« Le Dieu qui est avec nous est celui qui nous abandonne (Mc 15, 34) ! Le Dieu qui nous laisse vivre dans le monde, sans l’hypothèse de travail Dieu, est celui devant qui nous nous tenons constamment. Devant Dieu et avec Dieu, nous vivons sans Dieu. Dieu se laisse déloger du monde et clouer sur la croix. Dieu est impuissant et faible dans le monde, et ainsi seulement il est avec nous et nous aide […] Voilà la différence décisive d’avec toutes les autres religions. La religiosité de l’homme le renvoie dans sa misère à la puissance de Dieu dans le monde, Dieu est le deus ex machina. La Bible le renvoie à la souffrance et à la faiblesse de Dieu; … L’évolution du monde vers l’âge adulte dont nous avons parlé, faisant table rase d’une fausse image de Dieu, libère le regard de l’homme pour le diriger vers le Dieu de la Bible qui accomplit sa puissance et sa place dans le monde par son impuissance. »
(Dietrich Bonhoeffer. Résistance et soumission, Lettres et notes de captivité. Lettre du 16 juillet 1944, Genève 1967, p. 162-163.)
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Malheureusement, le texte n’est pas entièrement compréhensible. Mauvaise transcription, traduction, lourdeur de la syntaxe originale? Ou mon esprit embué?
Dommage. On devine de quoi il est question sans pénétrer vraiment le fond car la forme ne le laisse pas découvrir.
Le problème est posé de façon provocatrice, « Le Dieu qui est avec nous est celui qui nous abandonne ». On est devant le silence de Dieu qui ici est traité comme une impuissance. Mais suit cette phrase évocatrice de ce que l’auteur a trouvé au bout de sa terrible épreuve : « Dieu est impuissant et faible dans le monde et ainsi seulement il est avec nous ». Notre Dieu et notre Frère. C’est tout le paradoxe du rapport entre Dieu et l’Homme : il est notre Dieu et notre Frère. C’est tout le paradoxe et le don inconcevable de Dieu.
Quelle autre religion fait de Dieu, un être transcendant et un frère??
Votre compréhension de cet extrait d’une lettre de Dietrich Bonhoeffer est pourtant très claire et rejoint l’intuition de ce grand théologien.
Est-ce vous, cher Père sous Anonyme?
Seul le prolongement du texte m’aide à comprendre de quoi il est question. Néanmoins le début de l’extrait jusqu’à « …sur la croix » reste pour moi, incompréhensible. Pouvez-vous m’aider? En réalité, je comprends ce texte intuitivement et non par la raison.
Cetains passages m’éclairent quand le reste, demeure confus.
En tout état de cause, je vous remercie de m’assurer dans la compréhension générale du texte.
Cinq ans plus tard….
En lisant ce texte aujourd’hui, j’y vois la confirmation que le christianisme n’est pas une religion, mais un regard intérieur, un état d’âme et de coeur.
Le christianisme est absorbable par toutes les religions car il n’en est pas une. C’est peut-être là, son immense force.
C’est l’esprit de division (diabolos), l’esprit de conservatisme et de fermeture qui a entraîné la rupture avec le judaïsme et la constitution d’une religion chrétienne comme plus tard, l’esprit de division a entraîné les schismes à l’intérieur du christianisme et la constitution de plusieurs religions.
Mais n’avons-nous pas fait fausse route depuis le début?
Cher Moine ruminant, vous avez fait de moi, un petit atome ruminant dans le fond de son coeur. Donc, je rumine, bien ou mal, je rumine. Il finira par en sortir quelque chose pour ma propre évolution, au moins. Merci!
Merci Marie de nous partager vos ruminations, en particulier cette réflexion sur le christianisme !
Je vous partage deux textes du frère Christian de Chergé, moine de Tibhirine en Algérie, assassiné avec six de ses frères en 1996. La première citation est tirée de ses chapitres à ses frères moines et la seconde du livre de Christian de Salenson dans son livre : Christian de Chergé Une théologie de l’espérance.
« L’Église ne vit qu’en sortant pour ainsi dire d’elle-même… » dit le Cardinal Duval reprenant le mot de Paul VI : » L’Église est extatique… » Un même mouvement d’ex-tase dit sa prière vers Dieu et son envoi aux hommes. Ainsi l’Église est appelée à entrer en dialogue avec tout homme, toute culture, toute religion, au nom de l’esprit du Christ qui a mis en route les pèlerins de la Terre Promise (Cf. Ecclesiam suam no. 98). » p. 51 […] Dans le pèlerinage vers l’autre, étranger à l’Église, il y a un pèlerinage vers le Christ présent en l’autre, et donc vers le Christ enrichi de ce que l’autre peut en dire à la foi de l’Église. » p. 51
L’Église est la gardienne de son frère, du musulman, de l’hindou et des autres, désireuse que les uns et les autres soient fidèles à leur vocation d’hommes et de croyants. […] L’Église n’est pas en concurrence (avec les autres religions). Elle n’est pas une religion comme les autres religions. Elle a une mission différente dans le monde qui est de signifier cette fraternité des hommes, car elle est tournée vers le Père et parce que le « Christ est l’aîné d’une multitude de frères ». Elle n’est pas à elle-même sa propre fin, elle est l’humble servante d’un dessein de Dieu qui la dépasse. » p. 221
Beaucoup d’écho en moi à ces textes, qui vont dans le sens de ce christianisme fondateur d’une Eglise qui « n’est pas à elle-même sa propre fin » mais » l’humble servante d’un dessein de Dieu qui la dépasse ».
Des interrogations aussi sur l’Eglise, précisément. Sa fin est-elle d’être dépassée? Etc… et bien d’autres encore.
De quoi nourrir ma rumination! Merci!
J’y retourne….