Homélie pour le 32e dimanche. Année C

hellenkeller

Évangile de Jésus Christ selon saint Luc 20,27-38.
En ce temps-là, quelques sadducéens – ceux qui soutiennent qu’il n’y a pas de résurrection – s’approchèrent de Jésus
et l’interrogèrent : « Maître, Moïse nous a prescrit : ‘Si un homme a un frère qui meurt en laissant une épouse mais pas d’enfant, il doit épouser la veuve pour susciter une descendance à son frère.’
Or, il y avait sept frères : le premier se maria et mourut sans enfant ;
de même le deuxième,
puis le troisième épousèrent la veuve, et ainsi tous les sept : ils moururent sans laisser d’enfants.
Finalement la femme mourut aussi.
Eh bien, à la résurrection, cette femme-là, duquel d’entre eux sera-t-elle l’épouse, puisque les sept l’ont eue pour épouse ? »
Jésus leur répondit : « Les enfants de ce monde prennent femme et mari.
Mais ceux qui ont été jugés dignes d’avoir part au monde à venir et à la résurrection d’entre les morts ne prennent ni femme ni mari,
car ils ne peuvent plus mourir : ils sont semblables aux anges, ils sont enfants de Dieu et enfants de la résurrection.
Que les morts ressuscitent, Moïse lui-même le fait comprendre dans le récit du buisson ardent, quand il appelle le Seigneur ‘le Dieu d’Abraham, Dieu d’Isaac, Dieu de Jacob.’
Il n’est pas le Dieu des morts, mais des vivants. Tous, en effet, vivent pour lui. »

COMMENTAIRE

Fondamentalement, la Parole de Dieu nous raconte toujours la même histoire, soit l’histoire d’un Dieu qui nous aime à en mourir, et qui veut nous voir vivre éternellement avec lui. C’est ainsi qu’il nous prend sans cesse par la main afin de nous accompagner dans notre découverte du sens de cette vie qu’il nous a donnée.

Notre histoire ressemble un peu à celle de cette femme sourde, muette et aveugle qui devint écrivaine, et qui raconte un évènement de son enfance des plus inspirant, qui peut nous éclairer quant à la manière dont Dieu se révèle à nous. Cette femme s’appelle Helen Keller, une Américaine, et elle raconte dans son autobiographie, alors qu’elle était enfant, comment son institutrice l’avait éveillée à la vie en s’assoyant avec elle un jour près d’un puits. Voici ce qu’elle raconte :

« Nous descendîmes le sentier qui menait au puits, attirés par le parfum épandu dans l’air ambiant par le chèvrefeuille qui formait un dôme au-dessus du puits. Quelqu’un était précisément occupé à tirer de l’eau, et mon institutrice me plaça la main sous le jet du seau qu’on vidait. Tandis que je goûtais la sensation de cette eau fraîche, Miss Sullivan traça dans ma main restée libre le mot eau, d’abord lentement, puis plus vite. Je restais immobile, toute mon attention concentrée sur les mouvements de ses doigts. Soudain, il me vint un souvenir imprécis comme de quelque chose depuis longtemps oublié et, d’un seul coup, le mystère du langage me fut révélé. Je savais maintenant, que e-a-u désignait ce quelque chose de frais qui coulait dans ma main. Ce mot avait une vie, il faisait la lumière dans mon esprit qu’il libérait en l’emplissant de joie et d’espérance. Il me restait bien des obstacles à franchir, il est vrai, mais j’étais pénétrée de cette conviction qu’avec le temps j’y parviendrais.[1] »

Nous aussi, il nous reste bien des obstacles à franchir avant de tout comprendre du mystère de nos vies. C’est un travail d’enfantement qui s’opère en nous, où progressivement le mystère du langage de Dieu se dévoile à nos cœurs et à nos intelligences. Comme cette femme sourde, muette et aveugle, Dieu nous prend par la main afin de nous aider à comprendre quelle est notre destinée et combien nous sommes aimés. C’est ce que Jésus tente de faire à nouveau dans l’évangile de ce jour.

On le voit confronté à des opposants, des sadducéens, qui remettent en question la résurrection des morts, l’existence d’une vie éternelle. Pourtant ces hommes croient en Dieu, mais ce qu’il faut savoir c’est que la tradition hébraïque a mis des siècles avant de voir apparaitre dans ses écrits sacrés la possibilité d’une survie après la mort. Jusque-là, pour le Juif fidèle, la foi en Dieu était uniquement pour cette vie. L’on croyait en Dieu afin que la vie ici-bas soit pleinement vécue, dans la santé, dans l’abondance, avec une grande descendance. Tel était le sens de la vie : une vie bénie et comblée de jours, mais sans lendemain.

En Israël, c’est à l’époque de la révolte contre l’occupant grec, au IIe siècle avant Jésus Christ, qu’apparait à travers le livre des Martyrs d’Israël, une première affirmation de la résurrection des morts. Face à la persécution, ces martyrs entrevoient la mort comme un passage vers une vie nouvelle, une vie transfigurée. On peut bien leur arracher la vie corporelle, mais pour eux, le Dieu créateur est aussi celui qui ressuscite.

Ce que les fidèles de la Bible découvrent à travers ses récits et son histoire, c’est que la vie vient de Dieu et il peut la susciter où il veut. Que ce soit dans le désert de l’Exode, dans les maladies du corps et de l’âme, dans la stérilité, et même après la mort. C’est là le témoignage que donne Jésus à travers sa vie et son ministère, alors qu’il affirmera que Dieu n’est pas le Dieu des morts, mais le Dieu des vivants.

L’évangile de ce dimanche vient à point nommé en ce mois de novembre, appelé le mois des morts. Nous sommes particulièrement invités pendant ce mois à honorer nos défunts, à prier pour eux, à leur rendre visite au cimetière. C’est là une tradition très ancienne dans l’Église. Nous avons toujours eu beaucoup de respect pour nos défunts, car nous les savons en chemin vers les demeures éternelles. Ils nous y précèdent et ils nous y accompagnent. C’est là un grand mystère qui se dresse devant nous que celui de la mort. Nous le savons, la mort en elle-même est un mal, mais Jésus nous invite à porter nos regards au-delà de la mort, car le Dieu fidèle ne saurait nous abandonner. La mort ne saurait avoir le dernier mot.

La résurrection du Christ n’est pas seulement le dénouement heureux de son histoire personnelle : elle est le premier matin de la victoire de l’humanité sur la mort ; le premier-né est entré dans la vie qui ne finit pas. La mort n’est plus un mur, elle est une porte… et nous nous y engouffrons derrière lui.[2] » Comme l’affirme Jésus dans l’évangile de ce dimanche, « nous sommes héritiers de la résurrection », et toute sa vie ne visait qu’à nous amener à cet accomplissement.

Aujourd’hui comme hier, tout comme cette femme sourde, muette et aveugle, Jésus nous prend par la main et chaque jour il trace sur nos vies et dans nos cœurs, les signes de sa présence afin de nous donner de goûter cette vie nouvelle qui est déjà commencée. Telle est la fidélité de Dieu à notre endroit.

C’est cette fidélité que nous célébrons en ce dimanche et pour laquelle nous rendons grâce avec tous ceux et celles qui nous ont précédés dans les demeures éternelles. Amen.

Yves Bériault, o.p.
Dominicain. Ordre des prêcheurs

[1] KELLER, Hellen. Sourde, muette, aveugle. Paris, Petite Bibliothèque Payot. 2001.

[2] Marie Noëlle Thabut. Commentaire de 1 Corinthiens 15, 12-20.

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