Évangile de Jésus Christ selon saint Matthieu 3,1-12.
En ces jours-là, paraît Jean le Baptiste, qui proclame dans le désert de Judée :
« Convertissez-vous, car le Royaume des cieux est tout proche. »
Jean est celui que désignait la parole transmise par le prophète Isaïe : A travers le désert, une voix crie : Préparez le chemin du Seigneur, aplanissez sa route.
Jean portait un vêtement de poils de chameau, et une ceinture de cuir autour des reins ; il se nourrissait de sauterelles et de miel sauvage.
Alors Jérusalem, toute la Judée et toute la région du Jourdain venaient à lui,
et ils se faisaient baptiser par lui dans le Jourdain en reconnaissant leurs péchés.
Voyant des pharisiens et des sadducéens venir en grand nombre à ce baptême, il leur dit : « Engeance de vipères ! Qui vous a appris à fuir la colère qui vient ?
Produisez donc un fruit qui exprime votre conversion,
et n’allez pas dire en vous-mêmes : ‘Nous avons Abraham pour père’ ; car, je vous le dis : avec les pierres que voici, Dieu peut faire surgir des enfants à Abraham.
Déjà la cognée se trouve à la racine des arbres : tout arbre qui ne produit pas de bons fruits va être coupé et jeté au feu.
Moi, je vous baptise dans l’eau, pour vous amener à la conversion. Mais celui qui vient derrière moi est plus fort que moi, et je ne suis pas digne de lui retirer ses sandales. Lui vous baptisera dans l’Esprit Saint et dans le feu ;
il tient la pelle à vanner dans sa main, il va nettoyer son aire à battre le blé, et il amassera le grain dans son grenier. Quant à la paille, il la brûlera dans un feu qui ne s’éteint pas. »
Commentaire
Je voudrais tout d’abord faire mémoire de Nelson Mandela, cet homme courageux et hors du commun, qui après 27 années d’emprisonnement, a su conduire son peuple, noirs et blancs, dans une dynamique de réconciliation sans précédent pour l’Afrique du Sud et pour le monde. Il est décédé le 5 décembre dernier et la nouvelle de sa mort, tel un arbre géant qui s’abat, s’est répercutée aux quatre coins du globe.
Dans un message au président sud-africain Jacob Zuma, le pape François lui-même écrit : « Je salue l’engagement tenace montré par Nelson Mandela pour promouvoir la dignité humaine de tous les citoyens de la nation et forger une nouvelle Afrique du Sud basée sur les fermes fondations de la non-violence, de la réconciliation et de la vérité. »
Nelson Mandela était un homme de convictions qui a su gagner l’estime de tous. Il aurait affirmé ce qui suit lors d’un discours :
« Notre peur la plus profonde n’est pas que nous ne soyons pas à la hauteur. Notre peur la plus profonde est que nous sommes puissants au-delà de toutes limites. Et pourquoi pas, vous êtes un enfant de Dieu. […] Nous sommes tous appelés à briller, comme le font les enfants. Nous sommes nés pour rendre manifeste la gloire de Dieu qui est en nous.[1] »
« Nous sommes nés pour rendre manifeste la gloire de Dieu qui est en nous. » Cette vérité vaut pour toutes les époques, et pour tous les continents, puisque nous sommes tous créés à l’image de Dieu. Notre vocation d’hommes et de femmes relève vraiment de « l’extra-ordinaire », et il peut arriver que nous ayons peur de nous réaliser pleinement, que nous doutions de nous-mêmes, enfouissant ce trésor qui est le nôtre et, par le fait même, nous détournant ainsi de Dieu, du prochain et de nous-mêmes. D’où l’appel que nous fait entendre le prophète Jean-Baptiste : « Convertissez-vous, préparez le chemin du Seigneur, aplanissez sa route. »
Ces consignes évangéliques ne sont pas nouvelles pour nous. Chaque année elles sont proclamées afin de nous rappeler les exigences de la suite du Christ, de peur que nous nous arrêtions en chemin, que nous oublions quelle espérance doit être la nôtre dans notre vie de foi, car notre foi est une foi qui espère, en dépit des obstacles qui parfois peuvent sembler insurmontables ! Il faut donc éviter de s’arrêter en chemin, et persévérer avec courage afin de posséder cette espérance, à laquelle nous invite saint Paul dans sa lettre aux Romains aujourd’hui.
