Évangile de Jésus Christ selon saint Jean 10,27-30.
En ce temps-là, Jésus déclara : « Mes brebis écoutent ma voix ; moi, je les connais, et elles me suivent.
Je leur donne la vie éternelle : jamais elles ne périront, et personne ne les arrachera de ma main.
Mon Père, qui me les a données, est plus grand que tout, et personne ne peut les arracher de la main du Père.
Le Père et moi, nous sommes UN. »
COMMENTAIRE
« Je suis, le bon Pasteur, dit le Seigneur ; je connais mes brebis et mes brebis me connaissent. »
En écoutant ces paroles du Christ, je ne puis m’empêcher de penser à tous ceux et celles qui n’ont pas la foi. Il me vient en mémoire ces images inoubliables d’enfants vues dans un reportage où l’on nous présentait des orphelinats dans un pays de l’Europe de l’Est.
Ce qui était le plus frappant dans ce reportage, c’était de voir la réaction des enfants, qui étaient parfois là depuis plusieurs années, et que personne n’avait voulu adopter. Ils s’agrippaient au moindre visiteur, dans l’espoir d’être choisis, d’être aimés eux aussi, de pouvoir enfin appeler quelqu’un papa, maman. Des orphelins de la vie quoi, n’ayant jamais connu leurs parents et portant en eux-mêmes ce rêve fou d’être un jour reconnus et adoptés.
Ils me font penser à beaucoup de nos contemporains qui n’ont pas la foi et qui ne savent ni d’où ils viennent ni où ils vont sur cette terre. Néanmoins, ils veulent vivre et être aimés, s’accrochant aux simples joies quotidiennes, cueillant les fruits de la vie sans se poser trop de questions. Et même s’ils n’ont pas la foi, on trouve chez eux générosité, gratuité et compassion. La paix et la justice leur tiennent à cœur eux aussi ; ils aiment leurs enfants, et ils leur arrivent même de donner leur vie pour en sauver d’autres.
Voyez-vous, Dieu n’est pas chiche. À tous ses enfants, il donne la capacité d’aimer, espérant qu’un jour ils puissent remonter jusqu’à la source de cet amour. C’est que Dieu espère en nous. Et de la même manière que son amour éclate dans toute sa création, il offre aussi, avec une grande libéralité, ses dons à tous ses enfants.
Ces personnes qui se disent sans foi me font penser à des orphelins perdus au beau milieu d’un drame cosmique, dont ils ne connaissent ni les tenants ni les aboutissants, alors que la Parole de Dieu en ce dimanche vient nous rappeler que nul n’est orphelin sur cette terre, puisque Dieu nous a créés, qu’il est notre Père et qu’il nous tient précieusement dans sa main.
Toutefois, il faut bien le reconnaître, bien des personnes aimeraient croire en Dieu, mais s’en disent incapables. Et c’est là un mystère troublant, car la foi est un don que Dieu ne saurait refuser à personne, il me semble. Tout ce que l’on peut dire, c’est que s’ouvrir à Dieu demande certainement beaucoup d’humilité et d’abandon. Il faut savoir demander, supplier, et s’en remettre à Dieu, même quand il fait nuit, même quand on ne voit plus rien. Car, comme le disait un vieux sage : « Si tu ne sais pas espérer, tu ne pourras jamais accueillir l’inespéré. »
Jésus vient nous rappeler aujourd’hui combien nous avons du prix à ses yeux. Il affirme sans ambages que nous sommes son bien le plus précieux et que rien ne saurait nous arracher à son amour, car lui et le Père ne font qu’Un.
Cette affirmation de son identité se veut une réponse à la question de ses opposants qui lui demandent, en faisant cercle autour de lui : « Jusqu’à quand vas-tu nous tenir en suspens ? Si tu es le Christ, dis-le-nous ouvertement. » Et c’est l’occasion pour Jésus d’affirmer sans équivoque qu’elle est sa mission et surtout qui il est. C’est ainsi qu’il reprend pour lui-même l’image biblique du bon Pasteur, qui a toujours été un attribut de Dieu dans l’Ancien Testament. Et pour qu’il n’y ait aucune équivoque quant à sa divinité, il ose même affirmer : « Le Père et moi nous sommes Un. »
Le court passage évangélique de ce dimanche est d’une densité incroyable. En quelques lignes, c’est tout l’être de Jésus qui se déploie. Il est le bon Berger, Dieu lui-même, qui porte ses agneaux sur son cœur, et qui les mène au repos sur les verts pâturages de la vie éternelle, là où Dieu essuiera toute larme de leurs yeux.
