malgré la chute de nos premiers parents dans le récit de la Genèse, la victoire nous est déjà promise. C’est ainsi que Dieu dit au serpent :

Je mettrai une hostilité entre toi et la femme,
entre ta descendance et sa descendance :
celle-ci te meurtrira la tête,
et toi, tu lui meurtriras le talon. 

Il est question ici d’un combat à mener par la descendance de la première Ève, un combat où nous ne sortirons pas indemne, nous dit le récit, blessés certainement, mais où la victoire est quand même assurée puisque le serpent verra sa tête écrasée. La tradition chrétienne, relisant ce texte, y a vu une annonce lointaine de la victoire de celle que l’on appelle la Nouvelle Ève, la Vierge Marie. À tel point qu’on a parlé ici (…) d’un « pré-évangile », annonçant déjà la venue d’un Sauveur. 

C’est cette victoire qui trouve déjà un certain accomplissement dans l’évangile de ce jour où nous voyons Jésus comparer son action de guérison à une victoire sur le mal, une victoire sur Satan, alors qu’on l’accuse d’être un possédé. Il se présente comme celui qui est le plus fort, celui qui est capable de lier Satan et d’expulser les démons.

Ce qui se dégage de nos deux récits, c’est à quel point Dieu est en réaction contre le mal, un mal qu’il combat puisqu’il ne vient pas de lui. C’est le Satan qui en est la cause et cela est bien mis en évidence dans le récit de la Genèse. Dieu s’insurge contre la décision d’Adam et Ève de lui désobéir, de se faire l’allier du serpent, car il sait trop bien qu’elles en seront les conséquences. Dieu va donc maudire le serpent, tout en avertissant Adam et Ève des conditions sévères de leur nouvelle existence à cause de leur choix. Mais malgré leur désobéissance, il continuera de veiller sur eux, les revêtant même de tuniques de peaux, nous dit le récit, en attendant le jour où ils seront de nouveau revêtus de sa gloire, ce jour où le serpent sera définitivement vaincu.

Le récit évangélique de ce dimanche illustre bien cette victoire que Jésus ressuscité vient accomplir en nos vies avec l’enjeu du combat qui s’y déroule entre lui et les démons. Au cœur de nos faiblesses et de nos vies fragiles aux prises avec le péché, « nous le savons, dit saint Paul, celui qui a ressuscité le Seigneur Jésus nous ressuscitera, nous aussi, avec Jésus. Car notre détresse du moment présent est légère par rapport au poids vraiment incomparable de gloire éternelle qu’elle produit pour nous. »

Mais ces promesses se heurtent trop souvent à nos vies assiégées par les deuils et les peines, par des violences et des outrages de toutes sortes. La tentation du découragement nous guette toujours, et s’il nous faut chercher dans les textes de ce dimanche un motif d’espérance et de réjouissance, c’est quand Jésus dit de nous que nous sommes pour lui un frère, une sœur et une mère quand nous arrimons nos vies à son évangile. 

C’est là une affirmation très forte pour décrire l’intimité que Jésus vient nouer avec nous : frère, sœur, mère ! Nous sommes de la famille du Christ, qui est toujours avec nous. 

Frères et sœurs, c’est là, la promesse irrévocable du Christ qui nous aime par-dessus tout et qui nous appelle ses amis, ses proches. Et c’est cette espérance gravée au plus profond de nos cœurs qui nous donne force et courage dans notre lutte contre le mal, qui nous fait tenir bon et toujours désirer que Dieu soit Dieu dans nos vies, parce qu’il est notre tout, notre bonheur et notre fin. 

Que ce soit là notre joie !

Fr. Yves Bériault, o.p.

2 Réponses

  1. Cher Yves,

    Vous nous avez déjà parlé de l’Espérance comme la petite vertu qui, si j’ai bien compris, est en quelque sorte celle qui tire la Charité et la Foi par la main. Une chance qu’on l’a l’Espérance quand on voit le monde et ses innombrables misères ! Cher Moine ruminant, vous savez toujours trover les mots pour nous encourager.

    Mon Dieu, qu’elle soit faite Ta volonté, car elle ne peut pas être mauvaise puisque Toi, Tu es bon.

    Mille mercis.

    Richard Dufresne

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