Évangile de Jésus Christ selon saint Jean
En ce temps-là,
Jésus disait aux Juifs :
« Si c’est moi qui me rends témoignage,
mon témoignage n’est pas vrai ;
c’est un autre qui me rend témoignage,
et je sais que le témoignage qu’il me rend est vrai.
Vous avez envoyé une délégation auprès de Jean le Baptiste,
et il a rendu témoignage à la vérité.
Moi, ce n’est pas d’un homme que je reçois le témoignage,
mais je parle ainsi pour que vous soyez sauvés.
Jean était la lampe qui brûle et qui brille,
et vous avez voulu vous réjouir un moment à sa lumière.
Mais j’ai pour moi un témoignage plus grand que celui de Jean :
ce sont les œuvres que le Père m’a donné d’accomplir ;
les œuvres mêmes que je fais
témoignent que le Père m’a envoyé.
Et le Père qui m’a envoyé,
lui, m’a rendu témoignage.
Vous n’avez jamais entendu sa voix,
vous n’avez jamais vu sa face,
et vous ne laissez pas sa parole demeurer en vous,
puisque vous ne croyez pas en celui que le Père a envoyé.
Vous scrutez les Écritures
parce que vous pensez y trouver la vie éternelle ;
or, ce sont les Écritures qui me rendent témoignage,
et vous ne voulez pas venir à moi
pour avoir la vie !
La gloire, je ne la reçois pas des hommes ;
d’ailleurs je vous connais :
vous n’avez pas en vous l’amour de Dieu.
Moi, je suis venu au nom de mon Père,
et vous ne me recevez pas ;
qu’un autre vienne en son propre nom,
celui-là, vous le recevrez !
Comment pourriez-vous croire,
vous qui recevez votre gloire les uns des autres,
et qui ne cherchez pas la gloire qui vient du Dieu unique ?
Ne pensez pas que c’est moi
qui vous accuserai devant le Père.
Votre accusateur, c’est Moïse,
en qui vous avez mis votre espérance.
Si vous croyiez Moïse,
vous me croiriez aussi,
car c’est à mon sujet qu’il a écrit.
Mais si vous ne croyez pas ses écrits,
comment croirez-vous mes paroles ? »
COMMENTAIRE
C’est saint Basile dans sa règle monastique qui fait cette affirmation à laquelle je souscris entièrement : «L’amour envers Dieu n’est pas matière d’enseignement. Car personne, dit-il, ne nous a enseigné à jouir de la lumière, à aimer la vie, à chérir ceux qui nous ont mis au monde ou qui nous ont élevés.» On voit bien qu’il est question ici d’un processus de vie qui est à l’œuvre en nous, mais auquel nous pouvons aussi nous opposer. C’est le reproche que fait Jésus à ses opposants dans l’évangile aujourd’hui. «Vous n’avez pas en vous l’amour de Dieu», leur dit-il.
On peut bien entendre parler à profusion de l’amour de Dieu, comme on le fait dans nos églises, mais il ne suffit pas d’entendre. Il faut surtout vouloir connaître celui qui veut être l’objet de notre amour, et dont on nous dit qu’il nous a donné la vie et qu’il nous aime.
Jésus dans son échange avec ses opposants, évoque quatre chemins pour entrer dans cette connaissance de Dieu et de son envoyé Jésus Christ :
- Le témoignage, en évoquant celui de Jean-Baptiste
- Les œuvres de Jésus
- Les Écritures qui parle de lui
- Et enfin l’action du Père en nous qui rend témoignage au Fils
Ce parcours qu’évoque Jésus dans l’évangile afin que l’on croie en lui est toujours actuel. Je vais vous donner comme exemple mon propre cheminement où certains peuvent sans doute se reconnaître.
Il y a une époque assez lointaine maintenant, avant d’être dominicain, je n’avais pas la foi. Mais un cheminement s’est peu à peu amorcé en moi après avoir fait la connaissance de chrétiens qui me partageaient leur foi en Jésus Christ. C’était déjà là une pierre posée sur le chemin de ma conversion, mais ce n’était pas suffisant; après tout, c’était leur expérience à eux et non pas la mienne. Comment la faire mienne? Je m’étais donc mis à lire les évangiles, à découvrir ce que Jean appelle les œuvres de Jésus : ses gestes, ses paroles, ses miracles. Ça devenait intéressant, Jésus était certainement une figure intrigante, mais sans plus. J’avais l’impression que l’on me demandait de croire en un personnage de l’histoire dans un passé bien lointain. Et les passages cités des Écritures annonçant la venue d’un sauveur me laissaient bien indifférent, peu convaincu de l’importance de ce Jésus de Nazareth.
Mais ces témoins sur ma route, la fréquentation des Écritures, ainsi que l’approfondissement de la vie de Jésus et ses enseignements, me faisaient prendre conscience de mon incapacité à me donner la foi, et de guerre lasse, je me suis tourner vers celui dont on me disait qu’il était à la source même de mon existence, lui avouant candidement que je voulais bien croire s’il existait.
Il a donc fallu que j’accepte de m’ouvrir à cette présence en moi dont parle Jésus, à cet amour du Père pour moi. Et peu à peu, mes yeux ce sont ouverts. Car l’amour envers Dieu, comme le dit saint Basile, n’est pas matière d’enseignement. Il faut le vouloir cet amour et lui demander de se frayer un chemin jusqu’à nous. Et quand nos yeux s’ouvrent, nous voyons alors sans que l’on ait besoin que l’on nous enseigne comment jouir de cette lumière qui a le pouvoir de transfigurer nos vies.
Mais lorsque cette conversion du regard nous est parfois difficile, lorsque Dieu semble nous échapper, il faut nous rappeler le chemin que nous propose Jésus aujourd’hui pour y parvenir : Tout d’abord, nous tourner vers les témoins d’hier et d’aujourd’hui qui ont vécus du Christ, et qui nous parlent de lui, comme le fit Jean-Baptiste; ensuite, nous nourrir de la vie du Christ dans les évangiles et plus largement des Écritures, car c’est toujours lui qui nous enseigne par sa parole transformatrice; et enfin prier le Père qui a déposé en nous son amour et lui dire sans cesse : «Et fais Seigneur que jamais je ne sois jamais séparé de toi.»
fr. Yves Bériault, o.p.
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