La foi qui éclaire. Réflexion sur un livre de Robert Louis Wilken

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Je suis à lire le très beau livre de Robert Louis Wilken, The Spirit of Early Christian Thought, Yale University Press, 2003, 368pp. Un livre lumineux sur les premiers siècles de l’Église et les penseurs chrétiens qui engagèrent le débat avec les penseurs païens. Un passage abordant la pensée de saint Augustin chez Wilken éveille en moi le souvenir de mon propre cheminement de foi d’où mon désir de mettre par écrit mes réflexions à la suite à cette lecture.

Le jour même où j’abordais le chapitre septième de Wilken intitulé The Reasonableness of Faith, les textes bibliques du 18e dimanche du temps ordinaire, année C, nous donnaient d’entendre un extrait de la lettre aux Hébreux au chapitre 11, où le premier verset commence ainsi :

« La foi est une façon de posséder ce que l’on espère, un moyen de connaître des réalités qu’on ne voit pas. »

Ce passage de la lettre aux Hébreux se présentait à moi comme une synthèse de la pensée d’Augustin telle que présentée par Wilken et éveillait en moi le souvenir de mon propre cheminement de foi.

Je me souviens qu’à la suite à ma conversion, à cette rencontre fulgurante de Dieu dans la prière où je me savais tout d’un coup aimé, que mon cheminement au fil des mois suivants me faisait prendre conscience que la foi c’était quelque chose de vivant, de dynamique en nous. Ma foi en Dieu, ma foi au Christ, ma méditation des Écritures, me donnaient de connaître de l’intérieur le déploiement de vérités avant même d’en prendre connaissance dans les livres ou les homélies entendues. Je partageais alors avec mon entourage cette conviction que la foi était quelque chose qui croissait en nous, que notre vie spirituelle n’était pas statique, comme un objet inerte que l’on possède, mais que cette foi croissait, se déployait, ouvrait sans cesse de nouvelles avenues, de nouvelles fenêtres sur le mystère de Dieu ! Oui, comme le dit l’auteur de la lettre aux Hébreux, « la foi est un moyen de connaître des réalités que l’on ne voit pas », et il va de soi que c’est le seul moyen de connaître Dieu, de faire l’expérience de son amour, de sa présence à notre vie, de devenir son intime, son ami.

Dans son livre, Wilken développe cette idée en s’appuyant sur la pensée d’Augustin. Il lui emprunte cette image extraordinaire où la foi à la contemplation d’une lumière, qui a nécessairement pour effet d’éclairer celui ou celle qui la contemple. La foi en Dieu n’est pas qu’un objet se prêtant à mon observation, mais la véritable foi m’entraîne dans un processus de transformation. Écoutons Wilken dans son analyse de la pensée d’Augustin, texte que je traduis de l’anglais :

« Dans son sermon sur le chapitre septième de Jean, Augustin (1) cite l’un de ses passages préférés d’Isaïe : “Si vous ne croyez pas, vous ne comprendrez pas” (Isa. 7 : 9). Isaïe, explique-t-il, parle du type de foi que le Seigneur voulait quand il parlait de la nécessité de vouloir faire la volonté de Dieu. La foi n’est pas seulement une question de confiance ou d’assurance : la foi a à faire avec la connaissance qui nous entraîne plus avant, plus profondément dans ce qui est connu. C’est comme regarder une lumière. On ne peut regarder une lumière sans être illuminé par elle, sans prendre part à cette lumière. Croire en Dieu, dit Augustin, ne veut pas seulement dire que quelqu’un croit en cette vérité, mais aussi qu’il aime Dieu : “En croyant nous l’aimons, en croyant nous estimons Dieu, en croyant nous entrons en lui et nous lui sommes incorporés en tant que ses membres. C’est pourquoi Dieu nous demande d’avoir la foi.” (2) La foi ouvre la porte qui conduit à la connaissance de Dieu.

« Cela fait une grande différence, disait Augustin dans l’un de ses sermons, si une personne croit que Jésus est le Christ ou si cette personne croit en Christ. Après tout, que Jésus soit le Christ, même les démons le croyaient, mais ces derniers ne croyaient pas en Christ. Vraiment, tu crois en Christ quand à la fois tu espères en Christ et que tu aimes le Christ. Si tu as la foi sans l’espérance et sans l’amour, tu crois qu’il est le Christ, mais tu ne crois pas en Christ. Alors quand tu crois en Christ, par cette action de croire en lui le Christ vient en toi, et tu es alors uni à lui et fait membre de son corps. Et cela ne peut se produire à moins que l’espérance et l’amour soient du voyage. » (3)

Les Manichéens pensaient que la manière d’atteindre Dieu était de se tenir à distance, de poser des questions critiques, de chercher des appuis extérieurs à la foi. Mais en matière de religion le chemin de la vérité n’est pas trouvé en gardant ses distances. C’est seulement par l’abandon amoureux que nous sommes capables d’entrer dans le mystère de Dieu. Empruntant les mots de Richard de saint Victor, un théologien et écrivain spirituel du 12e siècle : « Là où il y a l’amour, il y a la vision. » (L’on pourrait dire aussi : « C’est l’amour qui fait voir. ») La foi est donc le chemin de la raison. En se mettant au service de la vérité, la foi permet à la raison d’exercer son pouvoir en des domaines où elle n’aurait pas accès sans la foi. C’est seulement en donnant que nous recevons, seulement en aimant que nous sommes aimés, seulement en obéissant que nous savons. » (Du livre de Wilken, pp. 183-185)


  1. Le texte de Jean dont il est question est le suivant en 6, 17 : « Si quelqu’un veut faire la volonté de Dieu, il saura si cet enseignement vient de Dieu ou si je parle de mon propre chef. » La note « L » de la TOB précise : « Ceux qui ont commencé à obéir, sans réserve à la volonté divine ont le sens de Dieu; seuls ils seront capables de reconnaître la qualité divine de l’enseignement de Jésus (cf. 3,19-21 ; 6, 29 ; 18, 37).

  2. Tractates sur l’évangile de Jean 29,6

  3. Sermon 144.2

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