En entrant en carême, nous sommes invités à aller au désert. Ce désert pour le peuple hébreu va devenir le lieu de l’épreuve, de la tentation, mais avant tout le lieu de la présence de Dieu. Un temps de passage où Dieu accompagne, nourrit, désaltère, conduit. Le désert est un lieu où l’on vit l’expérience de se situer devant Dieu comme seul guide, c’est le temps de la confiance et de la fidélité, c’est un retour à l’essentiel.
Entrer au désert, c’est se rappeler chaque année que l’essence même de la vie de foi se vit dans une sorte d’abandon entre les mains de Dieu, dans cette attitude du fils, qu’est Jésus, et qui se laisse conduire par l’Esprit Saint. Ce désert évoque aussi la tentation, la présence de forces adverses en nous qui veulent nous faire renoncer à notre vie d’enfant de Dieu. Et souvent, nous tombons, nous cédons… C’est pourquoi le désert est aussi une expérience de conversion, un appel à renoncer à nos façons de faire qui sont parfois un refus de l’amour de Dieu et un refus de l’autre.
Le carême est un appel à la conversion, mais avons-nous besoin de conversion? Nous convertir de quoi? Tant que nous n’aurons pas saisi l’enjeu de cette conversion, nos prières, nos célébrations, nos eucharisties demeureront stériles. Si la grâce de Dieu nous est donnée, il faut coopérer à la grâce afin d’être des signes lumineux dans le monde. Un incroyant disait à l’abbé Pierre: « Monsieur le curé, je ne sais pas si le Bon Dieu existe, mais je suis sûr que s’il existe il est ce que vous faites ».
Mais l’on se sent tellement démuni devant ce monde qui trop souvent nous glisse entre les mains, comme un enfant turbulent que l’on voudrait retenir, mais qui nous échappe constamment, et qui est capable du meilleur et du pire. Non pas que l’homme soit mauvais, mais il y a la contagion du mal, comme il y a la contagion de l’amour.
S’il nous est difficile de nous situer dans notre vie comme ayant besoin de conversion, c’est que l’on oublie trop souvent le lien qui existe entre les drames humains internationaux, à l’échelle de la planète, et notre petit quotidien et nos façons de faire. Le drame du Congo ou du Darfour ou de la Lybie en est un exemple éloquent. L’on s’imagine, lorsque l’on entend les récits d’atrocités qui se commettent, que nous avons à faire à des barbares de la pire espèce, des choses qu’on ne verrait jamais ici. Et pourtant, le mercredi des cendres, l’an passé, j’entendais de bons chrétiens dire qu’il faudrait tout simplement bombarder les réserves indiennes afin de régler une fois pour toutes ce problème. Sarajevo, Srebrenica ou Kigali, ce n’est pas bien loin d’ici. Il suffit de regarder en nous-mêmes et c’est tout près.
Non pas que nous soyons méchants, mais nous aussi, nous laissons dominer le mal sur nos vies. À petite échelle ça semble avoir bien peu de conséquences. Petite parole désobligeante, envie et jalousie, un certain plaisir à s’en prendre à des personnes parce qu’elles ne nous plaisent pas. Un petit geste malhonnête, surtout quand c’est le gouvernement. Refuser de pardonner, alimenter la haine… une foule de petits massacres en puissance que l’on sème sur notre passage, tandis que les enfants épient nos paroles et nos gestes. Et l’on n’a pas besoin de conversion…
J’insiste parce que je vois trop de chrétiens et de chrétiennes, et moi le premier, refuser l’appel que Dieu nous fait d’entrer au désert, d’accepter de le prendre pour guide, de reconnaître que lui seul nous suffit. « Revenez à moi de tout votre cœur », nous dit le Seigneur.
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Puissions-nous, durant ce Carème plus que jamais, être des véritables artisans de paix, proches du Seigneur !
C’est ce que je souhaite à chacun qui passera par ici.
Je me sens particulièrement concernée par ce billet.
Oui, je pense aussi qu’il est essentiel pour chacun de nous, si nous voulons être des chrétiens authentiques, de prendre résolument le chemin du désert pour « revenir à Lui de tout notre cœur » ,y demeurer, y revenir à chaque fois que ce sera nécessaire.
Merci pour ce billet et l’appel pressent à être de véritables artisans de paix là où nous sommes.