Quand une personne accueille cette bonne nouvelle, quand son cœur s’ouvre à Dieu, une transformation intérieure profonde s’opère en elle. Son regard sur la vie ne peut plus être le même. L’orphelin trouve enfin réponse à son attente. Il se sait désormais aimé et voulu par Dieu, et sa vie en est transfigurée.
Je pense à cette femme qui m’écrivait un jour : « Je n’ai pas de religion précise, mais depuis quelque temps, je sens un vide et je me surprends souvent à prier. Je me demande comment font les gens pour ressentir la présence de Dieu. J’y aspire, mais je ne dois pas être à la hauteur, car je me sens illégitime d’attendre quelque chose de Dieu, alors que j’ai vécu loin de Lui depuis si longtemps. Je sais juste dire merci pour tout, mais c’est quoi prier ? »
Jésus lui répondrait sans doute : « Tu n’es pas loin du Royaume. » Et l’analogie où il compare ses disciples à des brebis suivant leur berger peut certainement apporter une réponse à cette femme qui se juge indigne de Dieu, alors que ce dernier la cherche depuis toujours.
Un jour, des pèlerins qui visitaient la Palestine rencontrèrent deux bergers. Ils étaient assis bien tranquilles, causant ensemble, partageant le thé, tandis que leurs brebis broutaient à quelques pas de là. L’un des pèlerins leur fit la remarque suivante : « Je vois que vos deux troupeaux n’en forment plus qu’un. Comment faites-vous pour distinguer les brebis les unes des autres ? » Les deux bergers se levèrent et se séparèrent d’une centaine de mètres et commencèrent à appeler leurs brebis. Les pèlerins restèrent bouche bée alors que tout naturellement, telle une chorégraphie préparée longtemps d’avance, le troupeau se sépara en deux, chacun des bergers retrouvant ses brebis sans plus d’effort. « Voyez-vous, dis l’un berger au pèlerin, nos brebis nous reconnaissent à notre voix. »
Jésus était familier avec cette réalité des bergers et leurs brebis. Il en a fait le cœur de sa prédication afin de nous dire combien grand est son amour pour nous, nous assurant que si nous savions prêter l’oreille au silence intérieur de nos vies, nous pourrions sûrement y reconnaître sa voix. Voilà la promesse qu’il fait à cette femme ainsi qu’à nous-mêmes, lui le bon Berger qui nous conduit vers les sources d’eaux vives, là où nul ne pourra nous arracher à sa main, et où Dieu essuiera toute larme de nos yeux.
Frères et sœurs, rendons grâce en cette eucharistie pour ce don précieux de la foi, et faisons nôtre cette prière d’abandon que récite le prêtre à voix basse juste avant la communion : « Et fais Seigneur que jamais je ne sois séparé de toi. »
Yves Bériault, o.p.
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Fantastique votre histoire des deux bergers. Je suis allé en Terre Sainte: je ne lis plus les évangiles de la même manière.
Nestor TurcotteMatane – Québec
Date: Sat, 16 Apr 2016 01:04:56 +0000
To: euroenigma25@hotmail.com
Hier, pendant la visite du Pape, du Patriarche Bartholomée et de l’archevêque Jérôme sur l’île de Lesbos, on a pu voir des pancartes : « François, sauve-nous! ».
J’ai repensé au jour de son intronisation.
Une foule dense attendait. Au matin, des personnes interrogées, disaient leurs attentes. Elles étaient loin d’être toutes catholiques ou mêmes chrétiennes ou même croyantes. Mais la foule attendait. Elle attendait un sauveur. C’est l’impression que j’ai eue. Dès sa première apparition, François a touché le cœur des gens par son humilité et ses accents de vérité. Il n’a pas dérogé depuis. Il dit et fait. Ses actes sont en conformité avec sa parole et sa parole avec ses actes. Ce qui est si rare de nos jours et l’a certainement toujours été, de la part de ceux que l’on entend sur l’espace public. Nos politiques ont tellement compromis leur parole par leurs actions que plus personne ne peut raisonnablement les croire. Or, l’homme a besoin de foi, d’avoir confiance en quelqu’un, même s’il n’est pas Dieu. Hélas, mais c’est ainsi.
Et notre Pape est apparu spontanément, immédiatement, comme cet homme providentiel en qui l’on pouvait avoir confiance. Pour nous, c’est bien le signe qu’il porte la Parole de Dieu. Mais pas pour tous, et loin de là, et malgré tout, ces hommes sans Dieu, sans foi ou avec un autre dieu, une autre foi, mettent en lui leurs espoirs.
Une foule perdue, « désemparée et abattue comme un troupeau sans berger ». Je pensais alors à cet épisode de la vie de Jésus.
