Sainte Marie Mère de Dieu

C’est à l’initiative du pape Paul VI, en 1968, que le premier janvier fut consacré Journée mondiale de la Paix. Si l’on s’arrête à cette époque, la crise de Cuba avec ses ogives nucléaires avait conduit le monde au seuil d’un conflit international; la Guerre froide était toujours à l’ordre du jour de l’échiquier mondial; la guerre du Vietnam faisait rage, et il faudra attendre encore une vingtaine d’années avant l’écroulement du Mur de Berlin et le démantèlement de l’Union Soviétique. Paul VI était convaincu que le monde avait besoin de consacrer la première journée de la nouvelle année à la paix, afin de rappeler à l’humanité que la paix est notre défi le plus fondamental. Il en va de notre survie.

Depuis le début de son pontificat, le pape François ne cesse de nous rappeler les énormes défis que le monde doit affronter s’il veut véritablement bâtir une paix durable. Dans son message au monde pour le 1er janvier 2015, il démasque les multiples visages de l’esclavage d’hier et d’aujourd’hui et nous invite à « résister à la tentation de nous comporter de manière indigne de notre humanité ». Dans son message qui a pour titre « non plus esclaves, mais frères », il dénonce à la fois les guerres, la corruption, la violence faite aux enfants, le trafic humain, les dérives de la mondialisation et le mépris des pauvres.

Mais le cœur de son message vise à rappeler au monde que, tous autant que nous sommes sur cette terre, nous sommes tous frères et sœurs, avant d’être des ennemis. Et s’il y a une mondialisation que nous devons réaliser au nom de l’évangile, c’est celle de la solidarité, de la justice et de la fraternité.

Quand le péché corrompt le cœur de l’homme, dit le pape François, et l’éloigne de son Créateur et de ses semblables, ces derniers ne sont plus perçus comme des êtres d’égale dignité, comme frères et sœurs en humanité, mais sont vus comme des objets, ce qui justifie alors tous les esclavages. On oublie alors que : « Tous sont aimés de Dieu, tous ont été rachetés par le sang du Christ, mort et ressuscité pour chacun. » Voilà ce que l’Église proclame sans cesse au monde.

La liturgie d’aujourd’hui, dans le prolongement de la fête de Noël, nous fait voir cette nécessité de la paix en notre monde dans une perspective beaucoup plus large que la simple absence de conflit. L’évangile nous enseigne que la véritable paix est un don de Dieu, et que cette paix trouve son fondement dans ce don unique au monde du Prince de la Paix, Jésus Christ.

Le deuxième point central de notre célébration, en ce premier Jour de l’An, est la fête en l’honneur de la Vierge Marie, alors que se termine l’octave de Noël. Si notre attention à Noël était tout orientée vers la naissance du Sauveur, aujourd’hui nous contemplons sa mère à qui nous avons donné le titre de Sainte Mère de Dieu. L’affirmation est plus qu’audacieuse. Marie Mère de Dieu! Comment cela est-il possible? Comment Dieu peut-il avoir une mère?

Ce titre, « Sainte Marie Mère de Dieu », a été proclamé solennellement lors du grand Concile d’Éphèse en l’an 431, et repris au Concile de Chalcédoine, vingt ans plus tard, afin d’affirmer la doctrine chrétienne concernant la divinité de Jésus. Une grave crise sévissait alors dans l’Église où certains remettaient en question que Jésus soit à la fois vrai Dieu et vrai homme. La formule « Sainte Marie Mère de Dieu », a alors été énoncé non pas tant pour glorifier la Vierge Marie, que pour affirmer la véritable nature de celui qu’elle a donné au monde : Jésus Christ qui tout en étant vrai homme, est vraiment Dieu.

En cette fête de Sainte Marie, Mère de Dieu, nous sommes invités à contempler à la fois la bénédiction qui nous est faite en Jésus Christ, l’Emmanuel, Dieu parmi nous, le Prince de la paix, ainsi que celle qui a reçu une telle bénédiction de concevoir l’Homme-Dieu. Lorsque l’ange Gabriel salut Marie, il lui dit « Je te salue, pleine de grâce », c’est-à-dire comblée de la grâce de Dieu; elle est par excellence celle sur qui le nom de Dieu a été prononcé. C’est pourquoi elle est « bénie entre toutes les femmes… »

Sa cousine Élisabeth dira de Marie « bienheureuse celle qui a cru! » Avant d’être une maternité physique, ce qui se vit en Marie c’est une maternité spirituelle : « Elle conçoit le Christ dans son cœur avant de le concevoir dans son sein. » Augustin dira « qu’il est plus grand pour Marie d’avoir été disciple du Christ que d’avoir été mère du Christ. » Ce mystère nous concerne en tout premier lieu.

Car comme le veut le vieil adage : « Telle mère, telles filles, et tels fils », car nous aussi nous sommes disciples du Christ, participant au même mystère que Marie, notre Mère.

En honorant la maternité de Marie aujourd’hui, nos regards se portent à la fois sur elle en tant que modèle de foi et, surtout, sur l’extraordinaire mystère de sa maternité où Dieu se donne au monde. C’est cette bénédiction sur notre humanité, que nous célébrons au début de chaque nouvelle année, car Dieu s’est fait l’un des nôtres, il y a deux mille ans, il nous a bénis et comblé de sa présence.

Marie, par sa maternité, est Parole de Dieu en acte, elle porte le Verbe de Dieu, elle est « enceinte de la Parole de Dieu », et elle la donne au monde sans rien retenir pour elle-même.

C’est pourquoi Marie se retrouvera au cœur de l’assemblée des Apôtres à la Pentecôte. Elle poursuit sa tâche de Mère, car les disciples du Christ lui deviennent des fils et des filles qu’elle va accompagner à leur tour de sa foi et de sa prière maternelle.

En ce début d’année 2021, alors que la paix demeure toujours quelque chose de précaire et de fragile en notre monde, que la pandémie poursuit sa course, nous nous confions à Dieu. Nous lui confions nos familles, ceux et celles que nous aimons, nous lui confions notre monde dans sa recherche du bonheur, nous prions pour les pays en guerre, pour ceux et celles qui sont persécutés, et nous invoquons la prière de notre Mère du ciel sur nous : Sainte Marie Mère de Dieu, Mère de l’Église, Mère des disciples, priez pour nous ! Amen.

Yves Bériault, o.p.

[1] Augustin. Sermons 215, 4, PL 38, 1074.

Une Réponse

  1. Rien d’étonnant quand on y pense ! Que l’on célèbre le même jour Marie Mère de Dieu et la journée mondiale de la paix est tout a fait normal car qui plus que Marie, mère de Dieu et de l’humanité tout entière, a su vivre la paix en toutes circonstances : en recevant l’annonce de l’Ange, lors de sa visite à Élizabeth, en route vers Bethlehem, aux noces de Cana, et même aux pied de la Croix.

    Merci, vos homélies sont toujours d’une richesse inspirée.

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