Homélie pour le 27e Dimanche (A)

Évangile de Jésus Christ selon saint Matthieu 21, 23-34

En ce temps-là,
Jésus disait aux grands prêtres et aux anciens du peuple :
    « Écoutez cette parabole :
Un homme était propriétaire d’un domaine ;
il planta une vigne,
l’entoura d’une clôture,
y creusa un pressoir et bâtit une tour de garde.
Puis il loua cette vigne à des vignerons,
et partit en voyage.
    Quand arriva le temps des fruits,
il envoya ses serviteurs auprès des vignerons
pour se faire remettre le produit de sa vigne.
    Mais les vignerons se saisirent des serviteurs,
frappèrent l’un,
tuèrent l’autre,
lapidèrent le troisième.
    De nouveau, le propriétaire envoya d’autres serviteurs
plus nombreux que les premiers ;
mais on les traita de la même façon.
    Finalement, il leur envoya son fils,
en se disant :
‘Ils respecteront mon fils.’
    Mais, voyant le fils, les vignerons se dirent entre eux :
‘Voici l’héritier :
venez ! tuons-le,
nous aurons son héritage !’
    Ils se saisirent de lui,
le jetèrent hors de la vigne
et le tuèrent.
    Eh bien ! quand le maître de la vigne viendra,
que fera-t-il à ces vignerons ? »
    On lui répond :
« Ces misérables, il les fera périr misérablement.
Il louera la vigne à d’autres vignerons,
qui lui en remettront le produit en temps voulu. »
    Jésus leur dit :
« N’avez-vous jamais lu dans les Écritures :
La pierre qu’ont rejetée les bâtisseurs
est devenue la pierre d’angle :
c’est là l’œuvre du Seigneur,
la merveille devant nos yeux !

    Aussi, je vous le dis :
Le royaume de Dieu vous sera enlevé
pour être donné à une nation
qui lui fera produire ses fruits. »

COMMENTAIRE

Jésus dans sa parabole nous parle d’un homme. Toujours cet homme qui est à l’œuvre. Un homme qui donne, un homme qui embauche et qui pardonne. Jésus, à travers les paraboles, nous parle de son Père. Il y a deux dimanches, il nous racontait l’histoire d’un maître de domaine qui engageait des ouvriers à toute heure du jour, afin de les envoyer à sa vigne. Dimanche dernier, Jésus nous parlait d’un père demandant à ses deux fils d’aller travailler à sa vigne. Et aujourd’hui, il nous raconte encore une parabole au sujet d’une vigne, de son propriétaire et de son fils.

Pourquoi la vigne revient-elle si souvent dans les paraboles de Jésus? C’est en relisant la Bible que nous trouvons réponse à cette question. Souvenez-vous de Noé. C’est lui le premier vigneron dans la Bible, et la vigne est le premier arbre cultivé, le premier signe de civilisation après le déluge qui inaugure une ère de paix, car le vin dans la tradition biblique est signe de joie et de prospérité, d’où l’importance de la vigne.

Beaucoup plus tard, lorsque le peuple hébreu se retrouve au désert après sa sortie d’Égypte, Moïse organise une première mission de reconnaissance dans le royaume que Dieu lui a promis. Les explorateurs envoyés par Moïse seront impressionnés par la richesse des vignobles qui s’y trouvent; on raconte qu’ils vont couper une branche de vigne avec une grappe de raisins tellement imposante, qu’ils devront la porter à deux au moyen d’une perche (Nb 13, 23)! Comme il est fertile ce pays où Dieu nous invite à entrer !

À travers son histoire, et par la bouche de ses prophètes, Israël prendra conscience qu’il est le peuple chéri de Dieu, qu’il est comparable à une vigne sur laquelle Dieu veille avec beaucoup de soin, afin de lui faire porter du fruit. Comme le chante le psaume aujourd’hui : Israël est la vigne que Dieu a prise à l’Égypte, et qu’il replante en chassant des nations. 

