À quelques heures du rappel de la mort de Jésus, alors que nous célébrons son dernier repas avec ses apôtres, le mystère demeure entier et il bouleverse tout chrétien, toute chrétienne qui prend au sérieux sa foi. Pourquoi Jésus devait-il mourir ainsi?
Bien sûr, nous savons qu’il devait mourir parce qu’il l’avait affirmé lui-même : « Ma vie, nul ne la prend, c’est moi qui la donne ». Nous sommes familiers avec ce passage de l’évangile, et nous savons que la mort de Jésus annonçait non seulement sa résurrection, mais aussi notre rédemption, notre salut, mais le pourquoi fondamental de tout cela demeure caché dans le cœur du Père et nous sera révélé que lors du grand face à face dans l’éternité de Dieu.
Ce que nous savons c’est qu’il y a là un mystère d’amour et c’est ce mystère que nous sommes invités à contempler ce soir en cette célébration de la Cène du Seigneur. Contempler sans tout comprendre, accueillant dans la foi, et nous faisant le plus proche possible du cœur de Jésus, comme le disciple bien-aimé reposant sur sa poitrine.
La liturgie du Jeudi Saint nous invite à contempler le geste que Jésus a posé à l’endroit de ses disciples la veille de sa passion. Car comment évoquer ce qui est au cœur de la vie de Jésus, sinon en rappelant cette image gravée à jamais dans la mémoire de l’Église : Jésus à genoux aux pieds de ses disciples.
L’enseignement de Jésus est simple au fond. Il se résume dans l’accueil de Dieu, et dans l’accueil du prochain. Jamais l’un sans l’autre. Ce prochain, cet autre : l’ennemi, le mal-aimé, le pauvre, l’étranger, Jésus nous invite à le regarder avec ses yeux à lui, à poser sur l’autre un regard digne de la compassion de Dieu, vraiment porteur de son amour. Jésus nous dit ce soir, à genoux à nos pieds : « Viens à moi avec ton cœur, et tu verras avec mes yeux ».
C’est le théologien Jean Galot qui disait : « Le Christ est venu sur la terre pour provoquer un attachement à sa personne, pour attirer à lui l’humanité et l’univers. Mais avant de réclamer cette adhésion et pour l’obtenir, il s’attache lui-même aux hommes ». Et, je dirais, qu’il s’attache aussi à des hommes et des femmes qui deviennent solidaires du mystère qui l’habite et qui, à leur tour, s’attachent à leurs frères et à leurs sœurs les humains, comme le Christ.
L’autre, le tout proche, comme la personne la plus éloignée, est tellement important dans l’enseignement de Jésus qu’il devient un chemin privilégié vers Dieu, un passage inévitable, incontournable. Avec Jésus nous apprenons qu’il faut savoir nous approcher de tous ceux et celles que Dieu met sur notre route en revêtant le tablier du serviteur.
Le royaume de Dieu, nous dit Jésus, passe par une charité effective, celle de la tenue de service qui nous amène à nous laver les pieds les uns aux autres; à laver les offenses, les indifférences, les pauvretés et les blessures dont l’autre est porteur, afin de découvrir en elle, en lui, une sœur, un frère aimé de Dieu, digne de son amour et donc digne de notre attention et de notre affection.
Jésus nous révèle qu’en toute personne Dieu se fait connaître. « Je suis pour toi un lieu où Dieu se fait connaître à toi, et tu es un lieu où Dieu se fait connaître à moi ». N’en doutons pas, nous sommes semblables à des icônes qui révèlent mystérieusement quelque chose du mystère ineffable de Dieu. Voilà une bonne nouvelle et nous sommes au cœur de l’Évangile!
C’est le génie de l’évangéliste Jean de nous présenter le dernier repas de Jésus avec les siens, non pas en mettant l’accent sur le pain et le vin, mais en mettant l’accent sur la portée de ce pain et de ce vin offerts par Jésus. Le pain et le vin sont signe par excellence de son offrande, de sa vie donnée, lui qui se fait nourriture pour nous. Mais ils nous révèlent aussi le sens de la mission de Jésus : le pain et le vin, c’est Jésus à nos pieds, corps et sang livrés pour nous, « parce qu’il n’y a pas de plus grand amour que de donner sa vie pour ceux qu’on aime », nous dit Jésus. Et Jésus a suivi cette logique jusqu’au bout de lui-même…
Pourquoi le Fils de Dieu devait-il mourir ainsi? Il y a là quelque chose de la folie de Dieu qui nous dépasse. Mais il y a dans la mort de Jésus un acte d’amour tellement absolu qu’il questionnera notre humanité jusqu’à la fin des temps. Et désormais, à cause de lui, mystérieusement, les hommes et les femmes qui le suivent, se surprennent à vouloir aimer et servir comme lui, en dépit de leurs manques, de leurs faiblesses, ou de leur histoire personnelle.
Et Jésus leur dit : « Viens, suis-moi et tu auras la vie ». C’est à ce don de nous-mêmes qu’il nous invite lorsqu’il nous dit, en offrant le pain et le vin à la dernière Cène : « Vous ferez cela en mémoire de moi ». Nous sommes invités, nous aussi, à revêtir le tablier du serviteur, à devenir son corps et son sang pour le salut du monde, à devenir une éternelle offrande à la gloire du Père avec lui.
C’est dans cette offrande que nous entrons maintenant au moment de célébrer la Cène du Seigneur en ce Jeudi Saint. Comme le soulignait le pape Jean-Paul II dans son encyclique sur l’Eucharistie : « L’Eucharistie, présence salvifique de Jésus dans la communauté des fidèles et nourriture spirituelle pour elle, est ce que l’Église peut avoir de plus précieux dans sa marche au long de l’histoire […] C’est le don par excellence, poursuit Jean-Paul II, parce que c’est le don de lui-même ». Le don qui nous rend semblables à lui, qui nous fait vivre et agir comme lui. Et il n’y a pas de plus grand bonheur.
fr. Yves Bériault, o.p.
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Merci de nous rappeler l’humilité de Dieu le Fils. Quand Jésus a enseigné comment prier, il a dit : « Notre Père… ». Par ces simples deux mots, il nous a d’abord fait enfants de Dieu le Père, puis, il a fait de nous ses propres frères et sœurs, enfin, il nous a faits frères et sœurs les uns des autres. En tant que tels, chacun et chacune d’entre nous est responsable de chacun de ses frères et de chacune de ses sœurs. Seigneur, apprends-moi à voir, à entendre et à servir l’autre comme tu l’as fait.
Bonjour Richard. Merci pour ta fidélité. Joyeuses Pâques ! Christ est ressuscité !
Il est vraiment ressuscité !
Au’Il vous bénisse ainsi que tous les membres de l’Odre des Prêcheurs.
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