« Comment fait-on pour entendre la voix de Dieu? » Voilà la question que me posait la petite Mia, six ans, accompagnée de sa mère, alors qu’elle tenait un cornet de crème glacée dans sa main. Les deux s’étaient approchées de moi alors que j’étais dans le jardin du couvent de Québec, et la maman m’avait tout simplement dit : « Ma fille aurait une question à vous poser. » Cette question m’habite depuis cette rencontre il y a quelques semaines. C’est comme si un ange m’était apparu afin de me demander de répondre à cette question pour moi-même, comme s’il me disait : « Devant les responsabilités qui sont les tiennes, comment vas-tu t’y prendre pour entendre la voix de Dieu? »
L’auteur de la lettre aux Hébreux affirme que « la foi est une façon de posséder ce que l’on espère, un moyen de connaître des réalités qu’on ne voit pas. » Cette affirmation est très forte, car il est question ici de posséder et de connaître l’objet même de notre foi.
Cette possession, c’est goûter à la présence de Dieu en nos vies, même si on ne le voit pas. Les comparaisons sont toujours boiteuses, mais l’on pourrait évoquer ici la communion avec l’être aimé, parti pour un long voyage, mais dont le souvenir et l’affection nous habitent toujours, malgré l’absence. Il s’agit d’une présence vivante en nous.
Mystérieusement, la foi en Dieu nous donne de posséder ce que l’on espère, une espérance qui trouvera sa pleine réalisation dans la vie éternelle, mais qui déjà nous fait vivre. Il est question ici de relation à un autre, de communion. L’auteur de la lettre aux Hébreux affirme que cette communion d’amour avec Dieu nous le fait connaître et nous fait entrer dans une vie « conversante » avec lui, une vie de dialogue avec lui.
Frères et sœurs, je crois que Dieu nous parle à travers tous les événements de nos vies, qu’il nous parle dans la prière, dans les sacrements, à travers les complicités et les amitiés que nous tissons entre nous, dans les demandes de discernement lors des grandes décisions de nos vies. Dieu nous parle aussi beaucoup à travers les souffrances et les violences de notre monde qui blessent son amour et doivent éveiller notre indignation !
Je crois que Dieu remet sans cesse son amour entre nos mains et que c’est cet amour qui nous inspire, qui nous guide et qui nous donne de nous dépasser au nom de cet amour, qui nous donne de revêtir le tablier de service qu’évoque l’Évangile aujourd’hui.
Frères et sœurs, je crois avec l’Église que Dieu nous appelle à une vie plus grande que nous, et qu’il nous appelle à poursuivre avec lui ce périple d’une naissance à ce monde vers un ailleurs qu’on appelle la vie éternelle. Et pourtant, je n’ai pas la foi parce que je tiens à tout prix à vivre éternellement. Parfois une vie éternelle, ça peut paraître bien long ! Mais il s’agit d’une promesse du Christ lui-même, où nos vies sont appelées à se déployer pleinement avec lui après la mort. Et c’est ainsi que Jésus fait cette promesse extraordinaire à ses disciples qui l’auront servi fidèlement. Il leur promet de les faire assoir à sa table et de les servir lui-même quand il reviendra.
Frères et sœurs, cette promesse trouve déjà son accomplissement quand le Christ nous rassemble autour de son eucharistie, un avant-goût des biens qu’il nous donnera dans le monde à venir.
Yves Bériault, o.p. Dominicain.
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M Yves Bériault, il me tardait de vous en faire part de tout temps: MONSIEUR ANTOINE me fut une chériesse et repaisance, et je vous le dois en entier. Votre voix m’est chère et pérenne dans mon coeur. Philippe Jaroussault
Il faut lire le texte saint Bernard à ce sujet. Je l’envoie dans un prochain mail.
