Robert Desnos : Toi aussi tu viendras où je suis

gogh_oliviersLe souvenir des morts que nous aimons nous apprend peu à peu la vraie solitude. En nous apprivoisant à la perspective de notre propre mort, il fait de nous un partenaire plus vrai parmi les hommes. C’est ce que suggère ce poème délicat et mélancolique.

Aujourd’hui je me suis promené avec mon camarade.
Même s’il est mort,
Je me suis promené avec mon camarade.
Qu’ils étaient beaux les arbres en fleurs,
Les marronniers qui neigeaient le jour de sa mort.

Avec mon camarade je me suis promené.
Jadis mes parents
Allaient seuls aux enterrements
Et je me sentais petit enfant.
Maintenant je connais pas mal de morts,
J’ai vu beaucoup de croque-morts

Mais je n’approche pas de leur bord.
C’est pourquoi tout aujourd’hui
Je me suis promené avec mon ami.
Il m’a trouvé un peu vieilli,
Un peu vieilli mais il m’a dit :
Toi aussi tu viendras où je suis,
Un dimanche ou un samedi,
Moi, je regardais les arbres en fleurs,
La rivière passer sous le pont
Et soudain j’ai vu que j’étais seul.
Alors je suis rentré parmi les hommes.

(Robert Desnos, «Etat de veille. Mines de rien 1938»,
dans Destinée arbitraire. Gallimard)

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Source : Célébrer la mort et les funérailles, Desclée, 1980.

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