Homélie pour le 32e Dimanche T.O. Année A

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Évangile de Jésus-Christ selon saint Matthieu 25,1-13.
En ce temps-là, Jésus disait à ses disciples cette parabole :
« Le royaume des Cieux sera comparable à dix jeunes filles invitées à des noces, qui prirent leur lampe pour sortir à la rencontre de l’époux.
Cinq d’entre elles étaient insouciantes, et cinq étaient prévoyantes :
les insouciantes avaient pris leur lampe sans emporter d’huile,
tandis que les prévoyantes avaient pris, avec leurs lampes, des flacons d’huile.
Comme l’époux tardait, elles s’assoupirent toutes et s’endormirent.
Au milieu de la nuit, il y eut un cri : “Voici l’époux ! Sortez à sa rencontre.”
Alors toutes ces jeunes filles se réveillèrent et se mirent à préparer leur lampe.
Les insouciantes demandèrent aux prévoyantes : “Donnez-nous de votre huile, car nos lampes s’éteignent.”
Les prévoyantes leur répondirent : “Jamais cela ne suffira pour nous et pour vous, allez plutôt chez les marchands vous en acheter.”
Pendant qu’elles allaient en acheter, l’époux arriva. Celles qui étaient prêtes entrèrent avec lui dans la salle des noces, et la porte fut fermée.
Plus tard, les autres jeunes filles arrivèrent à leur tour et dirent : “Seigneur, Seigneur, ouvre-nous !”
Il leur répondit : “Amen, je vous le dis : je ne vous connais pas.”
Veillez donc, car vous ne savez ni le jour ni l’heure. »

 

COMMENTAIRE

La semaine dernière, j’ai été témoin d’un spectacle pour le moins inusité. Un petit écureuil, indifférent à ma présence, travaillait d’arrachepied à préparer son nid pour l’hiver. Il allait deçà delà sur le gazon, engouffrant dans sa petite gueule autant de feuilles séchées qu’il le pouvait, pour ensuite partir à la course vers son nid y déposer ses feuilles, et revenir aussitôt répéter le même manège. Je me faisais la réflexion suivante : que voilà un petit animal vigilant et prévoyant.

En cet automne de notre pays, la nature est en mode d’hyper-activité devant le froid qui vient. Les oies sauvages et les sarcelles descendent vers le Sud, les renards et les ours préparent leur tanière, les écureuils entassent des provisions afin de traverser l’hiver. Grand remue-ménage afin de traverser la saison froide dans l’espoir d’accueillir le printemps et ses promesses de renouveau.

Si la prévoyance et la vigilance sont inscrites dans l’ADN de nos amis du règne animal, il en va autrement chez nous les humains. Car il ne s’agit plus tout à fait d’un réflexe chez nous. Nous sommes passés à un autre stade de l’évolution où la prévoyance requiert de notre part une décision ferme et volontaire. Et cela est encore plus vrai au plan spirituel. Tel est le sens de la parabole des dix jeunes filles qui attendent la venue de l’Époux.

Nous le croyons, nous sommes tous et toutes enfants de Dieu. Le sens de nos vies, notre vocation personnelle et mystérieuse, s’inscrivent déjà dans le cœur de Dieu, avant même que nous ne soyons nés. Dieu nous voyait déjà chacun et chacune, avant même la création du monde. Il se penchait avec amour sur le rêve en devenir que nous étions, mettant en nous un dynamisme de vie capable de se tourner vers l’infini.

La venue du Fils de Dieu parmi nous vient nous dévoiler le véritable visage du Père en nous donnant de vivre de sa vie et de son amour, car un jour nous serons tous appelés à aller vers Lui, à entrer dans cette vie en plénitude que Jésus, par son incarnation et sa résurrection, est venu préparer pour nous. Désormais, notre destinée, c’est de vivre éternellement avec lui auprès de Dieu, et la parabole de ce dimanche nous pose la question suivante : saura-t-il nous reconnaitre quand il viendra ? Serons-nous prêts ?

L’invitation à veiller que nous fait Jésus revient souvent sur ses lèvres. C’est là un thème majeur de sa prédication. Veillez sur vous-mêmes, nous dit-il, nourrissez votre vie de prière, ne laissez pas votre charité s’affadir, ne vous lassez pas de faire le bien, et surtout, ne perdez pas de vue la saison qui vient, cet éternel printemps, que Jésus compare à une salle de festin, à des noces éternelles, et dont il est l’Époux.