Une autre composante importante des paraboles de Jésus où il est question de la vigne est la présence du maître du domaine, celui que Jésus appelle son Père. Ces paraboles nous parlent d’un Dieu qui est à l’œuvre, qui travailler la terre, une terre où il a planté une vigne qu’il a solidement établie, une vigne qu’il protège afin qu’elle donne du fruit. 

Ces paraboles nous parlent à la fois de Dieu et de l’Église, du monde et de chacun et chacune de nous. Car, comme le chante le psalmiste, la vigne du Seigneur de l’univers, c’est la maison d’Israël, maison dont les murs s’étendent désormais aux confins de l’Église universelle.

L’histoire d’Israël ressemble à notre histoire, elle est souvent marquée par des refus, des compromissions ou des démissions. Mais Dieu est tenace dans son amour. Il ne désespère jamais de nous. La parabole d’aujourd’hui ouvre des perspectives très larges, beaucoup plus que les précédentes, car c’est la manière même dont Dieu se donne au monde qui nous est dévoilée. Il envoie son propre Fils afin de nous ramener dans son amour.

L’auditeur de la parabole que nous sommes doit l’entendre non seulement pour le peuple d’Israël, mais pour nous-mêmes personnellement. Elle nous interpelle et nous demande : à qui veux-tu confier la direction de ta vie? Veux-tu en être le maître absolu? L’unique artisan? Ne compter que sur tes propres forces? Si c’est le cas, c’est voué à l’échec. Car cette vie que nous croyons être la nôtre est une vie qui nous est prêtée, comme une terre que l’on prête en fermage afin de lui faire porter du fruit.

Le message fondamental de notre parabole est que Dieu met son amour entre nos mains, afin que nous portions avec lui son rêve et son souci pour le monde, afin que nous portions des fruits de miséricorde et de compassion, solidaires des humiliés et des offensés. L’amour ! Voilà le fruit unique que nous sommes appelés à nous donner les uns aux autres.

Un jour, j’ai fait la rencontre d’une jeune infirmière qui revenait d’un stage en Haïti, un voyage qui l’avait bouleversée tant la misère qu’elle y avait côtoyée était à fendre l’âme. Je revois son visage au bord des larmes me disant : « Il me semble que le Bon Dieu doit avoir honte de nous autres. » En dépit de son propos, je la trouvais belle dans son indignation et dans sa tristesse. Je me disais : voilà vraiment la fille de son père, son Père du ciel. Comme il doit se reconnaître en elle, tout comme il veut se reconnaître en chacun et chacune de nous, puisqu’il nous a fait à son image.  

Jésus est venu nous dévoiler le véritable visage de son Père. Il est ce Dieu dont il témoigne tout au long de sa vie publique. Il nous parle de son amour pour nous, tout particulièrement pour ceux et celles qui souffrent, pour les exclus, les opprimés. 

C’est Lui ce Dieu Père qui en Jésus, fait bon accueil aux pécheurs, qui pleure devant le tombeau de Lazare, devant la ruine à venir de Jérusalem. C’est Lui qui écrit dans le sable un langage nouveau et qui relève la femme adultère. Oui, notre Père du ciel, comme le chante la Vierge Marie dans son Magnificat : « Il élève les humbles. Il comble de bien les affamés », et Il nous envoie son propre Fils, afin de nous aider à vivre pleinement la vie qu’il nous donne en partage, afin que nous apprenions à aimer comme lui. 

Car comme l’affirme l’évangéliste Jean, qui reprend lui aussi l’image de la vigne : « Nous avons été greffés sur le Christ, comme les sarments sur le cep de la vigne » (cf. Jean 15). La vie du ressuscité circule en nous, elle transforme nos vies, et à travers cette Parole de Dieu que nous venons de proclamer, nous pouvons entendre la voix de Jésus qui nous murmure à l’oreille : « C’est moi qui vous ai choisis, afin que vous alliez, que vous portiez du fruit, et que votre fruit demeure. » Que ce soit là notre joie !

fr. Yves Bériault, o.p.

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