«Il a perdu la tête». Samedi matin. Méditation évangélique.

Évangile de Jésus Christ selon saint Marc 3, 20-21

En ce temps-là,
    Jésus revint à la maison,
où de nouveau la foule se rassembla,
si bien qu’il n’était même pas possible de manger.
    Les gens de chez lui, l’apprenant,
vinrent pour se saisir de lui,
car ils affirmaient :
« Il a perdu la tête. »

MÉDITATION

« Il a perdu la tête. » Voilà un sujet d’homélie qu’on n’entend pas souvent. D’ailleurs, l’évangile du jour ne consiste qu’en quelques mots pour nous faire part d’un certain ras-le-bol de la famille de Jésus. Et je dirais que la question que soulève cet évangile ce matin, c’est de savoir si nous participons nous aussi à cette folie. C’est en examinant la vie terrestre de Jésus tout d’abord que nous trouvons réponse à cette question pour nous-mêmes.

Car Jésus n’est pas un être désincarné, lui-même a vécu notre réalité humaine à l’école de Joseph et de Marie. On l’appelait le fils du charpentier. On voit à travers ses paraboles et ses enseignements, combien il avait appris à fouler la terre, à se salir les mains. Il savait qu’une maison ne pouvait se construire que sur une base solide, qu’une vigne avait besoin d’être émondée, et avait besoin de fumier pour porter du fruit ; qu’une semence devait être jetée sur une bonne terre, que le bon vin était fait pour la fête, que le pain rassasiait la faim des hommes, que l’on pouvait prévoir le temps qu’il ferait demain en regardant l’horizon. Jésus savait où jeter le filet pour la pêche, il savait aussi jeter son regard dans les cœurs, il savait combien la peine pouvait nous peser, combien le pardon et l’amitié pouvaient être bienfaisants dans nos vies, il savait surtout combien nous avions besoin de nous ouvrir à l’amour de Dieu et au prochain. Il en a fait sa passion.

C’est de cette bonne nouvelle dont Jésus est venu nous parler en marchant avec nous. Ce Jésus, vous et moi, nous l’aimons depuis longtemps sans doute, du moins pour plusieurs d’entre nous. Anciens de l’évangile ou néophytes, nous nous sommes attachés à ses pas, à ses paroles; nous avons voulu prendre au sérieux le sérieux de son évangile, qui trop souvent est folie aux yeux du monde, comme le démontre si bien le récit de ce jour.

Nous le savons trop bien, et nous en faisons souvent l’expérience, pour beaucoup la foi en Dieu est folie, illusion. Mais comment blâmer ces personnes alors qu’elles parlent d’une réalité qu’elles ne connaissent pas ou si peu. 

Dans l’évangile, Jésus va poursuivre sa mission malgré l’incompréhension qu’il suscite dans sa famille et autour de lui. Et il nous invite à faire de même, là où nous sommes. 

Appelés à lancer le filet avec le Christ, je garde cette conviction que l’Évangile doit tout d’abord se transmettre par le filet de la contagion, plutôt que celui de la persuasion ; par le filet de l’accueil et de la bienveillance, avant même celui de l’annonce du Credo qui charpente notre foi. La mission qui s’impose à nous sera toujours celle d’un amour appelé à tout donner, un amour qui ne garde rien pour lui-même, comme Jésus en a témoigné. C’est à cette folie que nous sommes appelés.

C’est pourquoi notre mission à nous, frères et sœurs, se vivra dans la cité, là où nous levons les voiles chaque matin. Où chaque parole bienveillante, chaque mot d’encouragement, chaque marque de tendresse et de réconfort, tout geste de réconciliation, le moindre petit service, le travail quotidien fait consciencieusement, le temps donné gratuitement, l’écoute généreuse et attentive de celui ou de celle qui souffre, ce seront là mille et une manières de signifier ce trop-plein d’amour que l’esprit du Christ déverse en nos cœurs, lui qui nous aimes à la folie. Et si notre manière de vivre nous fait passer pour des fous, ainsi soit-il!

fr. Yves Bériault, o.p. Dominicain

2 Réponses

  1. Oui, vivement de cette folie qui pourrait améliorer la situation actuelle de notre monde au cœur de la cité.

    L.R.-M.

  2. Cher frère Yves,

    Encore un texte magnifique tout aussi inspiré qu’inspirant dont vous avez avez le secret ! À partir d’un extrait d’Évangile qui nous laisse perplexes, vous nous illustrez comment la « folie » de Jésus n’est pas si folle que ça. Merci de nous donner le goût d’être aussi « fou » que Jésus.

    Richard Dufresne

Répondre à liseyvessympaticoca Annuler la réponse