Vie chrétienne et pauvreté évangélique

Une amie s’interroge quant à la manière de vivre la pauvreté évangélique lorsque l’on est marié. Voici ce que j’ai partagé avec elle.

Je pense bien que celui ou celle qui veut être disciple du Christ n’en fini jamais de creuser cet appel qui l’habite, comme une soif qu’il ne parvient jamais à étancher. Pourtant, le Seigneur nous a promis une eau vive qui enlèverait à tout jamais la soif. Et c’est bien cela que le baptême nous procure, quand cette grâce est accueillie dans une foi engagée et un amour du Seigneur. La soif pour les choses terrestres s’amenuise peu à peu, au point de disparaître, quand on se met à la suite du Seigneur. C’est notre péché personnel, nos duretés, qui laissent parfois de ces espaces en nous qui lorgnent encore du côté des soi-disant « biens », des choses qui ne rassasient pas vraiment.

Pour moi, la pauvreté s’insère ici et elle est un signe de l’Évangile à l’oeuvre dans nos vies. La suite de Jésus nous dépouille peu à peu et il existe dans l’Église certains appels à un dépouillement radical afin d’être entièrement disponible aux autres et à la mission. Afin de témoigner ainsi, par l’action de la grâce en nous, et non par volontarisme, que nous sommes vraiment saisi par cet amour pour le Christ qui nous fait dire: « Tu es le Messie, le Fils du Dieu vivant; tu as les Paroles de la vie éternelle; vers qui d’autre irions-nous? »

Cet appel à la pauvreté est un appel au coeur de la vie de tout baptisé, soit sous forme de voeu ou tout simplement dans le quotidien d’une vie chrétienne engagée. Cette pauvreté est le fait même de notre baptême qui nous configure à Jésus, qui nous fait lui ressembler au point de vouloir, je dirais au point de désirer, partager sa faiblesse humaine, son dénuement, par amour pour lui et à cause de son amour pour nos frères et soeurs qu’il nous fait découvrir comme étant nos proches, comme étant d’autres nous-mêmes. Lui, de riche qu’il était, s’est fait pauvre pour nous. Il s’est abaissé jusqu’à nous au point de mourir sur la croix : par amour! C’est ce même amour désormais, par la grâce de notre baptême, qui habite en nous et qui étreint notre coeur endurci, ce coeur que le Seigneur vient guérir.

Pour des laïcs mariés avec des enfants, l’évangile a aussi les mêmes exigences.

Naturellement la première responsabilité des parents est à l’égard de leurs enfants. La pauvreté évangélique évoque une simplicité de vie et nous ouvre au partage. Mais elle nous fait aussi porter un regard autre sur les biens terrestre, sur toutes ces choses qui ne doivent pas nous dominer, nous posséder, mais qui sont là à notre service, mais que nous n’avons pas toujours à utiliser.

Je repense à Nice, où je suis allé il y a quelques années. Un matin, très tôt avant le levé du soleil, je suis allé me promener sur la Promenade des Anglais et je me suis rendu jusqu’au port voir les bateaux. Il y avait des yachts privés, énormes, deux trois étages, avec des équipages, des ponts d’atterrissage pour les hélicoptères privés. Tout cela suintait une telle richesse exagérée que cela me dégoûtait. Je n’enviais pas ces gens, ces millionnaires, milliardaires, utilisant pour eux seuls des biens d’un tel luxe alors que tant de gens n’ont rien. C’est saint Bernard de Clairvaux qui dit : «La nourriture des riches est cuisinée dans la sueur des pauvres».

Je pense que la vie chrétienne nous rend plus sensible à cet écart entre riches et pauvres. La pauvreté évangélique ne cherche pas à faire de la pauvreté une vertu en soi, sinon, pourquoi donner aux pauvres? Afin de les rendre plus riches? Si la pauvreté est une vertu, laissons les pauvres croupir dans leur pauvreté alors. Ainsi ils seront plus proches de l’Évangile! La pauvreté est un mal contre lequel il faut lutter, car tous ont droit à des conditions de vie qui leur permettent de vivre dignement et qui répondent à leurs besoins corporels, intellectuels et sociaux.

Mais la pauvreté évangélique, c’est accepter, à cause du Christ, c’est comprendre, grâce à l’action de l’Esprit Saint en nous, combien les biens terrestres ne sont pas une fin en soi, mais qu’ils sont au service de la vie, au coeur de laquelle nous sommes appelés à reconnaître la présence de notre Dieu Père et Créateur. Les biens terrestres ne sont qu’un moyen et plus on approche de Dieu plus on en arrive à un détachement des biens terrestres. La pauvreté évangélique c’est alors d’user de ces biens comme n’en usant pas. Ne devenant pas tout triste et malheureux parce que ce que j’avais un jour, je ne l’ai plus le lendemain.

La pauvreté évangélique n’est possible que lorsque l’on donne toute la place au Christ ressuscité au coeur de nos vies. S’il en occupe le coeur, tout le reste ne peut alors qu’être ordonné en fonction de ma relation avec lui. Les parents chrétiens vont témoigner à leurs enfants que finalement, dans leur vie, il y a des valeurs fondamentales qui déterminent leur rapport aux choses et au monde, qui les empêchent de vouloir céder à la vanité, à l’orgueil de posséder ou de paraître. À chacun maintenant de déterminer ce que ceci peut vouloir dire dans sa vie familiale chrétienne. Je crois que le fondamental ici c’est l’accord du couple dans la manière de vivre ces valeurs.

Le couple va souvent ressembler à la communauté religieuse où, tous, ne voient pas la pauvreté de la même manière, mais où, ensemble, on essaie de s’entendre au moins sur un minimum. Dans le couple c’est encore plus délicat. C’est pourquoi, le premier fondement à la pauvreté évangélique est dans le coeur, dans un attachement toujours plus recherché au Christ, car lui seul, peut faire de nous des pauvres selon l’esprit des béatitudes: « bienheureux les pauvres, le Royaume des Cieux est à eux. »