Le Noël des marchands

Noël est l’un de ces temps de l’année où le mystère frappe à notre porte. Villes et villages, un peu partout dans le monde, soulignent l’événement. Mais il faut bien l’avouer, trop souvent le sens de la fête est perdu. Et le tourbillon du temps des fêtes en vient même à lasser les chrétiens et les chrétiennes pour qui cette fête marque pourtant la naissance de leur Seigneur et Sauveur. La fête de Noël fait maintenant partie du patrimoine humain. Aucune fête chrétienne n’a connu une telle popularité, bien que la fête de Pâques soit la plus grande des fêtes chrétiennes. Un enfant dans un berceau c’est tout de même plus fascinant qu’un homme cloué sur une croix! C’est pourquoi ce temps de l’année marque une convergence de traditions et de représentations qui ne semblent pas toujours faire bon ménage les unes avec les autres.Pour certains, Noël évoque surtout les souvenirs féeriques, réels ou imaginaires, des Noëls de l’enfance. Ces souvenirs évoquent souvent la nostalgie d’une fête dont on n’arrive plus à retrouver le sens. Les gens de cette catégorie ont souvent le Noël triste comme l’on dit de quelqu’un qu’il a le vin triste.

Il y a aussi le Noël des chrétiens, fête de la Nativité, qui n’a de sens que pour ceux et celles qui croient en l’Enfant-Dieu. Même dans cette catégorie il y en a qui ont perdu le sens de la fête. Ils jugent trop superficiel tout ce qui entoure Noël et ils ont parfois le sentiment de s’être fait voler leur fête!

Il y a enfin le Noël pour tous, le Noël démocratisé qui remporte la faveur populaire et qui conjugue sans difficulté la dinde de Noël, la course effrénée aux cadeaux et, à l’occasion, lorsque le temps le permet, une messe de minuit.

Pourtant, même ce Noël, que certains appellent le Noël des marchands, est porteur de sens et rejoint l’être humain dans ses aspirations les plus profondes par certaines de ses facettes. Il ne faudrait pas oublier que ce dernier-né des manifestations de la fête de Noël est marqué profondément par le christianisme. Il ne faudrait pas le renier trop facilement et l’envoyer coucher dans l’étable. Ce Noël sécularisé, celui que nous connaissons tous, est souvent un moment privilégié pour les réconciliations, l’accueil de l’autre et le don de soi. Quoi qu’il en paraisse, le Noël des marchands est souvent un Noël de générosité toute simple, sans prétention, par lequel les gens cherchent à se donner un temps de bonheur ensemble, à faire sens du temps qui passe en s’ouvrant à l’autre. Et ce bonheur, notre société, bien qu’elle se veuille laïcisée, elle le trouve près de la crèche.

Le Noël des marchands est une fête qui éveille le goût de donner chez les gens, surtout de se donner, ce qui explique sans doute pourquoi Noël est l’un des temps de l’année où les bénévoles se font les plus nombreux aux portes des organismes caritatifs de toutes sortes. En dépit de ses dérives, n’est-ce pas là une preuve que le Noël des marchands est une fête qui est toute proche de ses racines évangéliques et qui, lorsque bien vécu, peut devenir un prolongement tout naturel de la célébration liturgique que nous en faisons en Église.

Et pourquoi ne pas faire de ce Noël 2011 un vrai Noël de marchands, un Noël de marchands de bonheur accueillant dans leurs maisons ceux qui sont seuls, donnant un peu de nos tables à ceux qui ont faim, ouvrant nos cours à la réconciliation et au partage. Car n’est-ce pas là une conséquence inévitable du sens de cette fête. Ceux et celles qui se mettent à la suite de l’Enfant-Dieu se doivent d’être habités de sa générosité à Lui, car Noël c’est la fête de la générosité surabondante de Dieu. C’est Dieu qui se donne à nous! C’est Dieu-avec-nous et pour le monde : l’Emmanuel!

Yves Bériaut, o.p.

2 Réponses

  1. Merci pour cette réflexion très juste.

    Noël: la surabondance de l’Amour, la Joie de la Vie, le vif Espoir, la Rencontre attendue… Alleluia voici l’Emmanuel!

    Bien sûr, les marchands ont été et sont avides, visibles à toutes les époques.

    Inventer un Noël vrai, chaleureux, une nuit inhabituelle où il fait bon être ensemble. Tenter d’y arriver. Nous sommes parfois si malhabiles! Le temps merveilleux de la Naissance rejoint tous les humains.

    J’irai chanter les messes de Noël au monastère près de chez moi.
    Je réveillonnerai le 24 avec mes enfants et mes petits-enfants!

    Comment ne pas aimer Noël?

    Un très beau Noël à vous, entouré de vos frères dominicains.

  2. A la vieille de Noël, votre texte, plein de joie et d’ouverture à l’autre, découvre et souligne l’essentiel de cette fête au coeur de la modernité qui ne résonne pas toujours avec religiosité. Merci de nous ouvrir à cet enthousiasme du coeur et de balayer du même coup les ombres porteés par une société marchande surconsommatrice, oublieuse de la raison même de la fête qu’elle célèbre.

    Vous avez raison, « ce Noël marchand est souvent un Noël de générosité toute simple ».
    Pourtant, comment ne pas se demander ce qu’il advient d’un dogme ou d’une fête quand le sens premier en est perdu.

    Au fond, la question que me pose votre texte est la suivante : qu’est le plus important, partager la joie et la charité au nom de notre foi en Dieu ou partager la joie et la charité qu’elles soient ou non initiées par la foi? L’oeuvre de Dieu se prolongerait sans pour autant que Dieu soit présent dans les consciences. Toutes les voies sont alors possibles, le laïc, la conscience sans Dieu, prend le relais du religieux, la conscience avec Dieu, pour réaliser le règne de Dieu.

    La réalisation du Royaume est en marche dès que la mise en pratique des Béatitudes se produit avec Dieu ou sans Dieu dans les consciences. Dieu se passe de la conscience des hommes en quelque sorte.

    C’est là ce qui heurte mes modestes représentations.

    Mais arriver à faire la volonté de Dieu sans Le reconnaître est assez fantastique, non?!
    Alors, en avant !

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