Homélie pour le 5e Dimanche de Pâques (A)

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Jésus dans l’Évangile de ce dimanche interpelle la foi des disciples alors que sa passion se profile à l’horizon. Devant leurs craintes, il leur dit : « Que votre cœur ne soit pas bouleversé : Vous croyez en Dieu, croyez aussi en moi. » Qu’en est-il de nous alors que nous traversons une crise majeure qui met peut-être à l’épreuve notre foi? Voilà le contexte de la réflexion que je nous propose ce matin.

II vous est sans doute arrivé un jour de remettre Dieu en question, de douter ou même de perdre la foi. Tout cela fait partie des divers chemins qui mènent vers Dieu, même si parfois ces chemins semblent s’en écarter. La foi en Dieu, bien que capable de transformer nos vies, de changer notre regard sur le monde, cette foi demeure fragile, elle est comme une jeune pousse qui a constamment besoin d’être entretenue, arrosée, émondée.

C’est surtout lorsque l’épreuve frappe à notre porte que nous sommes tentés de questionner Dieu, tentés de le faire comparaître devant le tribunal de notre indignation afin qu’il se justifie. «  Que dis-tu de toi-même? » Secrètement, nous faisons nôtre le cri des contradicteurs de la foi d’Israël, dont le psalmiste fait entendre la voix moqueuse lorsqu’ils s’écrient devant les malheurs du juste : « Où est-il ton Dieu ? » C’est cette interrogation qui monte aux lèvres des opprimés, de ceux qui souffrent et des malheureux à travers les siècles. « Où es-tu? »

Nous le savons, le plus grand défi que la foi doit affronter c’est le silence de Dieu et son impuissance apparente quand le malheur frappe. Jésus lui-même en fait l’expérience à Gethsémani quand il s’écrie : « Mon Dieu, mon Dieu, pourquoi m’as-tu abandonné ? » Et pourtant, il en arrivera à une remise totale de sa personne entre les mains du Père sur la croix : « Père, non pas ma volonté, mais la tienne. » Cette prière d’abandon est certainement la plus difficile qui soit, car elle implique l’acceptation de ce que l’on ne peut changer, alors que l’on voudrait tellement que Dieu intervienne, qu’il change le cours des événements qui nous frappent de plein fouet.

Alors, qu’est-ce que Dieu attend de nous ? Et que pouvons-nous attendre de lui ? Pour illustrer mon propos, j’aimerais parler ici d’Esther Hillesum, cette jeune juive assassinée à Auschwitz en 1943 à l’âge de 29 ans. Une jeune convertie qui a des réflexions étonnantes au sujet de Dieu. Au cœur de la détresse et des persécutions qui frappent son peuple, Esther est convaincue que Dieu ne peut empêcher, comme d’un coup de baguette magique, le drame qui se déroule autour d’elle, soit l’extermination systématique de son peuple à l’échelle de l’Europe, persécutions qui feront près de six millions de victimes.

Esther en arrive à un constat qui bouleverse complètement notre représentation de Dieu. Elle affirme, au cœur de cette violence qui l’entoure, que c’est à nous d’aider Dieu, que Dieu veut avoir besoin de nous. Mais pour y parvenir, dit-elle, il faut le laisser habiter en nous. « Un peu de toi en nous mon Dieu », écrira-t-elle dans son journal. Esther Hillesum a cette vive conscience que la force intérieure qui peut nous donner le courage d’affronter la vie et ses tempêtes ne peut nous venir que de Dieu. Qu’Il est lui le véritable artisan de nos redressements, de nos recommencements et de nos luttes ! « Un peu de toi en nous mon Dieu », demande-t-elle.

Ce témoignage, ainsi que toute la tradition biblique, nous dévoile une condition indispensable pour bien assumer notre foi en Dieu : c’est de l’enraciner dans la fidélité. C’est s’attacher à Dieu pour le meilleur et pour le pire, sachant que cela n’a pas pour but de nous mettre à l’abri des épreuves, même si c’est là notre désir le plus profond et qu’il est légitime demander qu’il soit exaucé. Mais la foi en Dieu, vécue dans une fidélité tenace et têtue, nous aide avant tout à accepter avec courage nos vies de femmes et d’hommes, de pères et de mères, et ainsi affronter la vie et ses tempêtes avec la force de Dieu.

Est-ce que cela veut dire qu’on ne souffre pas quand on met sa foi en Dieu? Que nous ne sommes pas saisis de vertige devant la peine et la douleur ? Bien sûr que non ! Mais Dieu sera toujours l’appui le plus sûr, l’ami le plus fidèle que nous ayons pour affronter l’épreuve.

Car la remise de nos vies entre ses mains nous donne de nous tenir debout en ce monde, malgré les vents contraires. Notre foi en Jésus Christ nous donne de communier à sa puissance de résurrection et nous invite à entrer dans le grand mystère de sa vie, qui est plus fort que toutes nos morts. Il suffit de contempler les témoins autour de nous, ceux d’hier et d’aujourd’hui, pour nous en convaincre. Pas seulement les saints et les saintes sur les autels de nos dévotions, mais surtout ces fidèles anonymes dont la foi en Dieu est comme vissée au corps et qui l’assument courageusement, jour après jour.

Voici ce que m’écrivait une correspondante de 80 ans, me parlant de son quotidien vécu à la lumière de la foi, de l’espérance et de la charité :

« La foi, m’écrivait-elle, c’est Jésus toujours à mes côtés pour me soutenir et me redonner courage quand j’ai envie de baisser les bras. La charité : c’est elle qui me permet de servir et accompagner la fin de vie de mon époux de 86 ans atteint de la maladie d’Alzheimer, avec amour après plus de 56 ans de vie commune. L’espérance ! Elle me fait espérer l’accueil miséricordieux de ce Dieu plein d’amour, auquel je crois, et où nous serons définitivement réunis dans la paix. »

Frères et sœurs, voilà un beau témoignage de ce que Dieu vient accomplir en nous en son Fils Jésus Christ. Il vient marquer nos vies de son amour afin que le véritable bonheur ne nous échappe jamais. Comme on le disait de saint Dominique, nous avons planté l’ancre de notre espérance au ciel avec le Christ, qui seul peut nous mener à bon port, car il est lui le Seigneur, et il tient précieusement nos vies entre ses mains.

fr. Yves Bériault, o.p.

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