J’y repensais hier voyant ces pancartes « François, sauve-nous! ».
Le cœur est serré de douleur devant cette attente qui parle d’un vide. Jésus fut saisi de compassion. Depuis ces épisodes de François et des foules, je comprends mieux cette compassion qui saisit Jésus. Comme Il a dû être triste et comprendre le danger devant ce désarroi et ce sentiment d’abandon alors qu’Il ne cessait de proclamer que Dieu nous aime!
Aujourd’hui, de même, que de « pain sur la planche »! La conclusion est celle de Jésus « La moisson est abondante mais il y a peu d’ouvriers ».
Prions pour que le Père attire vers son Fils, toutes les brebis du troupeau, pour qu’elles ne s’égarent pas en attendant vainement d’ailleurs que vienne le salut, pour qu’elles n’attendent pas un salut politique comme les Juifs naguère, mais bien l’authentique salut qui donne la vie éternelle,
Prions pour que les ouvriers soient nombreux, prêtres, religieux ou laïcs, mais de bons ouvriers, dépouillés d’eux-mêmes, remplis de grâce, pleins d’humilité et dévorés du feu de l’amour
« Toutefois, il faut bien le reconnaître, bien des personnes aimeraient croire en Dieu, mais s’en disent incapables. Et c’est là un mystère troublant, car la foi est un don que Dieu ne saurait refuser à personne, il me semble. »
Oui, c’est un mystère très troublant. Qui me trouble beaucoup personnellement. Difficile d’apporter une réponse, de trouver une cause. Difficile aussi de ne pas répondre. Nous avons besoin de réponses, notre esprit est ainsi fait.
Parfois, je préfère me dire que c’est un mystère, que le propre du mystère c’est de rester non résolu, sans réponse. C’est une démarche possible pour soi-même, quand on est prêtre, on se doit de trouver des réponses qui satisfont ceux qui interrogent.
Vous répondez « Tout ce que l’on peut dire, c’est que s’ouvrir à Dieu demande certainement beaucoup d’humilité et d’abandon. Il faut savoir demander, supplier, et s’en remettre à Dieu, même quand il fait nuit, même quand on ne voit plus rien. Car, comme le disait un vieux sage : « Si tu ne sais pas espérer, tu ne pourras jamais accueillir l’inespéré. »
C’est une réponse possible. Bien sûr. Mais pourquoi alors, ce don de la foi serait donné à certains, sans efforts particuliers de la part, sans humilité particulière, sans supplication forcenée? Et pourquoi dirait-on le « don » de la foi, que nous entendons par don gratuit sans participation ou mérite de notre part?
La réponse soulève question.
D’un autre côté, comment un Père juste et aimant pourrait donner aux uns et pas aux autres? Question. Peut-être trop humaine, à vue de nos pensées qui ne sont pas les siennes. Nous acceptons mal la liberté de Dieu, ses choix. Je veux dire, qu’il y a peut-être un sens caché à cette épreuve de l’impossibilité à croire. C’est une croix. Et suivant qu’on la porte en aimant malgré tout ou non, nous serons jugés. Non pas à l’aulne de la foi mais à l’aulne de notre patience à endurer, à aimer malgré l’absence de foi en Dieu. Ce que j’écris est peut-être stupide. Je ne sais pas.
Le mystère de la foi rejoint celui de la communion des saints.
Certains portent des croix très lourdes. On ne voit pas de raisons objectives à cela. Ils ne sont pas plus pécheurs que les autres, souvent moins, du reste, tel que je le vois autour de moi. Alors, comment vont-ils se débrouiller avec ces croix très lourdes, parfois trop lourdes pour eux, au point qu’ils sont écrasés. Je connais des personnes écrasées. C’est tellement douloureux de les voir se courber de plus en plus en chemin. On se sent si favorisés à côté d’elles parce qu’on n’a pas traversé tous leurs drames.
Je ne peux pas me résoudre à croire que Dieu condamnerait ceux qui l’ont cherché sans le trouver, ni ceux qui ont été écrasés ni ceux qui ont perdu la foi devant un malheur trop grand. D’autres, qui savent ou ont su porter leurs croix, portent aussi celles de ceux qui sont broyés, d’autres, ceux qui ont la foi donnée, l’ont pour ceux qui ne l’ont pas, le tout dans un mystère auquel je crois et qui m’échappe.
Merci Marie pour ces belles réflexions qui sont d’une grande profondeur. J’aimerais avoir plus de temps pour y répondre, mais je dois me contenter de les accueillir tout simplement comme un complément, ou encore comme une oeuvre de collaboration à ces textes que je partage avec les lecteurs et lectrices de ce blog. Continuons à marcher ensemble avec le Christ.