La visite du Verbe par Saint Bernard
« Je confesse que j’ai eu, moi aussi, la visite du Verbe.— je parle en insensé—et cela plusieurs fois. Et bien qu’il soit entré souvent en moi, plusieurs fois je n’ai pas senti qu’il entrait. J’ai senti qu’il était venu, je me rappelle qu’il était là; parfois même, j’ai pu pressentir son entrée, mais la sentir, jamais, et sa sortie non plus. Car d’où est-il venu dans mon âme, où s’en est-il allé de nouveau quand il l’a quittée, et de plus par où est-il entré ou sorti – maintenant encore, j’avoue que je l’ignore, suivant la parole : « Tu ne sais d’où il vient ni où il va » Et pourtant ce n’est pas étonnant, puisque c’est de lui qu’il est dit : « On ne connaîtra pas la trace de ses pas.»
Et certes, ce n’est point par les yeux qu’il est entré, parce qu’il n’a point de couleur;
ni par les oreilles, car il ne sonne pas;
ni par les narines, parce qu’il se mêle avec l’âme et non avec l’air ( qu’il n’imprègne pas, mais qu’il fait) ;
ni par la gorge, car il n’est rien qui se mâche ou se boive;
et je ne l’ai pas reconnu au toucher, car il n’est point palpable.
Par où donc est-il entré?
Peut-être même, n’est-il pas entré, parce qu’il n’est pas venu du dehors? Car il n’est rien de ce qui est au dehors. Par ailleurs, il n’est pas venu du dedans de moi, parce qu’il est bon, et que je sais qu’il n’y a rien de bon en moi.
Je suis monté aussi au-dessus de moi : mais plus haut encore s’élevait le Verbe.
Plus bas que moi-même aussi, je suis descendu en explorateur
«curieux», et cependant, il se trouvait plus bas encore.
Quand j’ai regardé au dehors, j’ai reconnu qu’il était au-delà de tout ce qui m’est extérieur;
quand j’ai regardé au-dedans, lui-même était encore plus au dedans. Et j’ai reconnu la vérité de la parole :
« En lui, nous vivons, nous nous mouvons, et nous sommes »; mais bienheureux celui en qui il vit, qui vit pour lui qui est entraîné par lui.
« Tu demanderas, puisque ses voies sont à ce point indiscernables, comment j’ai su qu’il était présent?
Il est vivant et efficace;
et dès qu’il est venu en moi, il a réveillé mon âme qui dormait;
il a remué, attendri et blessé mon cœur, qui était dur comme pierre et malsain. Il s’est mis aussi à arracher et détruire, à bâtir et planter, à arroser le sec, éclairer l’obscur, ouvrir le clos, réchauffer le froid et aussi à redresser et aplanir ce qui était dévié et raboteux; si bien que mon âme bénissait le Seigneur, et que tout ce qui était en moi bénissait son saint Nom.
Ainsi donc, lorsqu’il est entré quelquefois en moi, le Verbe Époux n’a jamais, à aucun indice, fait connaître son entrée, ni par la voix, ni par le visage, ni par la démarche.
Il ne s’est pas découvert à moi par aucun de ses mouvements, aucun de mes sens ne l’a vu se glissant au secret de moi-même : simplement ( et comme je viens de dire) au mouvement de mon cœur j’ai reconnu sa présence;
à la fuite des vices et à la répression des passions, j’ai reconnu la puissance de sa force;
à l’examen et à la réprobation de mes fautes cachées, j’ai admiré la profondeur de sa sagesse;
au léger progrès de ma vie, j’ai expérimenté sa douce bonté;
au renouvellement et à la refonte de mon esprit en sa pointe- de l’homme intérieur- j’ai découvert un peu le visage de sa beauté; et, en « saissisant du regard tout cela ensemble, je me suis mis à trembler devant l’excès de sa grandeur. » ( Cant S., 74, 5-6, P.L.; 183, 1141-1143)
Qu’elle est déjà très sage cette petite qui vous a posé cette question ! Je lisais hier la biographie d’Edith Stein qui disait quelque chose comme : « nous sommes sur terre est de servir ». Je commence à comprendre que c’est là le message de Dieu car en ce monde éphémère, rien ne reste si ce n’est le bien qu’on aura fait.
Merci encore.
Merci beaucoup pour ce très beau texte.
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