Quand nous arrivons au terme de l’année liturgique, juste avant d’inaugurer le temps de l’Avent, la liturgie insiste beaucoup sur la fin des temps et le jugement dernier. Des images qui ne sont pas toujours rassurantes, j’en conviens, et dans l’évangile que nous venons d’entendre, il y a des paroles terribles de la part de l’époux à l’endroit des jeunes filles insouciantes : « Je ne vous connais pas. » Alors que faire pour être reconnus ?

Déjà, quand on vit dans l’amour et le souci des autres, je suis sûr que le Seigneur se reconnaît chez ces personnes, même chez celles qui ne sont pas chrétiennes ou qui sont loin de l’Église. Mais ce que la suite du Christ offre de nouveau à l’humanité, c’est l’expérience intérieure de découvrir peu à peu celui qui nous appelle, afin que nous puissions lui dire lors de sa venue, lors de notre passage vers cette vie promise : « Ah ! Te voilà Seigneur. Je t’ai tellement attendu ! »

Cette expérience, nombre de croyants l’on vécue à l’approche de la mort. Et c’est là a plus belle rencontre qui soit, mais elle se prépare au fil des jours et des années, où toujours Dieu se tient à la porte et il frappe. Il y a quelque temps on m’a donné une image sur laquelle on voit Jésus frappant sur une porte. Une image très évocatrice, mais où il semble manquer un détail important : il n’y a aucune poignée à cette porte. Le peintre, interrogé au sujet de cette lacune, a répondu que c’était volontaire, car, disait-il, cette porte on ne peut l’ouvrir que de l’intérieur.

Seul celui ou celle qui habite cette maison intérieure peut ouvrir la porte et ainsi accueillir celui qui frappe, mais jamais le Seigneur n’entrera de force. Il faut donc savoir veiller et ouvrir quand il vient. Chaque jour il nous faut être attentifs à son pas, à sa voix, à travers ceux et celles que nous côtoyons, et ainsi nous préparer à ce grand rendez-vous de la rencontre au terme de nos vies.

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J’accompagne présentement une connaissance qui m’est très chère et qui va bientôt mourir. Alors que cet homme voit venir le moment de sa mort, lui qui est un chrétien convaincu, m’a confié : « Tu sais, je n’ai pas peur; j’ai fait mon possible dans la vie, et bien que je ne sois pas parfait, je sais que je peux m’en remettre à la grande miséricorde de mon Dieu que j’aime ».

Est-il exigeant ce Dieu auquel nous croyons et à qui nous confions nos vies ? Il suffit de regarder l’attitude de Jésus sur la croix avec celui qu’on appelle « le bon larron ». C’était un brigand, paraît-il, et les paroles de Jésus à son endroit ont toujours interrogé les croyants : « Aujourd’hui même, lui dit-il, tu seras avec moi dans le paradis ! »

Dans une homélie, saint Augustin s’interroge à propos de ce larron, et il lui demande : comment il a reconnu le Messie sous l’apparence du crucifié, lui l’ignorant de la Loi et des Prophètes, lui qui n’avait probablement jamais beaucoup prié, alors que les scribes et les docteurs de la Loi n’avaient rien compris, alors que ses disciples les plus proches avaient pris la fuite, en se laissant gagner par le désespoir, alors qu’il n’y avait rien à voir  sur cette croix? Et, le bon larron de répondre à Augustin : « Il m’a regardé, et dans ce regard, j’ai tout compris. »

Frères et sœurs, nous sommes appelés dans notre vie de foi à entrer dans cette intimité de la rencontre que nous propose le Seigneur, à nous placer sous son regard d’amour, et à nous confier à sa miséricorde, malgré nos faiblesses. Et si ce désir nous habite, une chose est certaine : jamais nous ne manquerons d’huile pour notre lampe, jamais la grâce ne nous fera défaut, car il est fidèle celui qui nous appelle et qui frappe à notre porte pour nous inviter au festin des noces. D’ailleurs, la fête est déjà commencée et c’est ce que célèbre chacune de nos eucharisties.

Yves Bériault, o.p.
Dominicain. Ordre des prêcheurs


  1. Adrien Candiart, Quand tu étais sous le figuier…, Paris, Cerf, 2017, pp. 32-33.

 

Une Réponse

  1. Quel émouvant message d’espérance ! Dieu nous invite mais Il nous laisse libres. À nous de répondre à son appel.

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