Bientôt nous entrerons dans la Semaine Sainte et déjà le dimanche des Rameaux, avec sa lecture de la Passion, invitera les disciples du Christ à se tourner vers la croix, vers ce rendez-vous que l’évangéliste Jean appelle « l’Heure de Jésus ».
C’est Catherine de Sienne qui propose cette intuition à couper le souffle : « Ce ne sont pas les clous qui retiennent le Christ sur la croix, mais l’amour. »
Au moment d’entrer dans la contemplation de ce chemin de croix que nous allons revivre avec Jésus, il est bon de se rappeler que la croix, malgré sa laideur et la cruauté qu’elle évoque, est le lieu ultime que Dieu a choisi afin de nous dire son amour infini. Oui, notre fierté c’est la croix du Christ!
Jésus a dit oui à la croix, il l’a acceptée courageusement, mais peut-on dire qu’il l’a recherchée? « Père, si tu veux éloigner cette coupe de moi… » disait-il à gethsémani. Et pourtant, ailleurs en saint Jean : « Comme il me tarde de boire à cette coupe… »
Mais il n’y a pas de contradiction ici. Le oui de Jésus est un oui à l’épreuve de l’Amour, son amour pour nous et son amour pour le Père, et où Jésus ne saurait s’esquiver. Il sait que ce don ne peut que nous apporter la vie, Il est venu pour cette Heure, et c’est sur la croix qu’il va affronter le Mal dans ses derniers retranchements. C’est le grand mystère de la foi chrétienne, « scandale pour les Juifs, folie pour les païens », comme le dira saint Paul.
Jésus a dit oui à la croix, mais c’est nous qui l’y avons cloué, et Dieu dans son amour de Père, en a fait le lieu de notre réconciliation en son Fils crucifié. C’est sur ce bois que l’amour de l’Homme-Dieu s’est livré jusqu’au bout, au point de saisir dans son offrande toute l’humanité, toutes les générations à venir qui mettraient leur foi en lui, le grand vainqueur de la Mort.
Tout comme pour nous aujourd’hui, le côté rebutant de la croix n’allait pas de soi pour les premières générations chrétiennes, car la prédication d’un Messie crucifié n’était pas de nature à plaire et à séduire. C’est Fernand Ouellette, dans son livre Le danger du divin, qui écrivait :
« Les évangélistes, faut-il le redire, rapportaient une mort infamante de Jésus sur la croix qui ne pouvait qu’accabler, humilier tout disciple par sa forme d’échec impitoyable. Ce que tout écrivain fabulateur, mythologisant n’aurait jamais voulu imaginer. On n’invente pas Jésus Christ, il a trop d’exigence, et une croix trop lourde et râpeuse pour nos épaules. En somme, nos témoins rapportaient ce qui aurait dû empêcher la naissance et l’expansion du christianisme, s’ils n’avaient pas voulu témoigner particulièrement des faits et de la foi ardente qu’ils avaient en Jésus ressuscité, Messie et Seigneur, seule voie vers le Père. » (Ouellette, Fernand. Le danger du divin. Fides,2002. p. 72)
Oui, nous aussi nous proclamons un Messie crucifié. C’est là notre honte, parce que cette croix est l’expression de notre péché, mais c’est là aussi notre fierté, parce qu’elle est le lieu de notre relèvement.
Yves Bériault, o.p.
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