« Si vraiment les religions doivent survivre… il leur faudra en premier lieu renoncer à toute espèce de pouvoir autre que celui qu’une parole désarmée; elles devront en outre faire prévaloir la compassion sur la raideur doctrinale ; il faudra surtout, et c’est le plus difficile, chercher au fond même de leurs enseignements ce surplus non dit de grâce à quoi chacune peut espérer rejoindre les autres, car ce n’est pas à l’occasion de superficielles manifestations, qui reste des compétitions, que les vrais rapprochements se font : c’est en profondeur seulement que les distances se raccourcissent. »
(Collectif sur les moines de Tibhirine. Sept vies. Op. cit. Paul Ricoeur dans Lettre circulaire, p. 226)
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Il semble que la solution proposée pour la survie des religions soit d’appliquer le christianisme, non pas transformé en religions mais tel qu’il transparaît dans l’évangile, ce mode d’être que nous enseigne Jésus, ce regard vers Dieu et vers l’autre, cette ouverture incessante à Dieu et à l’autre, ce dépassement de soi de chaque instant pour vivre en Dieu. Rejoindre cette altitude, alors que nous sommes en butte permanente avec nos fermetures, nos peurs de perdre (quoi?), voilà le lieu du combat.
Nous nous battons avec les autres, entre hommes, entre religions, entre nations, parce que nous ne savons pas nous battre avec nous-mêmes, battre en nous toutes nos fermetures.
Nous convenons facilement que ce qui nous unit et plus important que ce qui nous sépare. L’unité est un rêve qui semble accessible, pourtant, nous butons toujours contre les cailloux qui gisent à terre oubliant de regarder le ciel. Il faudrait apprendre à regarder le ciel, à regarder plus haut, mais nous marchons tête baissée vers la terre et ses cailloux.
Il faudrait apprendre à regarder comme Jésus regarde. Regard et coeur ouverts.Si nous adoptons ce regard du Christ, les religions pourront s’entendre, elles pourront même disparaître. Si nous comprenons le regard de Jésus, son mode d’être, non comme une religion, mais comme une exigence de vérité et d’amour, si nous nous voyons comme le sel qui se mêle aux aliments, comme le levain qui se mêle à la farine, nous pouvons être absorbables sans être absorbés. Nous avons le plus précieux de tous les instruments pour le dialogue entre les hommes et les religions. Cet instrument, c’est le christianisme tel qu’il transparaît dans l’évangile, tel que nous ne le pratiquons pas encore.
Même absorbé, il peut survivre. Il suffit de garder la foi, d’avoir la grâce de la foi. Le reste est une question de forme. Nous avons mis le Christ en boîte, nous l’avons enfermé dans les boîtes de nos représentations réductrices, de nos religions, nous l’avons enfermé avec nos fermetures, nos verrous. Ouvrons-nous, ouvrons nos boîtes, libérons le Christ, non pour Lui, Il est tellement grand qu’Il n’a pas craint de se laisser enfermer, libérons-Le pour qu’Il nous mène là où Il veut, vers l’unité dans la paix, sans peur qui nous enferme, le regard fixé sur Lui.