Mercredi des cendres

Le Carême! Certains ont sans doute l’impression d’être en Carême depuis près d’un an avec cette pandémie. Mais ce serait là donner une bien mauvaise réputation à ce que veut dire «faire carême». Je vous propose donc une petite pédagogie du Carême où pour en saisir le sens il faut tout d’abord faire un peu d’histoire autour de la fête de Pâques. 

Ainsi, saviez-vous qu’il a fallu plus de cent ans avant que les premières générations chrétiennes commencent à célébrer annuellement la Pâque de leur Seigneur, et qu’il a fallu plus de quatre siècles avant que ne se généralisent dans l’Église le Carême et le temps pascal? Comment expliquer un si long délai? Certains spécialistes parlent d’une croissance organique de la liturgie qui, comme une plante vivace, prend son envole au fil du temps, se développe et s’épanouie. Il en a été ainsi pour la compréhension du mystère pascale et la célébration qu’en a faite l’Église.

Dès les tout débuts, ce qui rassemble les chrétiens et les chrétiennes, c’est tout d’abord l’eucharistie hebdomadaire, le «faites ceci en mémoire de moi.» Les premières manifestations de l’eucharistie voient le jour peu de temps après la résurrection et tout d’abord dans le cadre du repas marquant la fin du sabbat, puisque les premières générations chrétiennes sont surtout juives.

Mais les tensions vont s’accentuer entre Juifs convertis au Christ et les autorités des synagogues qui ne croient pas en ce Yeshoua de Nazareth. Une séparation assez brutale va s’en suivre. Rappelez-vous un certain Paul de Tarse qui fait la chasse aux chrétiens avant sa conversion ou le martyre d’Étienne à Jérusalem. Dans ce contexte d’hostilité grandissante, les chrétiens vont quitter la synagogue et la célébration de l’eucharistie va se déplacer le dimanche, jour de la résurrection du Seigneur. 

Vers les années 130 ou 150, l’on va commencer à solenniser la passion et la résurrection du Seigneur par une fête annuelle de Pâques. La Semaine sainte commence alors à se déployer. On veut revivre la passion avec Jésus. Refaire le chemin avec lui comme Simon de Cyrène portant sa croix.

On voit ainsi apparaître trois jours de jeûnes en préparation de la fête de Pâque alors que le Triduum pascal fait son apparition. On étend ensuite le jeûne à une semaine avant la fête de Pâques. Éventuellement, l’imitation de Jésus se retirant quarante jours au désert fait son chemin, et va donner naissance à notre Carême.

Ce que le développement de cette tradition liturgique nous révèle, c’est le désir des premières générations chrétiennes de suivre Jésus dans la dimension historique de sa vie, tout particulièrement sa passion et sa résurrection, afin d’y trouver un profond ressourcement pour leur vie de foi et s’unir davantage à lui.

À nouveau, nous sommes invités à entrer dans cet itinéraire spirituel qui a marqué si profondément tant de générations chrétiennes. Le jeûne, la prière et l’aumône ont pour but de nous aider à mieux entendre au plus profond de nous Celui qui nous appelle à le suivre. Avec le Carême, frères et sœurs, nous recommençons! Comme si nous entendions l’appel du Christ pour la première fois et que nous choisissions à nouveau de le suivre. C’est cet appel que le Carême veut nous faire entendre. Et malgré la Passion qui se profile à l’horizon, malgré les jeûnes et les pénitences que certains peuvent s’imposer, c’est toujours la joie de croire qui doit primer en ce Carême, n’en déplaise à ceux et celles qui l’associent aux «faces de Carême».

L’enjeu du Carême, c’est saint Paul qui l’exprime très bien dans sa deuxième lettre aux Corinthiens que nous venons de lire, quand il nous met en garde contre le risque de laisser sans effet la grâce que nous avons reçue de Dieu.

Nous l’avons bel et bien reçu cette grâce, ce cadeau de la foi. L’évangile nous a bel et bien été annoncé; nous avons mis nos pas dans ceux de Jésus; nous avons appris à faire communauté ensemble avec lui, à nous nourrir de sa parole et de sa vie de ressuscité. Mais nous savons aussi que la grâce reçue est une grâce qui coûte. Elle est exigeante puisque Jésus nous l’a acquise à grand prix, au prix de sa vie, d’où le sérieux de l’appel qu’il nous fait et de la réponse qu’il attend de nous.

Le Carême nous invite donc à refaire le chemin parcouru jusqu’à maintenant, à dire oui à nouveau à cette grâce qui nous est offerte d’être disciples et amis du Christ.

L’on est souvent tenté de séparer le Carême de sa dimension pascale, le réduisant uniquement à un temps de mortification, alors qu’il est véritablement un temps de préparation à la fête de Pâques. C’est pourquoi frères et sœurs, tout comme les premières générations chrétiennes, entrons encore une fois dans l’histoire de notre foi, prenons à nouveau la route avec le Christ, qui va nous conduire de la solitude du désert jusqu’à cette porte grande ouverte sur le jardin du matin de Pâques.

fr. Yves Bériault, o.p.

Une Réponse

  1. « c’est toujours la joie de croire qui doit primer en ce Carême ». Merci de faire souffler ce vent de fraîcheur sur le Carême qui dans mon enfance se résumait à une série de privations de toutes sortes et qui comme adulte, est le temps où se met en place la plus grande tragédie du genre humain : celle d’avoir tué Dieu.

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