En ce 2e dimanche de l’Avent, nous écoutons aussi le prophète Isaïe qui est un témoin privilégié de cette espérance. Dimanche dernier, il annonçait que lors de la venue du Messie, les lances seraient transformées en faucilles, et les épées en socs de charrue, c.-à-d. en instruments de paix et de progrès. En ce dimanche, il annonce la venue d’un roi pacifique sur lequel va reposer l’esprit du Seigneur, et qui va inaugurer un règne de paix où « le loup habitera avec l’agneau, le léopard se couchera près du chevreau, le veau et le lionceau seront nourris ensemble… et le nourrisson s’amusera sur le nid du cobra. »
Ce Messie, c’est Jésus Christ. Il a planté sa tente sur cette terre. Mais un observateur extérieur à l’Église pourrait nous dire qu’on l’attend toujours ce règne de paix, en dépit des victoires trop peu nombreuses, dont nous sommes parfois les témoins. Le monde a-t-il vraiment changé depuis cette nuit de Bethléem? Est-ce que la venue du Christ a véritablement transformé le cours de l’histoire? Et nous répondons : Oui, nous le croyons! Nous ne savons pas comment aurait évolué notre monde sans cette présence du christianisme, mais nous savons que la suite du Christ a transformé radicalement la vie d’une multitude d’hommes et de femmes au cours des siècles. Au nom de leur amour de Dieu et du prochain, ils ont pris sur eux-mêmes de transformer cette terre, d’inaugurer des relations de paix, de justice et de miséricorde, partout où ils vivaient, et ce parfois, jusqu’au don de leur vie.
On pourrait nommer ici les grandes figures de l’Église, ces saints et ces saintes qui nous sont si chers. Mais je veux nommer surtout tous ces fidèles anonymes qui se consacrent jours et nuits au service des plus pauvres, qui luttent pour la justice et la dignité humaine. Je pense à toutes ces mères et ces pères de famille qui aiment leurs enfants, qui leurs transmettent les valeurs de l’évangile, qui leur apprennent la grandeur du don de soi et du partage, de l’importance d’être bon, d’être juste, et qui éveillent leurs enfants à la présence de Dieu dans leur vie. Je pense à tous ces couples qui se soutiennent, jusque dans la vieillesse, jusque dans la maladie, fidèles à leur amour. Je pense à tous ces consacrés, à tous ces prêtres, à tous ces religieux et religieuses de par le monde, qui ont voué leur vie au Christ, qui persévèrent et qui souvent oeuvrent dans les marges des sociétés, auprès des exclus et des laissés pour compte, qui se consacrent sans relâche au service de l’Évangile.
Ces disciples du Christ n’ont pas tous la notoriété d’un Nelson Mandela, mais fondamentalement, c’est une même conviction qui les anime : que nous sommes nés pour rendre manifeste la gloire de Dieu qui est en nous. De telles personnes, je peux vous affirmer que j’en rencontre toutes les semaines. Regardez bien autour de vous. Ils sont parmi vos voisins, dans vos familles, ils sont ici dans notre communauté, dans toutes les Églises de par le vaste monde jusqu’en Afrique du Sud.
Des germes de paix et de justice sont nés dans le sillage de ces millions de témoins à travers les siècles. Ils ont cru à la venue du Fils de Dieu en notre monde, ils ont accueilli son Esprit Saint et, par leur vie engagée, ils ont préparé la route au Seigneur, comme nous y invite l’Évangile. Ils n’ont pas eu peur des jours sombres et des lendemains qui déchantent, car ils savaient qu’ils n’étaient pas seuls et que Jésus est le grand vainqueur.
C’est à cette espérance que le temps de l’Avent nous invite, en nous faisant entendre la voix du Baptiste : « Convertissez-vous! » Conformez votre vie à cette espérance qui est en vous, qui seule est capable de soulever le monde, qui a pour nom Jésus Christ, et qui ne cesse de toucher et transformer les cœurs qui acceptent son règne de paix et de justice!
Toutefois, il nous faut être bien conscients que Dieu ne nous propose pas une espérance à la petite semaine, une espérance facile et béate où l’on pourrait rester les bras croisés. Elle est profonde comme la mer cette espérance, et nous croyons que Dieu nous y accompagne, en dépit des vents contraires ou même des échecs, parce qu’Il est fidèle Celui qui nous a appelés. C’est Lui qui nous rend capables de nous engager, de ne pas nous décourager, de pardonner, de changer nos cœurs, et de recommencer quand tout s’écroule. Mais pour cela, il nous faut sans cesse aplanir le chemin qui mène jusqu’à notre cœur, afin d’y accueillir le Roi pacifique, le Prince de la paix.
Frères et soeurs, c’est cette espérance têtue et obstinée que nous demandons au Seigneur de l’Univers. Nous lui demandons de la renouveler en nous en ce temps de l’Avent, afin qu’il nous trouve fidèles et en tenues de service quand Il viendra, car nous le croyons, nous sommes nés pour rendre manifeste la gloire de Dieu qui est en nous. Amen.
Yves Bériault, o.p.
[1] « Notre plus grande peur » – Citation de Marianne Williamson, citée par Nelson Mandela lors d’un discours. Il possible que cette citation n’ait jamais été employée par Nelson Mandela. Les sources à ce sujet son contradictoires, mais il est certain que cette citation n’a pas été utilisée par Nelson Mandela lors de son discours inaugural en 1994.
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