Il y a quelques années, à l’occasion d’une année sabbatique, j’ai fait un séjour d’un mois chez des trappistes. En voici un extrait. Pour tout lire depuis le début allez sur la page d’accueil à « Articles parus » et choisissez « Journal ».
(6 janvier suite) Le matin, avant de partir, le frère L. m’a dit: « dans les premiers siècles, les gens quittaient Rome afin d’aller au désert, ce qui constituait tout un jugement contre Rome! ». Bien sûr, la vie monastique inspire un radicalisme qui a de quoi nous faire rougir, nous les dominicains. Ne disait-on pas jadis que le silence était le père des Prêcheurs. Il serait obscène de reprendre la formule aujourd’hui, alors que le silence se sentirait bien à l’étroit dans nos couvents entre les bruits des radios et de télévisions qui hantent nos étages. Il me faudra revenir sur cette question de l’Ordre des Prêcheurs.
Toujours est-il que je suis arrivé ici par une journée d’hiver morne et froide. A première vue le monastère semble vide. Aucun moine en vue. C’est le silence qui règne partout. Le trappiste qui me fait visiter, et que je connais bien, semble porter une lassitude indéfinissable lorsque nous parlons un peu de ses tâches et de ses projets. Comme cela doit être terrible lorsque l’on est allé au bout de soi et que l’on ressort déçu de l’expérience. Qu’existe-t-il après l’absolu de l’engagement? Cette question m’habitait un peu en l’écoutant parler.
Le monastère est sobre, propre et accueillant, malgré ce premier sentiment de vide à cause du silence omniprésent. Ma chambre semble grande, mais cela est dû à l’absence de mobilier. Un lit étroit (un mètre au plus), une table de nuit, une petite table de travail et une chaise droite. Il y a aussi un garde-robe, avec quelques tablettes et quelques tiroirs, mais ni bibliothèque, ni lavabo. La toilette personnelle se fait en commun trois étages plus bas! La fenêtre de ma chambre donne sur la cour intérieure dont les murs sont faits de grosses pierres grises. C’est un peu fermé comme horizon et mon regard ne trouvera pas là beaucoup de points de fuite.
Au centre de cette cour, un immense sapin, qui se révèlera tout illuminé de lumières de Noël à la tombée de la nuit. Quelle belle surprise! Il est difficile d’imaginer la fête dans un monastère, comme si la joie débordante et le silence n’allaient pas ensemble. Triste constat, s’il est juste. Mais il est trop tôt pour juger. Je ne suis ici que depuis 6 heures!
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