Papa et maman : Lettre à la petite Josianne

monet_printempsNous offrons à tous les parents qui comme nous ont vécu la perte d’un enfant, ou à ceux qui éventuellement auront à y faire face un jour, cette lettre d’espoir et d’amour. Josianne est décédée à l’âge de deux ans et quatre mois.

Il y a déjà trois ans que tu n’es plus de ce monde, même si dans nos cœurs tu existes toujours. C’est avec grande émotion mais avec tellement de conviction que je t’écris cette lettre, sachant même que tu n’as pas à la lire, car c’est toi mon inspiration à présent.

Il y a eu et il y a encore des moments très difficiles à traverser ; et, de toute évidence, il y en aura toujours. Certes, ta présence physique est ce qui nous manque le plus ; ta beauté, ton sourire, ta démarche, ton intelligence, bref, tout ce qui faisait de toi ce petit être que tous chérissions.

Ton séjour fut très court sur cette terre, mais combien fut-il rempli ! Tu fus de passage tel un petit ange venu pour apporter la bonne nouvelle… Il est très difficile de comprendre toutes ces choses. On se pose des tas de questions, sans aucune réponse concrète, mais je conserve un grand espoir qu’il y a une suite à tout cela. Depuis cette grande épreuve, j’ai acquis une sérénité jusqu’ici inconnue en moi-même.

Je vois la vie sous un nouveau jour ; je mords à belles dents dans tout ce qui avait plus ou moins d’importance à mes yeux ; un rien m’éblouit ; le chant d’un oiseau, la pluie, la neige, les enfants, les vieillards, finalement tout ce que j’ai manqué de si merveilleux auparavant et qui semblait faire partie du quotidien. Il suffît malheureusement d’avoir traversé une telle épreuve pour se rendre compte que tout ce qui existe autour de nous est si vulnérable et éphémère, et en même temps tellement précieux pour ceux qui savent être à l’écoute et attentifs à tout ce qui respire et transpire cette promesse d’éternité dans sa moindre parcelle.

Il m’arrive souvent de revivre les derniers instants de ta vie jusqu’au moment où tu fus revêtue d’un linceul de neige. Ce sont des événements qui arrivent si soudainement et l’on doit agir si précipitamment qu’il nous semble vivre un mauvais rêve. L’on se doit défaire le point à un moment donné ; c’est très difficile de ressasser ces moments, mais je crois que c’est nécessaire pour pouvoir apprendre à continuer de vivre face à cette vérité. C’est comme si je visionnais un film où je ne serais pas du tout concernée; évidemment, c’est le film le plus triste que j’aie jamais vu. Je me demande comment cette mère, très lucidement d’ailleurs, fait pour être capable de bercer sa petite en lui chantant ses berceuses préférées pour la dernière fois, alors qu’elle vient de rendre le dernier soupir. Elle va même jusqu’à bricoler avec son garçon de 8 ans un petit ange de soie et de dentelle qu il veut offrir à sa petite sœur pour décorer son cercueil blanc.

Aujourd’hui, alors que je revois ces images plus sereinement, je me surprends à me plaire dans cette vision, allant même jusqu’à avoir trouvé la cérémonie des funérailles très belle. Je me rappelle avoir tout préparé avec soin, tout comme je l’aurais fait le jour de ton mariage : tes petits bijoux, tes barrettes, ta plus belle robe bien pressée. Toi qui étais déjà si coquette, je suis certaine que tu as bien apprécié. Lorsque nous sommes arrivés le premier jour au salon funéraire, c’est avec le cœur rempli d’émoi, malgré tout le chagrin qui nous habitait, sans oublier toute l’amertume encore non extériorisée, que nous nous sommes avancés, papa, Yann et moi, vers la plus belle de tous les anges. Nous étions très fiers de présenter à nos amis, qui sont venus sympathiser avec nous, notre petite poupée, parmi ce jardin des merveilles des plus fleuris qui semblait faire partie d’un conte de fées.

Toi qui aimais les rondes et les fêtes, tu as été des plus choyées. Je n’avais jamais vu un aussi beau cortège. Les quatre petits copains de Yann, escortant ton «berceau», affichaient une fière allure en te berçant une dernière fois.. Même la petite réception que nous avons donnée pour recevoir parents et amis intimes fut très bien réussie. Tes petits cousins et cousines fêtaient avec toi ce qui devait être la plus belle journée de ta courte vie. Je sais que tu y es pour quelque chose, autrement je n’aurais pu m’en sortir de cette façon. Je suis convaincue que tu revis, non pas près de nous, mais en nous.

Tu te fais encore bercer, mais au gré de nos sentiments, tantôt d’une manière paisible, mais tantôt avec un peu de colère. Excuse-nous pour ce rythme saccadé, toi qui marquais si bien la cadence… C’est probablement ce que tu as fait grandir en nous qui nous chavire tant, nous qui faisions tout notre possible pour t’aider à grandir en sagesse et en beauté ; voilà que les rôles semblent inversés. Pour ce qui est de grandir en beauté, je dois te dire que tu avais bien débuté ; tu étais d’une beauté indescriptible. Je peux encore admirer tes beaux yeux noirs, car tu possédais les mêmes yeux que papa, ces derniers reflétant encore quelquefois les mêmes larmes que les tiens, et, vois-tu, je continue à les essuyer. Pour ce qui est de ta sagesse, tu y es parvenue avant nous ; mais en acceptant de te voir mener une vie autre que sur terre, je pense être sur le point d’atteindre une partie de ta sagesse et je t’en remercie.

Sache bien que malgré ces deux courtes années, lesquelles ont été nos plus belles, tout ce que nous avons bâti ensemble, pour toi et avec toi, fut fondé sur ce qu’il y avait de plus grand. Les joies que tu nous a apportées sont immenses et elles alimenteront tous nos jours à venir, jusqu’à ce que nous nous réunissions tous dans le petit nid d’amour que tu es sûrement en train de nous tisser dans un coin du paradis.

En attendant, aime-nous comme nous t’aimons, intensément et du plus profond de notre cœur ! Pense à nous comme nous pensons si souvent à toi, à chaque instant, seconde et minute de notre vie! écoute-nous comme nous saurons être à l’écoute de nos instincts guidés par la voix de Dieu en toi ! Attends-nous patiemment comme nous avons si bien su t’attendre, si bien su préparer ton arrivée durant neuf mois tant prémédités ! Je ne sais comment te remercier, ma chérie, pour tout ce que tu as su nous léguer en héritage : ton amour, lequel je sens déborder avec tous ceux qui m’entourent et que j’aime ; la force et l’espoir que tu nous donnes ; merci pour la vie que tu as permis de donner à un autre enfant, par le second souffle de vie que tu lui as offert !

Merci pour le courage que tu nous a donné quand nous avons pris la décision de donner à Yann un petit frère que tu as sans doute croisé sur ta route céleste. Sois bien assurée, mon amour, que cet enfant ne te remplacera jamais, mais tout ce que nous souhaitons, c’est de pouvoir lui procurer autant de joie et d’amour que nous t’avions prodigués et que tu nous rendais si bien.

Merci finalement à Dieu qui nous donne la chance de sortir grandis de cette lourde épreuve et surtout de m’avoir permis d’exprimer des sentiments tellement profonds et difficiles à mettre sur papier, car j’ai dû m’interrompre d’écrire à plusieurs reprises, quelques larmes étant venues s’ajouter à ce tableau…

Au revoir, notre petit ange !

Maman et papa.

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Source : Parents orphelins. Louise Courteau éditrice, 1990.

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